Ce tome fait suite à Histoire de famille (épisodes 16 à 20) qu'il faut avoir lu avant. Pour comprendre les enjeux du récit et les relations entre les personnages, il faut avoir commencé par le premier tome Le Retour (épisodes 1 à 5). Il comprend les épisodes 16 à 20, initialement parus en 2016, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Andrei Bressan, avec une mise en couleurs réalisée par Adriano Lucas.


Épisode 21 - Alors que Mastema est occupée ailleurs dans sa demeure, Rya raconte son histoire personnelle à Wendy Rhodes. Elle est devenue orpheline encore jeune enfant, sur Terrenos. Elle fut recueillie ainsi que d'autres enfants, par Rook, un orc ayant précédemment fait partie de l'armée de Lore. Rook entraina également ses enfants au maniement des armes, et leur raconta la légende de l'Élu. Elle fit partie des enfants ayant vu arriver le jeune Mikey Rhodes et elle fut tout de suite persuadée que cet avorton ne serait jamais l'Élu de la prophétie. Elle l'aida quand même à s'entraîner à l'arc. Après la disparition de Mikey, elle continue de lutter pour la rébellion jusqu'à ce face-à-face contre Kallista, en compagnie de Shavo.


Épisodes 22 à 25 - Mastema a décidé de profiter des circonstances (la mort de 2 mages Ward & Enoch) pour jeter un coup d'œil en loucedé à ce qui se passe sur Terrenos. Ce ne fut pas sa meilleure idée. Rya indique à Wendy Rhodes (la mère de Mikey et Brennan) qu'elle compte bien régler son compte à Mikey s'il est vraiment un traître qui s'est rallié à la cause de Lore. Wendy évoque la déliquescence de sa relation avec son mari Aaron suite à la disparition de Mikey des années plutôt. Elle incite Rya à réfléchir avant de prendre une décision irrévocable. Par la suite, Mastema tente de s'occuper de Mikey Rhodes, malgré l'intervention inopportune de Kylen (un autre mage). Sameal papote avec son fils et son petit-fils pour déterminer si ce dernier dispose bien de pouvoirs surnaturels.


Le lecteur retrouve avec plaisir cette série, curieux de savoir quelle tournure va prendre le destin de cet Élu, dont la vie semble déjà bien éloignée de l'avenir qui lui était promis, mais également avec un autre Élu potentiel presque prêt à lui succéder dans ce rôle. Il se réjouit également par avance de pouvoir retrouver les dessins bien complétés par la mise en couleurs. Effectivement Adriano Lucas est toujours en pleine forme. Comme d'habitude, le lecteur apprécie sa capacité à développer une ambiance lumineuse par séquence. Il y a par exemple ces belles journées sous le soleil pour l'entraînement au tir à l'arc de Mikey dans une zone désertique, ou la belle journée en mer, avec une sirène assez dangereuse. Il continue de donner une belle texture aux flammes, que ce soit un ciel enflammé, ou celles jaillissant d'un brasier. Il nourrit les différentes surfaces avec des nuances pour augmenter le relief. Il réalise une mise en couleurs naturaliste pour les séquences avec des civils, et il met en œuvre des effets spéciaux lors des affrontements avec utilisation de la magie. Il rend compte de la texture de certaines matières quand nécessaire, par exemple pour la chair maltraitée (âmes sensibles s'abstenir).


Andrei Bressan reste tout aussi impliqué qu'Adriano Lucas. Il décrit dans le détail les environnements normaux dans les séquences qui en comportent, comme l'aménagement et l'ameublement du diner dans lequel mangent et discutent les 3 générations de la famille Rhodes. Les dimensions de la bibliothèque de Mastema restent un peu irréalistes, avec une hauteur sous plafond peu crédible, et des rangées entières de livres totalement inaccessibles. La majeure partie des séquences de ce tome implique essentiellement des éléments magiques ou surnaturels. Dans ces moments-là, l'artiste met plus l'accent sur la dimension spectaculaire ou horrifique des visuels, et moins sur les environnements pour conserver un niveau de lisibilité satisfaisant. Les pages 2 & 3 du premier épisode comprennent un unique dessin de champ de bataille avec de nombreux cadavres, permettant au lecteur de prendre la mesure de la férocité de l'affrontement entre les orcs et l'armée du roi dieu Lore, ainsi que la couleur des intestins se déversant des cadavres éventrés. Lorsque Rook évoque la prophétie de l'Élu, il montre une magnifique représentation à demi effacée sur un mur. Le lecteur se laisse hypnotiser par la danse de flammes lorsque Mastena tente de regarder les événements se déroulant sur Terrenos.


