Il manque un truc...
Il y a de bonnes idées. le monde des sdf, Venice beach... Ce sont des thèmes rarement abordés. Les dessins collent bien à l'ambiance. J'ai eu du mal à m'attacher au perso principal. L' enquête...
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le 4 août 2021
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Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. L'éditeur a pris le parti de publier en même temps la version en épisode, et la version en recueil. Ce tome a été publié initialement en 2018, écrit par Joshua Dysart, dessiné et encré par Alberto Ponticelli, avec une mise en couleurs réalisée par Giulia Brusco.
La forêt est en train de brûler. À Venice Beach en Californie, il fait beau : ciel bleu, soleil brillant, la fumée de l'incendie n'est pas encore arrivée. Eddie Quinones, un sans-abri, marche tranquillement, la capuche de sa veste rabattue sur sa tête. Il entre dans la bibliothèque municipale : les toilettes en sont fermées, ce qui lui rappelle qu'il a vraiment très mal au ventre. Il salue Tom, un jeune homme en train de lire, et se rend à un des postes informatiques en libre -service. Il consulte son courriel : il a un message de son fils Jeronimo Duran qui lui indique qu'il passera à Venice dans deux semaines et qu'il aimerait bien le rencontrer. Eddie ressort en disant au revoir à Tom, et se rend chez son meilleur ami Bob qui habite dans un camping-car. Ce dernier lui propose de rentrer, et lui offre une bière. Il se plaint de son pied qui ne guérit pas, ce qui à terme pourrait l'empêcher de conduire. Puis il s'installe aux toilettes, tout en continuant à discuter avec son pote. Il l'informe que son fils va venir et qu'il souhaite le voir. Bob lui propose de lui laisser son camping-car le temps que son fils sera là, lui ira dormir chez sa copine. Eddie sort des toilettes sans avoir rien pu faire. Il esquisse quelques pas de danse en chantant, et explique qu'il pense qu'il n'arrivera plus jamais à aller à la selle. Bob a sorti sa guitare et gratte un peu pour accompagner son pote. Une fois qu'il se sont détendus en fumant une cigarette qui fait rire, ils décident d'aller faire un tour le long de la plage.
Une fois à l'extérieur, ils se promènent sur l'allée qui longe la plage. Eddie s'arrête pour saluer une sans abri, allongée par terre avec son chien Snap à ses côtés : Tessa Kerrs. Le chien grogne et montre les dents empêchant Eddie de l'approcher, et elle semble partie dans un mauvais trip. Il continue à se promener tout seul, et est interpellé par Hogan, un individu à l'allure de clochard, mais visiblement aussi un facilitateur entre les sans-abris et les aides publiques ou privées. Hogan lui donne un petit plateau repas pris sur le stand sur la promenade, et lui fait observer la présence de jeunes gens fortunés en provenance de Santa Monica, avec leurs gardes du corps. Il lui indique qu'ils sont le symptôme d'une opération de renouvellement urbain imminente. Enfin, il confie un téléphone portable à Eddie, un don du gouvernement Obama. Enfin Eddie arrive près d'un banc squatté par Friday, un autre sans-abri de ses amis. Il s'assoit à ses côtés, et Friday lui offre une bière. Ils papotent un peu, et Eddie voit passer Tessa accompagnée de son copain Jacq. Il leur adresse la parole, mais Jacq lui intime de les laisser tranquille avec des mots crus. La nuit tombe. Eddie et Friday regardent passer un troupeau de cyclistes. Eddie décide d'aller faire le tour des conteneurs à déchets pour voir ce qu'il peut récupérer : il découvre le cadavre de Tessa et de son chien dans l'un d'eux.
TKO est une maison d'édition de comics fondée en 2017 par Tze Chun et Salvatore Simeone, ayant fait appel à des créateurs réputés pour leurs premières parution comme Garth Ennis pour Sara avec Steve Epting, et Jeff Lemire pour Sentient, avec Gabriel Hernández Walta. Joshua Dysart et Alberto Ponticelli ont déjà collaboré sur une série mémorable : Unknown Soldier (2008-2010, 25 épisodes) sur la guerre en Ouganda. Le lecteur découvre vite le type de récit du présent tome : un polar. Le personnage principal est donc un sans-abri, visiblement depuis de nombreuses années, qui vit dans une région ensoleillée des États-Unis, vivant dehors, sans domicile fixe, dormant souvent dans la rue, se nourrissant mal, ne disposant d'aucune couverture sociale, avec quelques difficultés de concentration, ne buvant que des bières, mais pas beaucoup car il n'a pas le moyen de s'en acheter. Le meurtre concerne une autre personne à la rue, une jeune fille, visiblement pas très bien dans sa tête, au point de parler à haute voix toute seule, dormant elle aussi dans la rue. Les auteurs n'utilisent pas un sans-abri juste pour avoir un point de vue original. Les caractéristiques de la vie à la rue ne disparaissent pas comme enchantement au bout d'une dizaine de pages : elles sont présentes tout du long du récit. Eddie ne devient ni un individu particulièrement costaud, ou particulièrement brillant dans ses déductions, et sa façon d'appréhender la réalité reste tout du long en décalage avec celle d'un individu intégré à la société.
