Hokusai
7.2
Hokusai

Manga de Shōtarō Ishinomori (1986)

La biographie de Hokusai signée par Shôtarô Ishinomori, l’un des grands maîtres du manga disparu en 1998, auteur entre autres des magnifiques Sabu et Ichi ou Kuzuryu, ressort en français à l'occasion de l'expo au Grand Palais. Evitant toute linéarité, elle débute lorsque, à 42 ans, celui qui se fit appeler Shunrō, puis Sōri, répudie son nom pour devenir Hokusai, en référence à la Grande Ourse (Hokutosei).


Plutôt que de se borner à un exercice purement scolaire décrivant le peintre de sa naissance à sa mort à partir de faits historiques avérés, Ishinomori met en scène des épisodes de la vie du maître, et s’autorise de nombreux aller-retour d’un âge à un autre. Il peint le portrait d’un homme dévoré par sa passion pour le dessin, aux ambitions tellement grandes qu’une vie ne lui suffisait pas. Chaque changement de nom devient ainsi une façon de se redonner une nouvelle vie et d’essayer, de rater, de recommencer encore jusqu’à parvenir à un contrôle parfait. Une maîtrise évidemment picturale, Hokusai changeant d’école comme d’amante, idéal qui le poussa à vivre en marginal, en retrait de la communauté des hommes, abandonnant régulièrement amis, femmes et disciples.


Ishinomori, qui rappelle dans sa postface que le peintre déménagea plus de quatre-vingt-dix fois, décrit un artiste en perpétuel mouvement. Sur la route entre Edo (Tokyo) et Nagoya pour réaliser ses carnets de croquis (les fameux Hokusai Manga), à travers champs pour inspecter le mont Fuji sous tous ses angles… Ayant adopté la fuite comme mode de vie, le maître est tantôt révéré par la foule d’Edo venue le voir réaliser des peintures géantes, tantôt réduit à un état de quasi-mendicité, victime de cet anonymat qui doit lui permettre de faire disparaître l’artiste pour ne laisser que l’art. Il a été jusqu’à léguer le nom de Hokusai à un de ses disciples.


Ishinomori revisite ainsi l’œuvre mouvante du «Vieux fou de dessin». Des croquis naturalistes aux esquisses en un trait (qui lui valent d’être surnommé le père du manga) en passant par les estampes. Certaines, comme «les Trente-Six Vues du mont Fuji», sont reproduites par Ishinomori avec un scrupule d’enlumineur qui tranche avec son trait si vif et précis, tandis que d’autres détails des œuvres de Hokusai viennent se glisser plus discrètement dans certaines planches. La biographie elle-même ressemble à la Grande Vague de Kanagawa: tumultueuse, elle suit le rythme du ressac, le peintre semblant parfois crouler sous le poids des années avant de renaître au chapitre suivant.

Créée

le 10 avr. 2015

Critique lue 626 fois

6 j'aime

Marius

Écrit par

Critique lue 626 fois

6

D'autres avis sur Hokusai

Hokusai
Marius
7

Critique de Hokusai par Marius

La biographie de Hokusai signée par Shôtarô Ishinomori, l’un des grands maîtres du manga disparu en 1998, auteur entre autres des magnifiques Sabu et Ichi ou Kuzuryu, ressort en français à l'occasion...

le 10 avr. 2015

6 j'aime

Hokusai
aaapoumbapoum
8

Un artiste plus grand que nature

Hokusaï (1760-1849) est sans doute l’artiste japonais le plus renommé au monde. Sa Vague, extraite des Trente-six vues du Mont Fuji, est aussi connue que La Joconde. Les éditions Kana nous proposent...

le 15 nov. 2012

2 j'aime

Hokusai
davidson
8

Ishinomori se révèle...

Ne consommant des mangas que depuis quatre, cinq ans environ, je voulais lire des mangas de Shotaro Ishinomori. Je le voyais comme un maître pour Go Nagai et l'auteur de Cyborg 009 et Kamen rider que...

le 27 janv. 2024

1 j'aime

Du même critique

The Dark Knight Rises
Marius
4

Bane à ordures

Jusqu'alors DKR signifiait, pour le geek averti, Dark Knight Returns. Une oeuvre majeure dans la bibliothèque de Batman. Quelque chose d'adulte et de complexe. Tout ce que n'est pas TDKR. Qui n'est...

le 19 juil. 2012

121 j'aime

130

The Artist
Marius
1

La blague américaine

En terrain conquis. Le mec de "la Classe américaine" à Cannes? Ça clignotait de partout: ce film est fait pour moi. 5h34 plus tard (en réalité, le film est un poil moins long), j'avais l'impression...

le 15 mai 2011

106 j'aime

66

Melancholia
Marius
10

Melancholia and the infinite sadness

Bon, Lars von Hitler à 8 heures du mat, c'était pas gagné (qu'est-ce qu'on ferait pas pour voir des films danois avant les autres)... Mais se réveiller devant un astre sombre, sombrer avec ces jeunes...

le 18 mai 2011

105 j'aime

23