Polza de son prénom - acronyme rappelant l'invective de se " souvenir des préceptes de Lénine " - 38 ans, est un personnage qui, à l'instar des policiers qui l'interrogent pour un crime a priori terrible et dont la culpabilité ne fait aucun doute, nous mène en bateau, là où il a envie, qu'il s'agisse de ses perceptions de la vérité et du monde ou de ses pérégrinations hallucinatoires.
Du gras animé par une volonté de faire le vide dans une fuite en avant sans but, pataude, alcoolisée, les mains couvertes de funky chocolats après le décès d'un père qu'il n'a jamais su aimer et qui, depuis sa mort, n'est bien que trop présent ; voilà comment je pourrais résumer cette première rencontre avec Polza au poste.
Le trait de Manu Lacernet met parfaitement en avant cette ambiguïté entre le gentil géant clochard peu ragoûtant voire un peu benêt et le prédateur redoutable et violent prêt à se jeter sur vous ou à se taire à jamais ; oscillation fragile qui caractérise la folie - pour le moment tue mais évidente - du protagoniste. Même si la malhonnêteté du narrateur est manifeste, le lecteur reste suspendu à ses lèvres, contemplant le monde à travers ses yeux ronds disproportionnés, constatant l'étendue de sa haine de lui-même... et, de fait, des autres. Les oiseaux eux, semblent pourtant connaître tous ses secrets.