Le plus grand metteur en scène
Cette dernière adaptation du chef-d'œuvre de Fitzgerald, qui fleurit en même temps que le film, est, à mon sens, intrigante, au moins autant que Gatsby lui-même. Si la couverture est soignée et résume l'œuvre dans sa totalité, je n'ai pas vraiment accroché à l'esthétique particulière. Le dessin très clair donne une impression de flou, de personnages mal définis, et, hormis la carrure, je n'ai pas vraiment réussi à dégager le caractère de chacun des personnages en particulier. Par exemple, le personnage de Tom est dessiné comme un colosse lourdaud, ce qui donne un aperçu cohérent du personnage, fermé, égoïste, sans aucune notion de l'histoire et des sentiments qui animent Gatsby et Daisy. Le parti pris est extrêmement pertinent, mais, du reste, chaque autre choix esthétique semble tiré par les cheveux, ou ne va pas de soi. C'est une illustration plus qu'une BD, et une mise en scène plus qu'une adaptation.
Et effet, Gatsby se lit très vite et je suis un peu déçu. Les évènements s'enchaînent vite, ils sont tous présents, mais on passe vite à autre chose, comme si dans la narration il fallait ne pas perdre de temps et écourter le propos. La BD sonne comme un résumé qui prend les grandes lignes et en donne des illustrations, dans des décors un peu différents, dans un univers propre au dessinateur. Au final, on aurait pu se passer du texte qui paraphrase presque le livre, qui reprend la narration à la première personne en l'écourtant un peu, pour pouvoir admirer simplement des planches qui donnent autant envie que la couverture seule. Les partis-pris les plus mystérieux restent ceux d'avoir délocalisé l'histoire en Chine et de l'avoir actualisée ; ce n'est pas visible à chaque case, mais de nombreux détails le rappellent, et plus on va vers la fin, plus la différence est marquée. Il est pour moi assez étonnant de ne pas concevoir Gatsby dans l'Amérique des années 1920, de l'entre-deux guerres, de la période d'effusion et de folie qui donnait lieu aux fêtes de Gatsby. Mais la BD se concentre beaucoup sur la relation et les tensions amoureuses, donnant un caractère plus abstrait à l'histoire. Peut-être cela repose-t-il sur la gratuité de l'acte et sur la proposition que l'histoire pourrait se passer à n'importe quel moment ou n'importe quel lieu… Mais c'est déjà ce que propose le roman original en se plaçant dans l'Amérique des années 1920.
Le BD repose un peu trop sur l'idée, et, s'il fallait s'y attaquer un jour ou l'autre et qu'elle reste plaisante à lire et à regarder, et qu'elle rend compte fidèlement de la beauté de l'amour Gatsby - Daisy, en tant qu'adaptation à part entière, j'y suis resté relativement fermé. Mais ma connaissance de la bande dessinée et mon point de vue assez souvent texto-centré ont encore un peu d'histoires à vivre pour réécrire le passé et dessiner l'avenir.