Ce tome fait suite à Sur le sentier de la guerre (épisodes 115 à 120) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 121 à 126, initialement parus en 2014 à un rythme bimensuel, écrits par Robert Kirkman, dessinés par Charlie Adlard, encrés par Stefano Gaudiano, avec des nuances de gris appliquée par Cliff Rahtburn.


Dans la fabrique de munitions, Eugene Porter et une poignée d'autres se demandent comment tourne la situation à l'extérieur. L'un d'eux ouvre la porte de derrière pour aller se soulager, mais il fait face à une poignée de zombies. Le petit groupe ouvre alors la porte en façade pour sortir et se soustraire à l'avancée des zombies. Ils se retrouvent face à Negan et plusieurs de ses hommes armés jusqu'aux dents, qui les tiennent en joue. Rick reprend connaissance sur un lit d'hôpital de fortune, dans le village d'Alexandria. Il a perdu conscience pendant une heure suite à un traumatisme crânien. Heath se tient au chevet de Denise Cloyd une chambre plus loin. Rick croit entendre son fils le traiter de lâche. Il sort constater les dégâts. Il décide qu'il est temps pour tous d'abandonner Alexandria pour partir se réfugier dans la communauté d'Hilltop.


Ezekiel confie son désarroi à Michonne, et sa perte de volonté, de combativité. Les membres d'Alexandria enterrent leurs morts et se préparent à partir. De son côté, Negan commence l'interrogatoire d'Eugene Porter. Il a bien compris qu'il fabriquait des munitions et il exige de lui qu'il se remette à l'ouvrage, mais cette fois au profit des Sauveurs. Après avoir essuyé le refus de Porter, il lui prédit son avenir en lisant dans ses boules de cristal. Après le départ de Negan, Dwight essaye de se faire comprendre d'Eugene Porter, mais il est surpris par Carson. À Hilltop, Brianna explique à Maggie Greene dans quelle position elle se trouve réellement, depuis qu'elle a remis Gregory à sa place.


Impossible de s'arrêter après la lecture du tome précédent. Le lecteur doit savoir comment se termine cette guerre ouverte entre le clan de Rick Grimes et le gang des Sauveurs de Negan. Il n'a aucun doute sur l'identité du vainqueur, et il espère bien qu'il assistera un duel entre les 2 meneurs. Il sait aussi que plusieurs personnages vont rester sur le carreau, et que d'autres vont subir des blessures laissant des séquelles. Par contre, il ne sait pas dire quel sera le sort de Negan, ou lister les victimes, ni même d'ailleurs si les zombies auront un rôle significatif à jouer dans cet affrontement. Effectivement, Robert Kirkman en donne pour son argent au lecteur, et il tient ses promesses. Comme dans le tome précédant, Stefano Gaudiano assiste Charlie Adlard, en réalisant l'encrage. L'objectif pour Robert Krikman est d'ainsi pouvoir augmenter le rythme de parution de sa série, objectif atteint puisque ces 6 numéros ont paru à un rythme bimensuel. Comme dans le tome précédent, l'encreur respecte d'assez près les crayonnés du dessinateur, que ce soit les traits de contour un peu brisés, ou les aplats de noir pour donner du poids à la page. De toute façon le lecteur s'était déjà habitué au travail du nouvel arrivant au cours du tome précédent. L'allure générale des dessins reste la même, même s'il est vrai que les expressions des visages perdent un peu en nuance, et se répètent parfois à quelques pages d'intervalles.


Du fait de la pagination importante de cette phase du récit, Charlie Adlard peut se permettre un dessin en pleine page par épisode, et un dessin en double page par épisode. À l'évidence les auteurs ont souhaité donner une dimension spectaculaire aux affrontements, par le biais de dessins choc, dispositif narratif qu'ils utilisent avec une certaine libéralité depuis le début de leur association dans l'épisode 7. Le lecteur à la recherche de moment à sensation peut donc admirer le groupe armé de Negan pointer ses fusils droits sur lui, le niveau de destruction dans la colonie Hilltop, un meneur haranguer ses troupes, à chaque fois en double page. L'angle de vue dramatise chacune de ces visions pour un effet en pleine poire, afin qu'il n'y ait aucune possibilité de se tromper sur le sens de l'image.


Les séquences de combat sont un peu moins importantes en termes de pagination que dans le tome précédent, mais Kirkman a imaginé des situations qui ne se répètent pas et qui demandent un gros travail au dessinateur. Adlard doit concevoir des plans de prise de vue qui offrent une lisibilité aussi importante que ses dessins en double page. Il réussit à montrer une attaque en masse dans l'enceinte de la communauté Hilltop. Il sait montrer les mouvements respectifs de Negan et Rick Grimes lors de leur duel, pour que le lecteur puisse comprendre leur positionnement respectif. Il s'acquitte également d'une bataille de nuit, compliquée à mettre en scène, car il doit à la fois rendre compte des déplacements des différents groupes, mais aussi de la confusion provenant de la visibilité limitée. Ces pages réussissent à convaincre le lecteur de la plausibilité de ce qui est en train de se passer, même si la nuit semble tomber d'un seul coup, d'une case à l'autre, sans transition.


