Ce tome fait suite à Freak Angels 5, c'est la conclusion de la série.
Les 12 FreakAngels sont réunis dans le sous-sol de la maison de Karl. Ils doivent faire le point sur plusieurs décisions à prendre quant à des situations complexes. Pour commencer, il ya le cas épineux de Luke et de ses exactions. À nouveau, les pouvoirs des FreakAngels les mettent à part, à nouveau ils doivent inventer une solution à leur propre mesure. Ils doivent refaire le cheminement de chaque civilisation qui se trouve dans l'obligation de punir un individu qui nuit à la société. Miki a déjà pris une première précaution, et un autre FreakAngel s'est amusé à marquer Luke d'un signe infamant. Mais le fond du problème demeure : quelle sanction ? Il y a ensuite le cas tout aussi épineux de Mark. Qui plus est, ses machinations commencent à avoir des conséquences brutales sur la communauté d'humains vivant dans le quartier de Whitechapel. Alice se met à la recherche des FreakAngels car elle a aperçu un élément nouveau dans le ciel depuis sa plateforme d'observation.
Warren Ellis continue à développer le comportement des FreakAngels qui doivent petit à petit réinventer les fondements de toute société. Après avoir réinventé la police criminelle avec Kait, le temps est venu de réinventer la justice. Il s'en suit donc de longues scènes de dialogues où chaque FreakAngels expose son point de vue, sa proposition de châtiment, avec quand même la limite due à la nature même des FreakAngels et de leurs pouvoirs. Les idées exposées le sont de manière organique du fait des différents points de vue de chaque personnage, et elles sont complètement intégrées à l'histoire. Ellis évite donc la leçon ou le prêche ; il raconte bien son histoire. Ce passage est rendu plus intéressant par la participation active de Luke à la discussion : c'est un individu à part entière avec des réactions spécifiques éloignées des clichés. Les pages consacrées à Mark permettent de découvrir qui est vraiment cet individu. La deuxième moitié du tome est consacrée à la résolution de l'intrigue avec beaucoup d'effets spéciaux.
Les illustrations sont réalisées par Paul Duffield, assisté de 2 metteuses en couleurs Alana Yeun et Kate Brown. Ce tome commence par une superbe pleine page qui décrit une façade d'immeuble, ayant besoin d'un ravalement approfondi, avec le scooter volant de KK, garé au premier plan. Ensuite commence la première scène de dialogue. Le sous-sol de la maison de Karl est une pièce dénudée qui ne fournit pas beaucoup de composantes visuelles à Duffield. Par comparaison avec le tome précédent, il a imaginé une mise en scène plus élaborée, avec cette fois-ci un vrai jeu d'acteurs qui se déplacent en fonction de leurs propos et de leurs émotions. Le lecteur est donc épargné d'une scène trop statique avec uniquement des têtes en train de parler. Ces scènes sont entrecoupées par Alice parcourant les rues de Whitechapel, ce qui permet au lecteur de bénéficier d'un peu d'action et de ces décors travaillés et pertinents de l'architecture londonienne. Dans la deuxième partie, c'est plutôt la fête des metteuses en couleurs qui peuvent s'en donner à coeur joie avec des teintes mauves et violettes Le dessinateur est à nouveau tributaire du scénario qui repose sur des scènes spectaculaires et à nouveau des dialogues. Duffield s'en tire plutôt bien, même si le nombre limité de cases (entre 2 et 4) par page ne lui permet pas de réaliser des séquences cinématiques.
Warren Ellis boucle sa série de manière claire en conservant l'équilibre entre capacités surhumaines et société en reconstruction sous la houlette de jeunes adultes, avec quelques séquences d'action, et un doigt de science-fiction. La thématique de la reconstruction de la société lui aura permis d'aborder quelques aspects de la structure d'une société occidentale, avec ses principaux métiers. Les 12 individus dotés de pouvoirs extraordinaires ressemble à une allégorie de l'entrée à l'âge adulte, moment où chacun doit construire son indépendance en fonction de ses capacités, ses connaissances, son milieu familial, etc. Le bilan de ces thématiques est qu'Ellis aura réussi à les décrire de manière intelligente et divertissante, sans les développer significativement. La conclusion de la série laisse quand même dubitatif quant à la vision sociétale d'Ellis. Il semble même démagogique quand il sous-entend que la nature spéciale des FreakAngels doit leur permettre d'apprendre et de s'améliorer, sans l'aide de professeur, de tuteur ou de passeur de savoir. FreakAngels laisse un goût étrange dans la mémoire : celui d'une série originale qui sort des sentiers battus, qui ne se repose pas sur de l'action ou de la violence pour maintenir l'intérêt du lecteur, mais aussi qui ne va pas jusqu'au bout de ses idées.