Blast, tome 1 : Grasse Carcasse de Manu Larcenet, c’est un peu comme un road trip intérieur où chaque page est un coup de poing graphique et narratif. Imaginez un mélange improbable entre Bukowski, un tableau de Francis Bacon, et un polar existentialiste sous Prozac. Voilà, vous avez à peu près l’ambiance : sombre, dérangeante, mais impossible à lâcher.


Le récit nous plonge dans l’esprit tortueux de Polza Mancini, un homme massif – autant par son physique que par ses traumatismes – qui raconte son histoire à deux inspecteurs. Pourquoi est-il en garde à vue ? Quel crime a-t-il commis ? Peu importe, car très vite, le véritable mystère devient : qu’est-ce qui ronge cet homme au point de l’envoyer errer dans une nature hostile et dévorante, à la recherche du "blast", cette sensation d’extase quasi mystique ?


Graphiquement, Larcenet livre un chef-d'œuvre. Entre ses aplats de noir et blanc oppressants et ses explosions graphiques où la folie de Polza s’exprime, chaque planche est une œuvre d’art en soi. C’est à la fois brut et délicat, comme si chaque trait portait la douleur du personnage. Les contrastes entre la banalité des scènes réalistes et les visions hallucinées de Polza rendent le tout aussi hypnotisant qu’un cauchemar dont on ne veut pas sortir.


Narrativement, c’est une claque. Larcenet dépeint la déchéance humaine avec une poésie rare, mêlant introspection philosophique et dialogues percutants. Polza est un personnage complexe, tour à tour répugnant et fascinant, un anti-héros qui vous embarque dans sa chute sans demander votre avis. Et vous y allez, parce que la plume de Larcenet est irrésistible.


Mais Grasse Carcasse, ce n’est pas qu’une plongée dans la noirceur. C’est aussi une réflexion sur la société, la différence, et ce qui pousse un individu à s’écarter du monde pour vivre à sa manière, aussi autodestructrice soit-elle. L’histoire se lit comme une spirale : elle vous enroule dans ses méandres, vous étouffe par moments, mais vous laisse étrangement exalté.


En résumé : Grasse Carcasse est une expérience autant qu’un livre. C’est un voyage dans l’humanité brute, où Larcenet vous rappelle que l’ombre et la lumière coexistent en chacun de nous. Un premier tome à la fois sublime et inconfortable, qui donne envie de plonger plus profondément dans l’univers dévasté – et dévastateur – de Polza Mancini.

CinephageAiguise
8

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le 6 déc. 2024

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