Ce tome fait suite à FreakAngels 1 qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe plusieurs semaines de parution du webcomics gratuit du même nom.
La vie nonchalante des Freakangels suit son cours dans Whitechapel, quartier de Londres, à demi-immergé après le grand cataclysme d'il y a 6 ans. Jack vient de terminer une sortie en bateau pour récupérer ce qui peut l'être et il retrouve Sirkka qui a donné congé à ses serviteurs. KK et Carolyn (ou Caz) papotent autour d'un alcool maison, sur l'avenir potentiel de leur petite communauté (environ 300 personnes). Connor continue de renseigner son journal, tout en indiquant à Kirk qu'il est temps qu'il aille relever Alice. Karl convoque une assemblée générale des Freakangels. Arkady expérimente avec son pouvoir. Et Miki assure les fonctions de médecin de la communauté. Une nouvelle attaque armée contre la communauté va contraindre les Freakangels à l'action.
La prépublication en webcomics dicte une mise en page un peu particulière (la même que pour le premier tome) : 2 lignes comprenant chacune 2 cases, parfois fusionnées en 1 seule, et quelques pleines pages. Paul Duffield n'a donc que peu de marge de manoeuvre pour varier les compositions des pages.
Par contre, il conserve une approche plus européenne qu'américaine de l'illustration. Duffield fait montre d'une grande sensibilité à l'architecture des bâtiments. Les personnages ne se promènent jamais au milieu d'immeubles tous semblables, ou vaguement esquissés. Dès la première page, il installe une grande roue qui ressemble vraiment à son apparence dans la réalité, ainsi que des immeubles londoniens au caractère reconnaissable. Il prête également attention aux revêtements tels que la brique (rendu par la couleur), ou les planchers en bois.
Toutefois le style de Duffield trouve ses limites quand il manque de références. Les Freakangels se rassemblent dans une ancienne fonderie et les cloches disposées au hasard d'une grande pièce laissent à penser que Duffield ne sait pas trop à quoi ça ressemble. De même, malgré tous ses efforts, il se retrouve parfois à dessiner une page ou deux de têtes parlantes pour insérer les dialogues nécessaires, sans trouver de solution plus visuelle de mise en scène. Heureusement ces moments sont en nombre limités (2 ou 3).
Pour la majeure partie du récit, le charme des illustrations délicates de Duffield opère toujours. Elles sont délicates car il continue à n'utiliser qu'un trait fin toujours de la même épaisseur pour délimiter les formes, tracer leurs contours. Les personnages se reconnaissent aisément car Duffield leur a donné un visage spécifique à chacun, ainsi qu'une tenue vestimentaire élaborée.
Duffield réalise lui-même la mise en couleurs (aidé par Alana Yuen). Le début est splendide avec des camaïeux élaborés, sans recourir à des teintes criardes. Mais au fur et à mesure du récit, la palette de couleurs se restreint de plus en plus, devient de plus en plus sombre, pour finir presque sur un gris-vert presque noir qui mange tout (prévoyez une bonne luminosité pour lire).
Au fur et à mesure des pages qui se tournent, le lecteur se rend compte que Warren Ellis a placé ses Freakangels au milieu d'une communauté dont ils assurent la survie au jour le jour. Cette survie est assez paisible car ni la nourriture, ni l'eau ne manquent. Chacun peut trouver un logement dans les immeubles désertés, et Miki veille à la santé de chacun. Les besoins primaires des individus sont donc satisfaits sans qu'il y ait beaucoup d'efforts à déployer. Chaque Freakangel assume une fonction simple dans cette société (docteur, jardinier, technicien, etc.) et la question se pose de l'avenir à moyen et à long terme. Ellis écrit une fable sur la société, en rendant des jeunes adultes (23 ans) responsables du devenir de la communauté. Chaque Freakangel représente à la fois un métier avec ses caractéristiques (réduites à une ou deux composantes), mais aussi un caractère psychologique. De fait l'histoire avance lentement parce que chaque Freakangel a droit à son moment en temps que personnage principal, or il faut du temps pour donner de la place à 11 individus différents (Mark, le douzième Freakangel, est toujours exilé).
Warren Ellis s'offre une série au rythme de tortue. Les enjeux sont complexes et prennent du temps pour être concrétisés. Il y a 2 scènes d'action brutales et à l'issue définitive qui viennent mettre un peu de désordre. Les illustrations de Paul Duffield charment le lecteur et se marient bien avec cette ambiance un peu feutrée et incidemment funeste. Je suis curieux de savoir dans quel sens Ellis orientera sa série. La jeunesse des Freakangels sera-t-elle un atout ou un défaut pour l'avenir de leur communauté ?