Je m'apprêtais à parler de "saut qualitatif" entre le premier et le second tome des "Cahiers d'Esther", retranscription fidèle et appliquée par l'incontournable Riad Sattouf des "histoires" de la vie quotidienne d'une petite fille. Et puis j'ai réalisé que c'est surtout la plus grande maturité de la "narratrice" qui élève, d'une manière assez logique, ces "Histoires de mes 11 ans" bien au-dessus du volume précédent. Alors que sa compréhension profonde de la Vie s'enrichit, Esther - sans perdre encore cette douce naïveté qui fait sourire, parfois rire et qui toujours enchante - crée en nous beaucoup de plus de questionnements, et transforme "les Cahiers d'Esther" en un exercice salutaire d'introspection, en particulier bien entendu pour ceux qui essaient d'élever de jeunes enfants dans un monde qui semble toujours plus brutal et plus absurde. Si Sattouf évoque avec subtilité l'abomination des attentats islamistes (je pense à l'intelligence de sa pleine page sur le Vendredi 13 Novembre 2015), s'il s'appuie sur de jolies paroles d'enfants pour défendre notre incroyance ("Dieu, c'est le Père Noël des parents"), c'est quand même lorsque, un peu comme dans "la Vie Secrète des Jeunes", il pointe le délitement des comportements à coup de smartphones, de télé-réalité et autres obsessions contemporaines que Sattouf touche le plus juste. Et ce sans cette agressivité ou ce pessimisme excessifs qui plombent parfois ses livres (je pense par exemple au Tome 1 de "l'Arabe du Futur"...), puisque la parole (que l'on imagine) joliment logorrhéique d'Esther garde une douceur, une innocence qui transcendent systématiquement les "horreurs" dont elle est témoin. Bref, ces "Histoires de mes 11 ans" sont une formidable réussite. [Critique écrite en 2017]