I am a Hero, tome 1 par aaapoumbapoum
Sur les deux premiers volumes, cette odyssée d’un auteur de manga sans succès confronté aux prémices de l’apocalypse bouscule violemment les codes du zombie. Non content de déboussoler le lecteur accoutumé aux gimmicks culturels d’un genre par essence américain, cette relecture japonaise et horrifique du I am a Legend de Richard Matheson se paie même le luxe de varier les registres d’un volume à l’autre, en toute cohérence. Le premier tome s’attache ainsi à flatter la paranoïa et la frustration conjuguées d’un artiste raté, soupirant de second choix d’une trentenaire encore sous le charme de son ancien compagnon. Un héros en devenir que tout invite à la dépression et qui semble d’ailleurs s’enfermer lentement dans un petit dialogue intérieur qui confine à la folie. Entre le nombrilisme de cet homme obsédé par son art et cette société au bord de l’effondrement, les monologues savants sur l’édition et les faits divers de plus en plus étranges relayés sur les postes de télévision, les tensions s’affermissent, sourdes. Le trouble oscillant entre claustrophobie et hallucination se cristallise par un dessin d’après photo, dont le fourmillement de détails assoie le réalisme tandis que les déformations optiques rappellent en permanence l’ambivalence du regard de ce personnage potentiellement malade. Et soudain explose l’apocalypse, au second tome, hordes de corps désarticulés aux gestuelles inhumaines, anatomies figées avec un réalisme glaçant au paroxysme de leur désordre, percuté de plein fouet par un véhicule fou ou en pleine course animale pour mordre au cou l’un des derniers survivants. Ces tableaux macabres d’une violence saisissante s’enchainent comme autant d’instantanés qui précipitent la fin du monde. Autant dire que si la suite est imprévisible, l’horreur, elle, est promise à de prodigieuses inventions.
S; Bapoum pour les Inrockuptibles