Dans ce one-shot percutant et intimiste, Inio Asano dévoile le quotidien d’un mangaka vétéran épuisé par des années de publication et victime d’une profonde crise de la quarantaine. L’auteur livre le portrait cru et sans artifices d’un homme aigri à la limite de la misanthropie. Entre discussions tendues, visites régulières chez des prostitués, et introspections déprimées, Asano construit son récit grâce à des moments de vie aussi décisifs que banals. Dans un style qui laisse place à la mélancolie et à la bassesse humaine, Errance impressionne par son réalisme et par le sérieux avec lequel il traite ses thématiques. Le manga est réellement bouleversant, n’essayant à aucun moment de tricher en héroïsant son protagoniste, bien au contraire. Kaoru y est présenté comme un être renfermé, obséquieux, exigeant, parfois même détestable. Et malgré cela, on insiste et on tourne la page, nourrissant l’espoir candide de le voir s’améliorer. « … mais le héros est un beau crétin … » avoue lui-même Fukasawa sensei, mise en abîme qui sonne à la fois comme un excès de lucidité de sa part mais également comme un avertissement adressé au lecteur. Tout au long de l’œuvre, l’auteur de Solanin se plaît à désamorcer systématiquement les situations positives, plongeant de plus en plus son personnage dans une profonde solitude. Errance parle d’un artiste méprisant et las, qui « produit » plus qu’il ne « crée », d’un homme hanté par sa propre vérité, qui peine à cacher ses défauts les plus saillants. Il dépeint la trajectoire pathétique et profondément marquante d’un auteur brillant et d’un homme médiocre.