(les noms français ont été gardés pour le confort du rédacteur)
Il s'est produit dernièrement une coincidence comme je n'en avais pas connu depuis l'enfance, mais j'ai ensuite compris que certaines idées étaient dans l'air du temps, et que plusieurs personnes devaient fatalement trouver (/désirer/vouloir), à peu près simultanément, des développements semblables aux éléments à disposition dans leur culture.
En mars 2020, oisif, je notais quelques idées pour une suite à Goldorak. Certainement, je me rappelais la force tragique du récit et des situations qui faisaient le succès de la série, par-delà ses limites évidentes. J'y resongeais soudain en ce début de mois des cadeaux de Noel en plastique. Et j'apprends à la radio la semaine dernière, que Bajram avait soumis à Go Nagai le storyboard d'une suite à paraître pour 2021.
Je me suis dit que placé dans les mêmes circonstances, Alan Moore (autant prendre modèle sur un génie) avait modifié les personnages de l'éditeur Charlie (qui ne l'avait finalement pas autorisé à les utiliser) pour créer son chef-d'oeuvre, Watchmen. Bon, depuis, on a vu fleurir les fan fictions, et puis je ne suis jamais arrivé au bout d'un quelconque projet de bédé (trop de travail et de discipline). Alors autant jeter ici les quelques idées qui me sont passées par la tête, ainsi que ce qui me paraît devoir être le cahier des charges indispensable à la réussite de l'entreprise.
La capacité ou non de répondre à ces incontournables, conditionne la réussite de Bajram (ou d'un autre)(qui s'est fait connaitre par une oeuvre de jeunesse à demi ratée et à demi inspirée par Watchmen ; comme le monde est petit).
Si je suis motivé, je terminerai en indiquant les idées que je songeais à développer.
Rappellons-nous qu'Actarus avait volé Goldorak à ses créateurs, retournant l'arme contre l'agresseur. L'une des particularités de cette armure géante, parmi ses armes ne figurent quasiment pas de missiles : poing éjectable, épée, n'étaient pas des projectiles explosifs tels que ceux qui pourraient être utilisés pour la destruction d'une ville et d'une population.
La fascination iconique exercée par lui et ses ennemis robots géants aux formes souvent inspirées des animaux (cf les armures japonaises aux cornes de scarabées), s'opposait à l'exaltation de la vie pastorale. Actarus, le prince guerrier, ne se battait que pour défendre le monde qu'il aimait. Il était le fils adoptif de la Terre, un réfugié qui avait choisi la vie simple de la ferme, les chevaux et la guitare au pied du chêne, que ne quittait pourtant jamais la nostalgie de sa terre-mère perdue (la nostalgie de l'exilé est peut-être la raison du succès de Grandaizer en Cisjordanie?).
Ses ennemis n'étaient mus que par la soif de pouvoir, et se mettaient constamment des bâtons dans les roues, manigançant pour les faveurs du chef. Ils avaient détruit et asservi des planètes et des peuples entiers, et en plus d'une occasion, utilisaient le chantage pour envoyer se battre des personnages pas très différents d'Actarus et de ses amis, qui se sacrifiaient pour leurs proches. Ah, ce bon vieux sacrifice japonais, il était utilisé à des fins dramatiques très efficaces.
Goldorak, comme Albator, faisait fi du réalisme technologique ou des situations, au profit de la force du visuel et des symboles, et touchait au réalisme "plus profond" des oeuvres de fiction, qui parlent à l'"âme", qui font résonner notre fibre sensible. Les situations étaient extrêmement dramatiques, voire du plus pur tragique.
Voici mes propositions pour la suite...
Il sera donc intéressant de voir l'évolution de la Terre et de ses ennemis. La nostalgie concerne désormais notre nature partiellement détruite par les hommes eux-mêmes, envahis de nouveau par le même peuple extra-terrestre qui a pour tradition de coloniser des planètes jusqu'à les rendre inhabitables, avant de repartir pour une autre. Le vieux Goldorak, pas entretenu, défectueux, sera confronté à une nouvelle gamme de robots qui, Actarus sur le point d'être battu va le découvrir in extremis, ne sont animés qu' à distance, via un satellite géostationnaire qu'il lui suffira de détruire en envoyant (en sacrifiant) un de ses poings, alors que son robot est désormais immobile comme un vieux praticien de tai-chi [au fait, les drones humains, pas brouillables?].
