Ce tome est le deuxième dans une série complète qui en comporte 15. Il faut impérativement avoir commencé par le premier tome. Il s'agit d'un manga en noir & banc, écrit et dessiné par Hidéo Yamamoto, avec sens de lecture japonais. Il comporte 190 pages de manga.
Pendant les 70 premières pages, Susumu Nakoshi constate qu'en fermant l'œil droit il perçoit la moitié des gens qui l'entourent d'une manière différente. Sa vision lui renvoie des images fantasmagoriques des gens, l'un en robot, l'autre en tranche horizontale, un autre encore avec un poisson à la place de la tête. Il s'endort dans sa voiture, se rend à son premier rendez-vous avec Manabu Ito et lui explique ce qui lui arrive. Il écoute de la musique en voiture. Dans la deuxième partie, il se rend dans le quartier où il avait fait face à un yakusa. Ses hommes de main le repère. Il s'en suit un long tête à tête entre Nakoshi et le yakusa.
Dans ce deuxième tome, Yamamoto établit de manière claire la capacité acquise par Nakoshi : il peut percevoir l'apparence intérieure de certains individus. Alors que le premier tome donnait promenait le lecteur dans différents lieux, celui-ci s'apparente plus à 2 huis-clos. Le premier se déroule dans une salle de restaurant, alors que Nakoshi explique à Ito ce qui lui est arrivé, le deuxième dans le bureau du yakusa.
Ce tome se lit beaucoup plus rapidement que le premier. Finalement, dans la scène du restaurant, Yamamoto fait répéter aux personnages ce qu'il avait déjà montré au lecteur de manière claire et intelligible. Le seul élément nouveau réside dans la façon dont Nakoshi voit Ito par son œil gauche, une belle surprise. La scène avec le yakusa correspond à une forme de duel psychologique, Nakoshi devant utiliser son intuition pour interpréter ce que lui montre sa vision, et toucher la sensibilité du yakusa, avant que ce dernier ne perde patience et ne s'en prenne physiquement à Nakoshi. Bien sûr, l'issue de cette confrontation ne fait aucun doute puisque le lecteur sait que l'histoire continue pendant encore 13 autres tomes.
Yamamoto met face à face le yakusa et Nakoshi pour résoudre le conflit psychique du premier. Le lecteur a déjà bien compris que Nakoshi perçoit l'image que l'individu a de lui-même de manière inconsciente, par contre il n'a aucune idée de l'étendue de cette capacité extrasensorielle. Aussi Yamamoto peut sortir autant de lapins du chapeau (ou de deus ex machina) qu'il veut, privant cette confrontation de toute tension puisque quelle que soit le danger pour Nakoshi, il est vraisemblable que le scénariste va inventer une parade ex nihilo. Yamamoto exige encore un peu plus de suspension consentie de l'incrédulité du lecteur, quand Nakoshi découvre qu'il a refoulé un traumatisme de même nature que le yakusa. Nul doute que cette coïncidence nourrira la suite du récit, mais ça fait quand même beaucoup. Enfin cette longue scène (plus de la moitié du tome) se déroule dans une seule et unique pièce (avec quelques brèves séquences de retour en arrière), avec un décor assez pauvre.
Par contre cette même scène permet d'apprécier à sa juste valeur le talent de metteur en scène de Yamamoto, capable d'instaurer une tension dramatique par le seul biais des angles de prises de vue, et de la direction des acteurs (langage corporel et expression des visages). D'un point de vue visuel, la première moitié du récit présente plus d'intérêt.
Tout d'abord, Yamamoto invite le lecteur à marcher dans les rues de cette grande ville, avec toujours des dessins d'un réalisme et d'une précision incroyables (sans rien perdre en lisibilité). Puis lors du petit déjeuner dans le restaurant, le lecteur peut apprécier la décoration, et l'inventivité de Yamamoto pour trouver des apparences saugrenues et inattendues aux individus dont Nakoshi distingue les névroses avec son œil gauche.
Du point de vue des personnages, Manabu Ito est toujours aussi fascinant par ses goûts vestimentaires exubérants, sa manière de tripoter son piercing nasal quand il est tendu, et son maquillage autour des yeux. Dans ce tome, il indique que le thème du jour de ce maquillage est le progrès. Son apparence intérieure vue par Nakoshi n'en est que plus déstabilisante, tout en étant parfaitement logique.
Au tiers du volume, il y a une scène exceptionnelle, lorsque Nakoshi roule en voiture et écoute de la musique. En 6 pages d'une grande inventivité visuelle, Yamamoto montre la stimulation du cerveau par la musique, et la survenance d'un souvenir déclenchée par cette mélodie (l'équivalent auditif de la madeleine de Proust).
Avec ce deuxième tome, Yamamoto est victime de sa dextérité. Le premier tome permettait au lecteur de facilement comprendre ce que recouvre la nouvelle faculté de Nakoshi. Ici, l'auteur se retrouve contraint de montrer comment son personnage assimile peu à peu cette nouvelle capacité. D'un côté, le lecteur peut apprécier que l'auteur n'utilise pas une ellipse pour sauter cette prise de conscience. De l'autre, il ne peut que regretter que Yamamoto se contente d'expliciter ce qu'il a déjà compris.
Grâce aux grandes qualités de conteur de Yamamoto, ce tome se lit rapidement, sans impression de lecture fastidieuse, mais son intérêt est limité. Il y a donc essentiellement cette de remémoration déclenchée par le sens de l'ouïe, et la première utilisation du mot Homunculus (par Ito au détour d'une conversation téléphonique avec Nakoshi).