Aujourd'hui je m'en vais vous parler de la suite du roman Fight Club, mais cette fois-ci en graphic novel, écrit par Chuck Palahniuk et mise en image par Cameron Stewart. Il s’agit de la suite directe du roman, et pour cause dans le film Tyler est sensé être mort. N’étant que le reflet d’une période trouble révolue. Pourtant dans Fight Club 2 il est de retour. Dix ans ont passé depuis le roman, Marla et Sebastian sont mariés et ont un fils. Mais au lit ce n’est pas vraiment ça, et pour se donner quelques sensations supplémentaires Marla remplace les médicaments de Sebastian par des placebos. C’est alors le retour de Tyler et de ses envies de grandeur.
Et c’est pour moi le début des ennuis, car autant vous le dire de suite, je n’ai pas apprécié ce graphic novel, qui a mes yeux n’a rien à voir avec le roman. Si celui-ci était cynique, trash et terrible à la fois, tout ceci disparait dans le graphic novel. Entre le roman paru en 1996 et la sortie du graphic novel en 2015, vingt ans se sont écoulés. Et si Palahniuk pensait choquer en proposant cette histoire, c’est raté. Ou alors c’est penser que les comics ne se limitent qu’à des super héros, et je ne pense pas que l’auteur soit naïf à ce point. J’ai eu l’impression de lire un Deadpool. J’ai lu peu avant Deadpool massacre Deadpool, et franchement je n’étais pas plus perdu en lisant l’un que l’autre. Deadpool se permet même le luxe d’être plus trash, un comble.
Dans le graphic novel on perd tout le propos irrévérencieux, cynique et acide du roman. Son écriture était faite au couteau mal aiguisé, un style tranchant qui allait droit au but et surtout qui n’épargnait personne. Sans se soucier de choquer ou même de trouver des ficelles grosses comme le bras pour combler un manque d’inspiration. Briser le quatrième mur, Deadpool le fait depuis des années et bien mieux que le personnage de Palahniuk dans le graphic novel. Je suis dur et peut-être que j’avais déjà pris le propos du film trop au premier degré à l’époque. Mais pour être sûr de bien interpréter les intentions de l’auteur, mais aussi pour connaitre l’œuvre originale, j’ai décidé de lire le roman avant d’entamer la lecture du graphic novel, faisant les deux le même jour. Et je peux dire que de mon point de vue, le roman est écrit pour être pris au premier degré, pour dénoncer et montrer l’absurde de nos quotidiens.
Le graphic novel reprend dans un monde certes assez chaotique, mais pas autant que l’on aurait pu s’attendre, surtout que les anciens membres du Fight Club continuent de reconnaitre Sebastian et de lui offrir des privilèges. Et pour cause Tyler est de retour, même pire il n’est jamais vraiment parti, et l’intrigue tient sur ce constat simpliste, ça et le fait que celui-ci est kidnappé son fils pour en faire son prochain réceptacle et le leader de l’ordre mondial qu’il souhaite mettre en place. Un sentiment de réchauffé avec pas mal de n’importe quoi comme ingrédients.
Mais justement Tyler n’est-il pas l’incarnation de ce dégoût des hiérarchies et des institutions ? Ne conchie-t-il pas sur l’autorité ? Ne fait-il pas en sorte que les individus deviennent des entités identiques, presque fantomatiques. C’est ce qui définit pour moi le personnage, même s’il est devenu mégalo entre-temps. Ou alors, je n’ai rien compris au livre.
De plus, on apprend que Tyler était là depuis le début, et bien avant le récit conté dans le roman. Il est une sorte de virus éternel qui poursuit depuis des lustres la famille de Sebastian. Perdant du coup son statut de pathologie psychologique unique et propre à Sebastian, le rendant parfaitement normal et surtout victime de Tyler. Loin du fait que dans le roman il était quelque part responsable de la création de ce double. Ses craintes et ses réflexions, ainsi que ses insomnies ayant donné naissance au personnage. Ici on balaie tout d’un revers de la main, pour placer Tyler au centre de tout. Ce qui aurait pu marcher si seulement le graphic novel ne devenait pas en milieu de récit un conte burlesque, presque cartonnesque auquel on a retiré toute substance sérieuse. Comme si Palahniuk disait d’un seul coup « j’ai dit beaucoup de choses crades, j’ai craché sur tout le monde ou presque, mais en fait c’était pour déconner ou pire je le disais parce que Tyler le disait. » ça n’a plus aucun sens et pire encore, plus aucune substance. Le propos réactionnaire a disparu, vidant l’oeuvre de son propos alarmiste, mais réaliste. Toutefois l'édition française est d'excellente qualité ce qui est déjà ça.
Mais une fois le livre fermé la question restera en suspend : pourquoi avoir fait ça à Fight Club ?