Comme à son habitude, le scénariste ménage des séquences de dialogue copieux. Malgré des expressions parfois un peu rigides sur les visages, quelques usages de gros plans sur la tête de celui qui s'exprime et des fonds de case parfois vides, Adlard parvient à maintenir l'intérêt du lecteur sur le plan visuel. Comme il arrive régulièrement, il est vrai qu'il n'est pas aidé par ces passages d'exposition oratoire, l'une des caractéristiques de l'écriture de Robert Kirkman. D'un autre côté, le lecteur est entièrement absorbé par le raisonnement du protagoniste et ne s'intéresse effectivement pas beaucoup à l'environnement dans lequel il est exposé. À ce titre, le discours final de 6 pages relève de l'exposé magistral en plein milieu d'un champ de bataille, et pourtant le lecteur marche bien volontiers, du fait de l'énormité de ce qui est proféré. La qualité de la narration visuelle remonte dès que l'action reprend un peu.


Arrivé à la fin du tome, le lecteur apprécie que la guerre se conclue, et que le scénariste ne se soit pas lancé dans une phase interminable d'affrontements, dans un mouvement de balancier alternant la domination de l'une et l'autre faction. Il est bien forcé d'admettre que Robert Kirkman a tenu ses promesses en termes d'affrontement, mais aussi qu'il termine cette guerre d'une manière originale, dans un conflit idéologique inattendu, mais logique. Il peut ressentir l'impression que le scénariste propose une séquence de dénouement irréaliste. Une fois encore Negan, puis Rick Grimes avancent à découvert face à l'ennemi, avec le risque élevé que quelqu'un dans le camp ennemi les abatte d'une balle tirée de loin pour mettre fin à tout ça. Cette mise en scène n'arrive pas à convaincre le lecteur de sa plausibilité. Pour cette scène, les dessins de Charlie Adlard ont plutôt tendance à en faire ressortir le caractère artificiel. Il y a comme ça quelques moments vraiment difficiles à avaler, que ce soit pour l'événement décrit, ou la manière dont il est décrit. Comme l'auteur souhaite une narration donnant l'impression d'un récit réaliste, il se doit de montrer que cette guerre occasionne des morts et des blessés dans les 2 camps. Il faut aussi qu'il y ait des conséquences physiques et psychologiques pour Rick Grimes et son proche entourage, car il n'y a pas de raison que les coups du sort les épargnent.


En termes de conséquence psychologique, le scénariste privilégie les souffrances dues aux blessures, que ce soit celles endurées par leurs proches ou par eux-mêmes, ainsi que la mort d'êtres chers. En termes de conséquences physiques, le lecteur a fini par intégrer que Kirkman les intègre de manière presque mécanique, en tout cas très régulièrement. Du coup elles perdent un peu d'impact émotionnel à la lecture. Lorsqu'un personnage de premier plan reçoit une flèche sous les côtes, Adlard dessine comme à son habitude en dramatisant l'impact, la taille de la flèche, le choc ressenti par l'individu. Du coup quand le lecteur découvre quelques pages plus loin que le même individu se déplace sans grimacer, sans donner l'impression qu'il souffre de sa blessure qui s'est produite quelques heures avant, il a du mal à la prendre très au sérieux, et il n'éprouve pas d'empathie pour le pauvre homme. De la même manière quand un ennemi brise un os de la jambe du même personnage quelques pages plus loin, le lecteur n'y voit plus qu'un moment grotesque. Le dessin montre l'ennemi mettant toutes ses forces dans cet acte. Rus Wooton écrit un énorme Krrkkk (comme effet sonore) pour rendre compte de la brutalité de l'acte, mais le lecteur sourit devant ce qu'il sait être un effet choc aux conséquences limitées. Dans le même ordre d'idées, il éprouve quelques difficultés à accorder encore un peu plus de suspension consentie d'incrédulité pour la manière dont Negan envisage de transmettre l'infection zombie à ses ennemis. Le mode de transmission de l'épidémie avait été restreint aux seules morsures dans les tomes précédents, au point que les personnages ne se protègent ni des projections de fluides, ni même du contact direct avec les zombies, tant qu'ils ne sont pas mordus. Adlard & Gaudiano ont beau montrer les armes souillées par la chair des zombies, il reste difficile à avaler que cela suffise à transmettre l'infection.


