I Kill Giants (IKG pour les intimes), c’est d’abord Barbara, une fille pas comme les autres, qu’on apprend à connaître au fil des pages, elle, qui s’autoproclame « chasseuse de géants ». Cette jeune collégienne a la langue bien pendue, c’est sûr, mais elle est aussi et surtout brillante, drôle, anticonformiste et accessoirement bien relou ! Enfin, c’est une petite fille qui porte un poids énorme, et ce poids, on le sent prendre forme au fil des pages, lorsque réel et imaginaire se côtoient, lorsqu’une réalité plus complexe se déploie.
Pour donner vie à ce mélange d’audace, d’humour et de monde intérieur, le dessin en noir et blanc de Kim Niimura joue un rôle important. Petite anecdote au passage : le dessinateur hispano-japonais reconnaît avoir été influencé par le jeu Shadow of the Colossus dans la représentation de ses géants. En tout cas, ses illustrations inspirées manga sont épurées, sans être simplistes pour autant, et nous transportent parfaitement dans l’imaginaire débordant de Barbara, tout en dirigeant le lecteur vers l’essentiel.
Au début, j’ai trouvé l’organisation des bulles et des dialogues un peu déroutante, mais cette sensation est vite passée pour laisser place à tout ce qui m’a fait adorer ce comics : l’énergie unique portée par les personnages et leurs interactions : le lien fragile mais touchant entre Barbara et sa sœur, les maladresses d’une amitié naissante, ou encore les efforts sincères d’une adulte bienveillante pour comprendre une enfant qui repousse tout le monde. Tout est chargé d’émotions, parfois très drôle, souvent touchant. C’est la vraie force de cette œuvre qui ne tombe jamais dans le mélodrame.
Cette justesse dans les relations s’explique peut-être d’ailleurs par l’origine même du projet, très ancrée dans l’expérience personnelle de Joe Kelly, l’auteur d’IKG, qui l’a imaginé en écho à une période de sa vie marquée par des événements personnels (il accompagnait son papa en rééducation après la perte de sa jambe due au diabète). Ça explique peut-être pourquoi l’histoire sonne aussi juste. Et pourquoi ce comics, datant de 2009, est devenu une œuvre de référence avec une solide fanbase, ce qui a sûrement mené à l’adaptation au cinéma en 2017 et à sa sortie en France en 2018 (superbe édition chez Hi Comics).
Quant à moi, si j’ai perdu l’habitude de relire les livres que j’ai adorés, I Kill Giants est le genre de comics qui me donne envie de replonger dedans, encore (et encore). Il reste maintenant à découvrir l’autre BD du duo : Immortal Sergeant, un mélange astucieux de polar et de réflexion atypique sur la relation père-fils (dixit la critique de MTEBC)