Andrei Bressan est également fortement sollicité en tant que metteur en scène et réalisateur pour les scènes de bataille et les moments horrifiques. En fonction de ce que prévoit le scénario, il réalise soit une illustration s'apparentant à un tableau, c’est-à-dire un moment figé dans le temps en plein cœur de la bataille, soit une séquence au cours de laquelle se déroule l'affrontement. Dans la première catégorie, il y a ce dessin en double page au début, ou encore le massif Mikey en mode barbare avec un plastron métallique en train de décocher des flèches en plein cœur de la bataille aux côtés de Rya. Dans la deuxième catégorie, il y a l'affrontement en fin de tome qui occupe une bonne vingtaine de pages, se déroulant dans une immense demeure et le terrain qui l'entoure, avec une petite dizaine de personnages impliqués. La mise en scène et le plan de prise de vues permettent de rendre compte du déplacement et du positionnement de chacun des protagonistes de la force des coups, de l'ampleur de la destruction, ainsi que de la puissance des énergies magiques déchainées. Bressan doit à nouveau représenter une créature géante faite de pierre et de maçonnerie et il se montre à nouveau convaincant, réussissant à l'intégrer dans l'environnement, sans qu'elle ne semble artificielle.


Bressan doit également réussir à surprendre le lecteur avec des visuels horrifiques. Il est donc bien aidé par les textures visqueuses ajoutées par Adriano Lucas. Il montre la chair déchirée par les armes blanches, avec la viscosité du sang qui gicle. Il montre des monstres toutes dents acérées dehors s'en prendre à de frêles humains. Il a le sens de la composition pour faire ressentir la soudaineté des apparitions des monstres et leur force. Il illustre une séquence de torture répartie sur plusieurs pages s'attardant sur les déformations de la chair, ainsi que la fusion contre nature avec une entité surnaturelle comme le Nevermind. Même pour une action plus classique comme un personnage brisant le cou d'un autre, il fait passer la force du mouvement avec un dessin capturant le mouvement et la rupture, qui provoque un mouvement de recul chez le lecteur.


La dimension spectaculaire du récit s'avère tout aussi impressionnante que dans les tomes précédents, avec une narration visuelle pleine d'entrain, mais aussi capable de saisir toute les traumatismes corporels occasionnés par les affrontements. Joshua Williamson commence par donner un peu plus d'informations sur les années passées par Mikey sur Terrenos, en particulier sur sa relation avec Rya, en évoquant en passant l'existence de Zoshanna, une autre enfant faisant partie de la prophétie en tant que promise de l'Élu. Étrangement cet épisode a du mal à accrocher le lecteur. Certes, Rya est celle qui porte l'enfant de Mikey Rhodes, mais dans le même temps, elle n'acquiert pas une forte personnalité au travers de cet épisode. Elle conserve juste son rôle de guerrière tirant l'Élu des faux-pas, lui sauvant la vie et l'aidant à acquérir un minimum de compétences guerrières. Dans l'épisode suivant, il effectue une révélation sur la parenté réelle de Mastema, comme il l'avait dans le tome précédent pour la véritable nature du grand-père de Mikey et Brennan. Le lecteur comprend bien qu'il s'agit essentiellement pour l'auteur de préparer des antagonismes pour les épisodes suivants, plus que d'approfondir la personnalité de ses protagonistes.


Par la suite, le scénariste met les résolutions de ses personnages à l'épreuve du feu et la bataille. Mastema révise sa position de rébellion à l'encontre du roi dieu Lore en fonction des nouveaux développements et de ce qu'elle apprend de son prisonnier qu'elle soumet à la torture. Sameal (un mage) doit prendre parti pour un camp alors qu'il avait tout fait pour disparaître de la circulation. Kylen (un autre mage) doit également remettre en question ses choix au vu de ce qu'il a appris sur Mastema. Bien sûr, Mikey Rhodes (celui qui aurait peut-être pu être l'Élu) continue d'agir en fonction des pressions qu'il subit et des traumatismes qu'il a endurés. Il reste totalement imprévisible pouvant aussi bien continuer en remplir son rôle de traître, que se battre pour sa famille. Le lecteur finit par tiquer devant le systématisme de ce mouvement pendulaire et de ces remises en question, car cela confère un parfum un peu artificiel à la construction du récit. Dans le même temps il apprécie que l'intrigue progresse et que le thème de l'héroïsme continue d'être abordé au travers du comportement de plusieurs personnages. Alors même que le fond du récit est un combat entre un tyran et une bande de rebelles, les personnages ne peuvent pas être facilement départagés entre les bons et les méchants, et leur fibre morale est testée régulièrement. Ce thème s'enrichit encore par le fait que le fait que les personnages se répartissent sur plusieurs générations, et qu'à chaque fois le choix moral est conditionné par leur histoire personnelle et leur expérience plus ou moins importante en fonction de leur âge.


Avec ce quatrième tome, le lecteur reconnaît bien volontiers qu'il est accro au récit et qu'il est sous le charme de la narration visuelle, riche et inventive, capable d'utiliser les conventions des genres horrifiques et Heroic Fantasy en les mettant au service du récit, plutôt que de s'appuyer dessus faute d'imagination. Il se rend compte qu'il attend une progression significative de l'intrigue, car finalement les personnages ne sont pas très étoffés. Or Joshua Williamson a construit ces épisodes sur une structure un peu trop mécanique, diminuant d'un cran la fluidité du récit. Cependant le thème de l'héroïsme reste bien présent, en filigrane, avec un commentaire à partir de plusieurs points de vue.

Presence
8
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le 20 janv. 2020

Critique lue 61 fois

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