Ca pourrait commencer par un trio de gosses se rendant dans le labo abandonné en traversant une forêt et en longeant le barrage, scène qui se clorait sur l'apparition à la fenêtre panoramique des yeux d'un robot qui les regarde. On enchaînerait sur la vie quotidienne de nos héros ignorant le danger, et on reviendrait ensuite sur le résultat de l'arrivée du méchant golgoth : il a détruit le barrage, qui s'est déversé sur une ville et tué tous ses habitants (important les massacres de masse dans Goldorak).
Actarus, qui (dans ma version) a été enfant esclave des envahisseurs, martyrisé par leurs gosses, part à la fin de notre histoire avec son vaisseau pour se sacrifier en démolissant le vaisseau-mère des aliens en mode kamikaze, ne sachant pas que des habitants civils y vivent. Ils sont réduits à ne consommer que des plantes, qui cependant succombent à une infection provenue de leur propre patrimoine génétique - ils souffrent donc d'une famine (mais il y a la petite famille des chefs, privilégiée, et leurs gosses pourris-gâtés). Vers la fin du récit, les esclaves/le peuple vivant sur le vaisseau, révoltés, sont amenés à choisir entre la liberté et la mort, et font eux-même exploser le vaisseau-arche, provoquant l'extinction de leur espèce / avec celle de leurs oppresseurs.
Ce genre de thème extrêmement dramatique faisait la particularité et le charme des animés comme Albator également. Les auteurs de mangas de l'époque étaient encore marqués par les désastres de la seconde guerre mondiale et le souvenir des séismes.
Au final, Actarus, à bord de Goldorak, continue son chemin dans le vide de l'espace, perdu au milieu des étoiles.
Une possibilité : au tout début du récit, on voit un vieux non identifié traverser un paysage de ruines immenses abandonnées depuis longtemps. A la fin, on devra deviner que c'est Actarus, retourné sur sa planète pour y mourir. Sa femme terrienne est morte de maladie sur Terre (causée par la pollution? Fukushima? Les "pesticides"?) et son fils a été tué lorsqu'il est parti affronter à bord d'un vaisseau sous-armé, les aliens dès qu'il a appris leur retour sur Terre (oui, une bonne vengeance, ça motive son vieux).
En somme on retrouve notre bon vieil Actarus en Clint Eastwood dernière époque, mais en plus sympa quand même, mode space cowboy (le rendre désabusé et antipathique serait une erreur grossière à ne pas commettre - le mec c'est jésus, ou Tarzan, venu sauver la jungle de ses semblables blancs envahisseurs).
Bon alors résumons toutes ces dynamiques aventures : dialectique bons solidaires/méchants égoistes, nature/technologie, vieux Goldo rouillé à commandes manuelles/nouveaux golgoths à commandes neuronales (mais en fin de compte c'est la vieille tech polluante qui gagne, enfin une dernière fois, parce qu'elle a beau être rouillée elle est fiable, solide, et le pilote dans son habitacle est dans une symbiose corporelle concrète avec une finesse de contrôle, une familiarisation avec la machine - hé, n'oubliez pas que les Japonais sont animistes! - qui donnent la supériorité au savoir-faire à l'ancienne sur les nouvelles méthodes de destruction qui n'ont pas encore fait leurs preuves - c'est un peu la cérémonie du thé du massacre) ... Et puis sûrement carotte/cheval, cheveux longs/skinhead, pattes d'eph'/collants moulants à la Kiss.
Après vous me demanderez : "Pourquoi tous ces robots géants?". C'est parce que tous les petits Japonais ont été traumatisés au moins une fois dans leur enfance par une attaque de Godzilla (haiku-dégâts). D'ailleurs, tout héros de série en costume (cosplay) et son envahisseur extra-terrestre (American Dog) devenaient géants et rasaient une ville lors du combat final. C'est comme ça. C'est le Japon.
(au départ je voulais appeler ce chant du cygne/baroud d'honneur "le chant du génocide" - un titre bien japonais)
Voilà, c'était marrant tout ça mais je suis pas sûr que ça me motive de continuer.