La dérive s’accentue, les trains fourmillent d’animaux qui se bousculent au bar, les personnages se barrent en sucette, l’histoire a des convulsions inquiétantes, on entre dans une sorte de narration expérimentale dans laquelle l’auteur se fait visiblement plaisir, mais qui m’a perdue en cours de route. L’abondance de texte par endroits, censée étoffer l’univers alternatif, nuit au rythme d’un récit qui ne trouve guère son chemin dans les méandres d’une invention privée de garde-fou. Restent les sentiments universels, comme autant de jalons auxquels on se raccroche sur une route chaotique : l’amour irrationnel des hommes pour des femmes mystérieuses aux formes stéréotypées, la paranoïa de dieux mal lunés, l’appétit de pouvoir des uns et la déprime des autres, mais ça fait peu pour maintenir l’attention de la lectrice déjà un peu échaudée par le tome précédent. Ça n’est pas que j’aime l’ordre de manière excessive, loin de là, mais un cirque pareil, c’est un peu pesant à mon goût. Les générations se croisent dans une complète anarchie, les crimes s’accumulent gratuitement, les espèces se fécondent au petit bonheur la chance, et tout le monde fait finalement preuve d’un fatalisme blasé qui tourne à l’indifférence. Difficile dans ces conditions d’emporter mon adhésion enthousiaste. Reste l’impression d’avoir bataillé une heure avec un caramel qui colle aux dents sans pouvoir ni l’avaler tout rond ni le faire fondre sous la langue. Exaspérant, comme une entreprise un peu vaine vouée d’avance à l’échec. Je sais pas si je me fais bien comprendre… purée, ça se donne, en plus !