Troisième et dernier tome de la mini-série, Gueule Cassée voit revenir l’incassable soldat Brit dans un récit où Robert Kirkman s’amuse à l’empêcher de rattraper le temps perdu et de s’occuper de ses propres priorités, mettant en exergue



les sacrifices qu’impose une carrière.



Lecture relativement fluide dans un bordel à peu près contenu, les faiblesses ne gâchent pas totalement le plaisir mais rien d’extraordinaire ne vient sublimer le volume.


Troisième tome et nouveau dessinateur, Nate Bellegarde à l’exécution. Dès les premières planches,



le trait pêche par approximation :



le style semble forcé, peu adapté à la force brute et cassante de la série, l’artiste cherche des rondeurs et des détails aux visages, aux physionomies, qui gênent la lecture un temps. Ne s’attache pas autant aux décors que ses prédécesseurs, préférant dynamiser l’action par ce bon vieux procédé de vitesse dessinée, marquée de traits vifs, exprimant là un manque visible de confiance en son propre travail. On s’y fait finalement, au bout de quelques pages, mais l’ensemble reste beaucoup moins séduisant que le premier tome et le fantastique dessin instinctif et brut de Tony Moore, ou même que le dessin sec, et pour le coup parfaitement adapté au personnage et au récit, de Cliff Rathburn.


Niveau scénario, entre la suite directe du volume précédent avec la tentative de revanche des araignées cosmiques venues parasiter le corps d’Invincible pour une confrontation titanesque, le rétablissement de Britney et le kidnapping de Brit Junior remplacé par un clone à tentacules, l’auteur trimballe son héros autour de la planète et jusque dans une dimension parallèle, l’entoure, en plus de son ami Donald, d’autres gardiens malheureusement réduits à de la figuration et le confronte autant à son propre passé qu’à sa propre conscience dans un combat contre lui-même. C’est dense et malheureusement délié.



Domestiqué et fouetté, l’ombre d’un homme.


De l’humour et de la baston, les ingrédients du comics de superhéros sont là. Mais



le scénario s’éparpille un peu trop dans le spectaculaire



pour réellement s’attacher aux luttes complexes qui meuvent ou affaiblissent le soldat. Le voyage vers une dimension parallèle


où l’Empereur, alter ego de Brit, tient la population sous son joug en s’ennuyant furieusement,


nécessite alors une longue explication pour clarifier le récit, ce qui est évidemment dommageable pour la fluidité de lecture. Le sacrifice d’un duel final,


qui laisse habituellement parler les poings et la ruse, au profit d’une morne parlote empêtrée de bons sentiments,


c’est certes mignon mais ce n’est pas ce qu’attend le lecteur. Surtout de la part d’un soldat solide, confiant en sa résistance. Surtout de la part d’un méchant plein de haine et de rancœurs, déterminé à sacrifier toute vie dans le seul but de tromper son ennui et d’oublier ses douleurs passées.
Seul l’épilogue remet les choses à leur place, revient sur l’histoire familiale du soldat et éclaire les rancœurs de l’homme, sans pour autant justifier l’abnégation du héros qui délaisse consciemment ses priorités personnelles pour le plus grand bien de l’humanité. Il y manque, comme depuis le début de la série, de la profondeur dans l’humain et du calme entre les tempêtes pour la respiration autant que le recul nécessaire à la compréhension, à l’assimilation : ce regard sur les évolutions et les cheminements de l’homme. Cependant, malgré un survol un peu rapide, c’est, graphiquement et narrativement, le meilleur passage du volume.


Avec un final dans l’esprit initial de la série, surchargé et délié, mais un dessin pas tout à fait à la hauteur des exigences et du talent des artistes précédents, ce troisième tome termine de ne pas convaincre. C’est agréable oui, Robert Kirkman sait où il va, mais c’est léger : il ne s’attache pas, comme il a su le faire avec Walking Dead, aux complexités des interactions humaines, à la noirceur profonde des hommes. C’est un peu fouillis et



le récit manque ainsi de l’approfondissement de sa ligne directrice principale



au profit d’intrigues secondaires plus polluantes qu’essentielles puisque sans autre lien que la présence des personnages. C’est aussi, épilogue mis à part, le tome le moins beau dans le dessin et le moins abouti dans le découpage.
Insuffisant pour convaincre.

Matthieu_Marsan-Bach
6

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le 19 janv. 2017

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