Le cycle « Sorcières » propose à des artistes femmes de relater la vie d’autres femmes, indépendantes. Deuxième one-shot de cette série, « Hypathie » (avec un "h" de trop) raconte l’histoire de cette philosophe de la haute Antiquité, la seule femme à diriger une académie, au Vème siècle ap. J.-C. à Alexandrie. Elle mourut démembrée par des fanatiques chrétiens, ses restes brûlés sur une colline.
Par son destin tragique, Hypatie a acquis la figure d’une martyre de la tolérance. Voltaire en a fait l’éloge dans son Dictionnaire philosophique. Tout un tas de romanciers, plus ou moins inspirés, ont brodé la légende d’Hypatie : vierge, parfaite, formidablement intelligente, et victime de la barbarie de l’Eglise. Comme il ne reste presque aucune source fiable sur la vie d’Hypatie, la littérature n’a pas hésité à réinventer l’histoire de cette obscure philosophe d’Alexandrie.
Cette BD a au moins le mérite de revenir aux faits : les auteures décrivent avec précision l’escalade de la violence entre l’Empire et la communauté chrétienne, les manœuvres du patriarche Cyrille, et le soutien apporté par Hypatie au préfet romain, ce qui conduit à son assassinat. Plus largement, la BD propose une peinture des relations ambiguës entre l’Empire et les communautés chrétiennes, au moment où l’Empereur vient de se convertir à la nouvelle religion.
On reprochera à la BD de plaquer des idées modernes sur des événements antiques : on parle d’humanisme, ou encore de ... vie étudiante ! On lui reprochera également de vouloir mettre en valeur Hypatie pour son intelligence, mais de multiplier malgré tout les scènes de nu intégral, les poses lascives et les décolletés pigeonnants ; à croire que toute bonne héroïne de BD doit forcément finir nue dans les trente premières pages.
Côté dessin, c’est clair et sans ambages. Le propos est dense, et il vous faudra un long moment pour venir à bout de cette BD qui ne dépasse pourtant pas 55 pages. Bizarrement, la première page semble moins bien dessinée que la suite. Les couleurs font du hors piste total sur la chevelure de Cyrille, mais sinon ça passe.
En résumé, c’est une séduisante introduction à la vie d’Hypatie, trop méconnue aujourd’hui.