Histoires de mes 12 ans : douze ans après Retour au collège, voilà donc l’entrée d’Esther au collège, dans un établissement qui pourrait être le même que celui qui sert de cadre à l’album de 2005.
Mais ce troisième volume, c’est comme l’entrée en sixième dans la vraie vie : on en fait une montagne et finalement ça ne change pas grand-chose. Ses vacances se passent toujours chez sa grand-mère bretonne, ses copines sont toujours toute sa vie, son père est toujours son demi-dieu – qui vacille presque le temps d’une planche, mais la gardienne du culte veille. C’est à peine si Esther commence à prendre conscience de ce qu’on appellera pudiquement les disparités sociales au milieu desquelles elle vit, à peine si son grand frère commence à se doter d’une « puissance d’analyse mentale » qui lui fait voir des illuminati partout. Amis, famille, iPhone : les motifs restent les mêmes – mais il est vrai qu’à l’exception de l’Arabe du futur, et encore, toute l’œuvre de Riad Sattouf tourne autour du thème de l’adolescence.
Celle d’Esther commence à faire son œuvre en sous-main. La jeune fille se lance dans l’écriture d’un roman – Mémoires d’une ado vampire ! –, s’abandonne de plus en plus aux plaisirs de l’introspection, mais aussi à ceux de la rétrospection : la planche de la page 17, où Esther exprime ce qu’elle pense des Cahiers d’Esther, est d’ailleurs particulièrement réussie. Un auteur qui trouvait quelquefois des fleurs dans les poubelles écrivait que les enfants, c’est comme les années, on ne les revoit jamais. À la fin de certaines planches des Cahiers d’Esther, on se dit qu’on ne reverra plus cette Esther-là, mais qu’on la reconnaîtra tout de même, la prochaine fois.
Pourtant c’est sans doute une fois la série achevée qu’il faudra la juger, voir si elle aura tenu sur le papier le défi que Boyhood a accompli sur grand écran : suivre régulièrement – chaque semaine pendant neuf ans chez Sattouf, une douzaine de fois en une douzaine d’années chez Linklater – les jeunes années d’un humain dans les premières années du XXIe siècle, sans trahir personne, et en faire une œuvre.