Ne consommant des mangas que depuis quatre, cinq ans environ, je voulais lire des mangas de Shotaro Ishinomori. Je le voyais comme un maître pour Go Nagai et l'auteur de Cyborg 009 et Kamen rider que je n'ai pas lus. Puis, là, surprise, je découvre deux mangas de lui dont j'ignorais l'existence et ce sont les deux premiers que je lis de lui.
Hokusai est une révélation. C'est un manga sérieux à la Tezuka. La biographie de Hokusai est transposée dans les codes d'un manga humoristique des années 70, avec son zest de caricature dans le portrait du personnage. On n'est pas du tout dans le manga d'action, et je comprends maintenant un autre lien avec Go Nagai qui a écrit Utamaro, donc une biographie de l'autre peintre japonais célèbre de l'ère Edo, sauf que Go Nagai restait dans une certaine idée d'action et de fantasme onirique horrifique, puis il restait dans l'idée d'une histoire avec une intrigue tout en adaptant Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde à travers une vie imaginaire du peintre Utamaro.
Go Nagai, disciple et admirateur de Shotaro Ishinomori, a pu s'inspirer du manga Hokusai de 1986 pour son Utamaro de 2010 et on peut ajouter que dans son recueil d'histoires courtes érotiques Eros x SF Ishinomori a placé une histoire rapide sur la vie sexuelle d'Utamaro en reprenant l'idée derrière le film L'Empire des sens en version ressentiments.
Mais le manga Hokusai n'est pas un manga d'action, un manga dramatique sur des archétypes. On a des récits beaucoup plus contemplatifs, avec très souvent un dessin qui vient se montrer en sorte d'aboutissement du récit, ce qui est évident quand il y a une scène de foule devant laquelle peint Hokusai.
Changer de nom tout au long de sa vie était traditionnel au Japon, ce n'est pas le seul fait de Hokusai. Les seigneurs de guerre changeaient de nom eux aussi, ainsi que les moines bouddhistes. Ishinomori met en scène les changements de nom de Hokusai pour montrer les débats intérieurs du peintre qui remet en cause son style. On a droit, cliché des mangas, à un artiste qui pense beaucoup au sexe et qui confond souvent performance artistique et profit sexuel. Mais on a plus intéressant aussi. Il y a une méditation sur l'identité de son art et à propos de la célèbre estampe représentant les vagues (estampe tirée à plusieurs exemplaires et dont un se trouve dans un musée parisien, car ce n'est pas une oeuvre en un seul exemplaire) on a un vrai développement intéressant où on admire le discours de Hokusai qui veut peindre si c'est possible le visage des vagues, et on a un gros plan sur la forme écumante des vagues qui plutôt qu'à un visage fait normalement penser à des mains griffues, mais du point de vue de l'expressivité des intentions de la vague on peut parler de visage et cet aspect du manga est très réussi, et plus loin, on a une nouvelle imitation en case du manga de cette vague où cette fois l'écume se détache et forme des oiseaux sans perdre le lien esthétique avec le motif original. Il y a certaines doubles pages dans le manga, il y a aussi des dessins avec des traits épais de contours et qui sont des grossissements de détails de peintures célèbres de Hokusai.
Hokusai peut être aussi une image plus générale d'un artiste méditant sur son art, mais je ne connais pas assez Ishinomori pour le soutenir.
En tout cas, c'est un manga intelligent.