Il reste tout de même que les morts ne reviendront pas à la vie, sauf peut-être sous forme de zombies en fonction des circonstances. Mais là encore, le scénariste se retrouve un peu limité dans le choix de ses victimes, parce qu'il ne peut pas systématiquement menacer les mêmes personnages. Malgré cette dimension un peu mécanique de la narration, celle-ci reste prenante. Comme à son habitude, Robert Kirkman sait intégrer des éléments qui donnent de la vie au récit. Les pointes d'humour sont rares, mais souvent réussies, à commencer par l'humour noir de Negan. Le lecteur sourit franchement au détournement de l'expression boule de cristal pour désigner tout autre chose. La taille de la communauté s'étant agrandie, de nouveaux personnages prometteurs apparaissent comme Earl Sutton, le maréchal-ferrant, auquel le dessinateur donne une belle carrure, mais aussi un environnement professionnel crédible. Le lecteur apprécie toujours autant de voir évoluer des personnages installés depuis plus longtemps. Il observe les réactions de Maggie Greene dans ses nouvelles fonctions, tout en se disant qu'elle n'échappe pas à la comparaison avec Rick Grimes. Ce constat est à double tranchant, puisqu'il renforce le caractère de meneur un peu trop parfait de Rick.


Le lecteur observe également avec plaisir les réactions de personnages plus récents comme Ezekiel et Dwight. Le langage corporel d'Ezekiel traduit bien son désarroi suite aux événements du tome précédent, et renvoie à nouveau à une comparaison avec Rick Grimes. Le lecteur n'est pas dupe, il sait très bien que le comportement de Dwight est surtout dicté par les besoins du scénariste. Mais dans le même temps, il se dit que le caractère de ce personnage s'avère plausible, même s'il est taillé sur mesure pour introduire une variable imprévisible. Il observe aussi les petits détails, que ce soit Rick pensant que son fils l'a traité de mauviette, Paul Monroe accueillant Alex dans son lit, ou Eugene Porter répondant à Negan. En prenant conscience de l'intérêt qu'il porte à ces détails, il se rend compte qu'il a développé un lien affectif avec chacun de ces personnages, et qu'il apprécie de pouvoir les retrouver, de les reconnaître, de savoir ce qu'ils deviennent, comment ils se comportent dans les situations de calme ou de danger. C'est la marque d'un auteur qui sait faire vivre ses personnages.


La scène finale rappelle également au lecteur que l'ambition des auteurs ne se limite pas à raconter un récit de survie après une forme particulière d'apocalypse. Évidemment il ne peut qu'opiner du bonnet quand un des personnages fait observer que finalement les humains (les Saveurs en l'occurrence) font plus de victimes que les zombies. Mais il ne s'agit que d'une remarque en passant, qui semble un peu fade par rapport à toutes les situations ayant déjà développé ce thème. Par contre l'issue du conflit lui apporte une toute autre dimension. Effectivement, le discours de clôture est assez artificiel, en forme d'exposé magistral, dans une situation artificielle de face-à-face. Adlard & Gaudiano font de leur mieux pour insuffler de l'émotion et transcrire la conviction de l'orateur, ainsi que pour montrer le doute qui s'insinue dans l'esprit de l'interlocuteur. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un procédé d'exposition basique et peu inventif. Dans le même temps, cette déclaration révèle l'enjeu véritable du conflit et l'ambition de Rick Grimes. Robert Kirkman met la guerre entre les 2 factions dans une nouvelle perspective, effectuant une prise de recul d'une ampleur inattendue. Ce faisant, il indique que le récit va passer à un autre stade dans les prochains tomes. Ce discours charrie également plusieurs jugements de valeurs sur la société, sur les progrès d'une civilisation. Aussi abrupt que soit le changement de ton, il reste porté par un individu animé d'une passion et d'une vision à plus long terme, un individu qui a pris la mesure de l'évolution de la situation et qui constate que les différentes communautés sont en mesure de dépasser le stade de la survie. Ces communautés se doivent de réfléchir à la société qu'elles veulent construire. Le lecteur assiste à la naissance d'une société civilisée, et le récit met en scène des questions essentielles, de manière prenante et fascinante.


Avec cette deuxième partie de la guerre ouverte, Robert Kirkman, Charlie Adlard et Stefano Gaudiano donnent au lecteur ce qu'il attendait en termes d'affrontements et de combats. Ils utilisent les mêmes recettes que depuis le début de la série, parfois un peu appuyées ou artificielles. Dans le même temps, ils font vivre des personnages complexes, et ils continuent de sonder les principes essentiels du fonctionnement d'une société petit bout par petit bout.

Presence
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le 23 juil. 2019

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