Parmi les mangas qu'il m'a été possible de lire ces dernières années, Homonculus fait partie de cette fine tranche d’œuvres dont je ne suis pas sorti indemne. Déjà l'esprit embrouillé par plein d'images à la fois choquantes et pleine de sens, mais aussi assailli de question sur l'homonculus qui m'habite.
Homonculus, manga de Hideo Yamamoto, met en scène Nakoshi, salaryman en mauvaise passe, contraint de vivre dans sa voiture devant un grand hôtel jusqu'au jour où il fait la rencontre de Ito, étudiant extravagant et riche en médecine. Ce dernier, en quête de savoir va pousser Nakoshi à subir une trépanation dans le but de lui révéler un nouveau monde. L'opération aboutira sur un nouveau Nakoshi, un Nakoshi qui peut voir ce que d'autres ne voient pas : les homonculi, cette part de nous qu'il est impossible de voir.
Entre drame psychologique et horreur, Homonculus n'est pas un seinen à la portée de tous. Ses propos ainsi que ses thématiques abordées, bien que simples en surface, sont très profonds et parfois difficile à intellectualiser sur une lecture passive. Chose qui, d'ailleurs, fait un peu défaut au manga. Il est assez difficile parfois de comprendre où désire nous emmener l'auteur, entre un délire du protagoniste ou des propos insensés. Toutefois, c'est avec une grande maîtrise que l'explication du concept d'homonculus est approchée, ce qui permet de toujours rattacher les wagons (surtout si, comme moi, vous avez lu en anglais). Le lecteur ne peut jamais savoir à quoi s'attendre de la part du protagoniste qui peu à peu sombre dans une sorte de démence liée à ce qu'il voit, et cela est remarquablement mis en scène par un dessin aussi désagréable au regard qu'intimidant (c'est positif).
Si la récurrence du manga est la compréhension de soi, la soif de vérité, et un peu de délire psychotique, il n'en reste pas moins que l'ouvrage nous apporte un regard sur d'autres sujets très sensibles dans la société nippone. On retrouve par exemple la question de la place et de la perception du SDF, ou encore l'interrogation sur le genre, l'impact d'une éducation toxique... Autant de sujets originaux qui, en 2003 (date de parution), n'étaient pas toujours à l'ordre du jour.
Le manga vient "sublimer" son aspect glauque par quelques moments avec une représentation très crue, charnelle et malsaine de la vie. De toute évidence, ce n'est pas un manga fait pour un jeune public car l'on y retrouve des violences sexuelles très explicites ainsi que des scènes d'une rare violence (d'autant que les scènes en question sont dénuées de tout manichéisme bien-mal). La lecture parait pesante et il m'a parfois été impossible de me pencher sur une case tant le dessin saignait d'encre. Il est impossible de terminer Homonculus sans rien ressentir. Plus on avance dans les chapitres, plus on sombre en connivence avec le protagoniste.
Si la structure narrative paraît parfois fouillis c'est une volonté de l'auteur de représenter la perception du personnage principal. Rien n'est laissé au hasard, tout a un sens, tout mène à la construction d'une réflexion autour du genre humain et de ce qu'il cache aux yeux de tous. En somme, la morale de ce manga c'est que l'on se ment tous à nous-mêmes.
Alors, si vous êtes friand de mangas pour adultes (pas X), je vous recommande grandement cette pépite à la fois folle et cruelle qui ne peut vous laisser indifférent.