Voici donc un spin-off de Spirou centré sur Champignac, et particulièrement ses jeunes années pendant la deuxième guerre mondiale avant qu'il ne rencontre Spirou et Fantasio.
Le gros point fort de cet album c'est qu'il est très beau. Je n'avais jamais lu de BD de David Etien auparavant, mais c'est vraiment très bien dessiné et en outre vraiment très bien colorisé. Le seul reproche que je ferais à la partie graphique, c'est d'aller trop souvent vers le réalisme au niveau des visages, là où les persos repris de Franquin en un peu plus réaliste sont vraiment les plus réussis.
Y a de très bonnes idées dans ce récit, comme mélanger Champignac avec un récit historique documenté et didactique, avec un style graphique plus réaliste. Ca semble être l'album parfait pour les fans de Spirou qui ont vieillis. C'est hélas dommage que l'écriture des dialogues soit pas folle, et qu'elle semble, elle, plus clairement viser un public enfantin.
En outre, on ne retrouve pas la malice, l'humour, le côté légèrement irrévérencieux et un peu grotesque des aventures de Spirou. C'est beaucoup plus sage. D'un côté, le Champignac un peu innocent dépeint ici est assez charmant, mais ça manque aussi un peu de mordant. Et c'est dommage que son côté farfelu soit plutôt absent de l'album une fois passé les premières pages.
J'ai été également un peu déçu que Champignac n'ai jamais l'occasion d'utiliser son invention à base de champignons. C'est teasé tout le long de l'album pour finalement ne rien en faire, comme si cet aspect du personnage embarrassait les auteurs, ce qui donne l'impression d'avoir un récit historique jeunesse dans lequel on aurait parachuté Champignac au dernier moment pour attirer des lecteurs. C'est dommage, j'aurais trouvé plus pertinent de le voir utiliser ses champignons que d'apprendre que tous les habitants connus du village de Champignac ont été de valeureux résitants (en plus il me semblait que les habitants de Champignac étaient habituellement plus méfiants vis à vis du Comte, qui a quand même un peu une réputation de sorcier farfelu, mais mes souvenirs sont peut-être faux).
Pareil, si croiser des personnages réels comme Turing est pertinent à la vu de l'intrigue, la présence de Churchill l'est moins (surtout que je ne suis pas fan des représentations héroïques et amicales de chefs d'état) et celle de Ian Fleming est assez balourde, surtout avec l'insistance à la fin qu'il va bien devenir l'auteur de James Bond après guerre. Tant mieux pour ceux qui ne savaient pas, mais pour les autres c'est vraiment poussif.
Par contre le focus hyper explicatif sur Enigma et les premiers ordinateurs de Turing est vraiment top. C'est hyper instructif, bien expliqué et le fait de mélanger ça avec les aventures de Champignac rend ça très agréable à lire et découvrir. Les auteurs ont intelligemment esquivés les bulles géantes d'explications barbantes et arrivent à illustrer les passages didactiques de manière pertinente, claire et lisible c'est top.
J'ai bien aimé également le fait d'avoir une héroïne pour accompagner Champignac. C'est chouette qu'elle soit une intellectuelle comme Pacôme, mais c'est dommage qu'elle n'ait pas un look et un nom plus excentrique, et un caractère plus marqué. Et je dois avouer que je reste toujours surpris quand on a une romance dans un tome de l'univers de Spirou. La série principale est tellement prude, même encore aujourd'hui, que rien que voir un baiser est surprenant. Et que dire de la paire de seins nus que l'on voit au loin à la fin, je n'aurais jamais imaginé voir ça dans un album de l'univers du groom, mais tant mieux si ça peut s'affranchir de la censure des années 50 (surtout que ce n'est pas dessiné de manière graveleuse). J'avoue que j'aurais bien aimé voir un Champignac homosexuel (peut-être avec Zorglub si on considère qu'ils sont dans les mêmes âges), mais la romance qu'on a dans ce Champignac tome 1 reste toute à fait sympathique et je suis assez curieux de savoir ce que les auteurs vont en faire.
Le clin d'œil final aux débuts de Spirou est sympathique, mais c'est dommage que ça n'essaye pas un peu plus d'être cohérent avec le Spirou d'Emile Bravo (qui lui même tiens plutôt bien la route, je trouve, en tant que préquel des Spirou et Fantasio classique). Et bien entendu, l'album ne fait pas du tout référence au controversé tome 50 et à sa timeline bizarre où l'on croisait déjà un Champignac jeune. L'album ne marche pas non plus totalement en préquel du tome "Y a t-il un sorcier à Champignac ?", la première apparition du comte dans la série, vu que l'album se passe en 1950, ce qui signifierais quand même un sacré coup de vieux pour le professeur en quelques années.
Mais bon, de toute manière, l'univers de Spirou et Fantasio n'a jamais eu de sens au niveau de sa timeline, et ce n'est pas bien grave du moment que l'on nous propose de bonnes histoires.
Bref, ce Champignac tome 1 était sympathique. C'est pas parfait, mais les dessins superbes et le côté didactique donnent quand même envie de donner sa chance à la série, même s'il faudra voir si les scénaristes arrivent à trouver un sujet aussi pertinent pour le tome 2, et j'espère que les particularités du comte seront mieux utilisées également.