Au fur et à mesure que l'enquête progresse, le lecteur découvre avec Eddie, des ramifications dans la prostitution, le mondes des affaires avec l'implication d'un promoteur immobilier, et celui des hommes de main. Au cours du chapitre 4, les auteurs consacrent une page à la création de Venice Beach et de ses canaux par Abbot Kinney (1850-1920). Là aussi, la localisation de l'affaire ne se limite pas à juste disposer d'un joli décor avec la mer et des palmiers, mais participe à l'intrigue qui n'aurait pas été la même si elle s'était déroulée dans un autre lieu. Les errances et les recherches plus ou moins conscientes du sans-abri font apparaître des caractéristiques économiques de la société dans laquelle il évolue ou qui l'entoure, faisant de ce récit un véritable polar, un révélateur et un commentaire social. La vie des différents personnages est façonnée par les forces qui modèlent la société dans ce quartier de Venice Beach. Le scénariste s'inspire des meilleurs auteurs de polar, la Californie faisant penser à un écrivain y ayant situé la plupart de ses polars : Ross McDonald (1915-1983, de son vrai nom Kenneth Millar).
D'expérience de lecteur, il n'est pas facile de raconter un polar en bande dessinée, car le mécanisme de l'enquête est beaucoup plus visible et peut vite paraître artificiel. Les auteurs évitent cet écueil d'une part parce que le personnage principal est un sans-abri, d'autre part grâce à la narration visuelle. Eddie n'est pas un enquêteur professionnel, ni même amateur : il poursuit une idée, ou un questionnement, souvent sur la base d'une logique très partiale et très partielle. L'artiste prend bien soin de montrer les personnages comme des individus plausibles et réalistes, sans les idéaliser ou leur donner une allure romantique. Les différents sans-abris arborent des expressions de visage montrant une forme de conscience de vivre en marge, avec des gestes présentant parfois une apparence différente, des postures ou des mouvements que n'auraient pas un individu intégré à la société. Ponticelli n'en rajoute pas sur la crasse, l'hygiène douteuse, ou la vie dans les détritus. Il montre de manière factuelle et dans le fil du récit des facettes de la vie de sans-abri : le bandage sale du pied de Bob, le visage jamais rasé d'Eddie et ses habits crasseux, le bazar dans le camping-car usagé de Bob, le coin de mur contre lequel Tessa se repose, les trottoirs de Skid Row envahis par les tentes des sans-abris, le décalage entre une banlieue propre et pimpante et la présence de sans-abris en train de manifester.
Dès la première page, le dessinateur investit du temps pour représenter Venice Beach, sa plage, sa promenade le long de l'océan, le type d'immeubles et de pavillons en fonction des quartiers. Il ne s'agit pas de tourisme, mais juste de représenter l’environnement dans lequel se déroule une séquence dans la rue, ou à l'intérieur d'un immeuble ou d'une maison. Il représente avec le même naturel les accessoires de la vie courante comme les téléphones portables ou les canettes de bière. De temps à autre, le lecteur remarque une suite de cases avec un cadrage de type plan poitrine ou plus rapproché, sans rien en arrière-plan. D'un autre côté, la coloriste sait mettre en place une teinte principale dans chaque scène et la décliner lorsqu'il faut habiller un fond de case. Il n'y a que dans le cinquième épisode que le dispositif narratif montre ses limites. Eddie s'est déplacé d'un endroit à l'autre pour rencontrer des individus au gré de sa fantaisie, de ce qu'il pouvait comprendre. Le lecteur découvre ces scènes du point de vue du personnage qu'il a croisé, replacées dans le contexte du moment de la vie de cet autre personnage. Le scénariste montre alors ses trucs de manière un peu artificielle, les personnages expliquant à Eddie, ou même directement au lecteur ce qu'il a fait. Pendant ces moments-là, Dysart ne parvient pas à échapper à la mécanique du roman policier avec les phases d'explication ou de révélation quant à ce qui s'est vraiment joué pendant telle ou telle scène.
Joshua Dysart & Alberto Ponticelli relèvent le défi de raconter un vrai polar : une enquête criminelle inscrite dans un milieu social particulier et qui sert de révélateur. L'histoire tient cette promesse de manière aussi ambitieuse que naturelle, avec un personnage principal inhabituel : un sans-abri montré de manière naturaliste du début jusqu'à la fin, sans exagération romantique, sans qu'il ne se transforme en personnage d'action générique en cours de route. Le lecteur se retrouve emporté à Venice Beach, à côtoyer des sans-abris désocialisés, mais gênant de plusieurs manières.
Créée
le 19 déc. 2020
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2 j'aime
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