Je glisse dans ma stéréo le disque de Dr John, « Gris-gris » (1968), le premier album du musicien de la Nouvelle Orléans. Son style unique allie jazz, blues et musique basée sur des incantations Voodoo, à l'écoute de cet album on se retrouve transporté en plein Bayou, là où le temps s'arrête. C'est cet album qui a rythmé la lecture de ce premier tome de Larcenet, Blast : grasse carcasse.
Pour une BD, le format est peu banal, 200 pages de moyen format pour nous raconter une histoire des plus étranges. Le tome se résume à un long interrogatoire d'un homme obèse et disproportionné au teint cadavérique. Cet homme a fait quelque chose d'horrible à une certaine « Carole », pour cela il a été arrêté et est passible de prison à vie. Mais les policiers veulent ses aveux, alors il se lance pour raconter l'histoire de sa vie. Je n'en dirais pas plus car je crois que le livre se découvre au fur et à mesure, personnellement ma curiosité a été titillée du début jusqu'à la fin. Même si à la fin on est très loin d'avoir toutes les réponses.
L'œuvre final est vraiment très prometteuse ! L'aspect graphique est dans un style unique, le jeu des différentes teintes de gris et de noirs donne une ambiance de film noir sans concession. Entre glauque et mystique, le livre garde une identité unique dans l'univers de la bande dessinée actuelle. Les villes de blast et ces personnes aux allures salies par la pollution, déprimées par des vies de travail éreintantes, on ne lit pas ce genre d'oeuvre pendant les mauvais jours sous peine de vous enfoncer dans la déprime.
Mais que serait la forme sans le fond ? En plus de se targuer d'être original, blast est prétentieux. Il raconte rien de moins que le retour d'un homme à l'état sauvage, sa découverte de la liberté physique et spirituelle. Paradoxalement, il vivra de la nature en se nourrissant de barre chocolatée industrielle. Pour couronner le tout Blast apparaît comme une critique du capitalisme et de l'aliénation mentale. Entre les ombres menaçantes le hibou et l'aigle hante Polza, le salut de son âme se trouve parmi les moaï. Divagations d'un esprit malade ou révélation métaphysique ? A chacun de l'interpréter. Avec de nombreux chemins de lectures inexploitées, le second tome de Blast a de quoi faire rêver !
Quand le disque s'arrête, je referme le livre, je suis encore sous l'effet de ce double blast long de plus de 30 minutes. Je me lève regarde par la fenêtre le ciel est très gris et menaçant, la tempête approche. A cause de Blast ou de Dr John ?