Fais un sourire, Maggy, premier tome de Maggy Garrisson, c’est un peu comme une tasse de thé oubliée dans une cuisine londonienne : tiède au départ, mais avec une touche de citron qui réveille. Lewis Trondheim et Stéphane Oiry livrent une enquête qui traîne les pieds dans la grisaille britannique, portée par une héroïne délicieusement désabusée.
Maggy Garrisson, c’est la détective qu’on n’attendait pas : pragmatique, ironique, et pas franchement motivée à sauver le monde, elle préfère gérer les petites combines du quotidien. Embauchée dans une agence miteuse, elle navigue entre magouilles, losers attachants, et faux semblants. Pas de courses-poursuites spectaculaires ni de gadgets high-tech ici : Maggy résout ses affaires avec un mélange de sarcasme et d’observations aiguisées.
Lewis Trondheim signe un scénario tout en subtilité, qui joue plus sur les ambiances et les dialogues que sur les grands rebondissements. Les intrigues s’enchaînent de façon presque anodine, mais c’est précisément ce quotidien gris et cabossé qui donne son charme à l’histoire. Cependant, le rythme un peu nonchalant et le manque de tension dramatique pourraient frustrer les amateurs d’enquêtes plus musclées.
Visuellement, Stéphane Oiry capture l’esprit londonien avec brio. Les décors urbains, les intérieurs modestes, et les trognes des personnages dégagent une authenticité qui plonge le lecteur dans ce petit monde décalé. Les couleurs pastel renforcent l’impression de mélancolie latente, tout en laissant transparaître des éclats d’humour et de tendresse.
Ce qui distingue vraiment Fais un sourire, Maggy, c’est son héroïne. Maggy n’est pas une super-héroïne ni une génie de l’investigation : elle est juste une femme qui fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a, armée de son intelligence mordante et de son refus catégorique de sourire pour faire plaisir. Cette anti-héroïne atypique est à la fois hilarante et touchante, même si son cynisme constant peut parfois sembler un peu trop appuyé.
En résumé : Fais un sourire, Maggy est une lecture qui sort des sentiers battus, avec son ambiance feutrée et son héroïne qui ne ressemble à personne. Trondheim et Oiry offrent un polar du quotidien, plus proche des pubs miteux que des manoirs hantés, avec une dose de réalisme qui charme autant qu’elle déstabilise. Un sourire ? Peut-être pas. Mais un clin d’œil complice, certainement.