Inhumans, une série mystérieusement boudée de toute réédition en VF par Panini (en même temps, ce sont des habitués des logiques éditoriales mystérieuses) alors que la couverture de Jae Lee est vraiment magnifique et les inhumains de Kirby on toujours été très iconiques (à mon avis, ça fait parti de ses personnages les plus réussis visuellement avec le duo Galactus/Silver Surfer). En plus, c'est une très bonne série, donc y a franchement aucune raison de la bouder comme ça.
En 12 numéros, Jenkins part d'une présentation des inhumains, de la famille royale, de la cité d'Attilan, du fonctionnement de leur société pour basculer progressivement sur un conflit entre une espèce de milice portugaise (!) et la ville inhumaine, conflit dans lequel Maximus le frère cinglé de Black Bolt, aura bien entendu un rôle à jouer.
C'est un récit prenant, très sombre, dramatique, tendu, mystérieux et mélancolique qui tourne majoritairement autour de ce conflit qui s'annonce et de l’inaction énigmatique du roi des inhumains Black Bolt.
Et forcément, le dessin de Jae Lee colle parfaitement au sujet et renforce vraiment l'ambiance sombre et mélancolique du titre. Si son dessin et son encrage évoluent tout au long de la série vers une simplification stylistique qu'il continuera par la suite de sa carrière, il y a une vraie identité graphique qui ressort de ses pages. On retrouve l'amour du dessinateur pour les images fortes, iconiques et classes, avec des postures travaillées, tourmentées, et des décors très simplifiés, souvent sans profondeur, très graphiques. Dans Inhumans, il a aussi un usage massif du noir qui vient fondre les personnages dans l'ombre et renforce la dramaturgie de l'histoire. Les personnages ne sont quasiment vus qu'en gros plans, jamais en pied, les décors épurés à l'extrême, les expressions des visages très détaillés... Il y a beau y avoir un conflit militaire qui se passe tout au long de la série, mais Jae Lee semble plus intéressé par les conflits internes des personnages et les affrontements psychologiques et verbaux qu'il y a entre les différents intervenants de la série. C'est en tout cas très beau et en adéquation avec le scénario.
J'ai bien aimé aussi le redesign de Jae Lee sur certains personnages, notamment Karnak, très classe avec sa tête tatoué, ou Gorgone, auquel le torse nu et les cheveux longs correspondent biens. De manière générale, il manie vraiment bien les personnages et on ressent vraiment leur caractères dans leurs gestuelles, que ce soit la noblesse et la puissance de Black Bolt (quelle classe !), le côté nature de Gorgone, la folie de Maximus ou même Gueule d'Or qui bouge et ressemble vraiment à un chien (n'est-ce pas Dustin Weaver ?).
Tout au long de la série, Jenkins fait vraiment un bon travail sur les personnages et prend le temps de les caractériser, de nous faire comprendre leur psyché, leur façon de voir les événements qui se déroulent au fil des pages. L'une des astuces du scénariste est de certes faire une histoire longue sur les 12 numéros mais d'utiliser à plein le format épisodique pour varier les points de vue. On a ainsi des épisodes centrés sur Black Bolt, Gorgone, Triton, Gueule d'Or (!) permettant d'approfondir les personnages. Sur un autre il va prendre le point de vue d'une jeune inhumaine qui va passé par les brumes tératogènes et subir sa transformation, il y a aussi un épisode où l'on suit ceux qui ont obtenus des pouvoirs de merde, un autre sur les Alpha Primitives (des personnages simiesques très Kirby qui vivent dans les sous-sols d'Attilan et qui passent leur temps à construire des machines), et encore un autre où il s'intéressera aux regards des personnages et le sentiment qui s'en dégage. C'est vraiment intéressant puisque ça permet d'éviter toute monotonie dans le suivit de l'histoire et de donner une vraie unité aux chapitres, de ne pas apparaître comme un découpage arbitraire.
C'est vraiment une excellente série qui monte en puissance tranquillement et qui garde ses mystères jusqu'à la fin. C'est porté par les personnages mystérieux et fascinants de Black Bolt et Maximus, par une écriture habile de Jenkins et les dessins racés et sublimes de Jae Lee. Alors certes, j'ai pas hyper bien pigé quel était l'histoire avec Atlantis et Attilan qui semblent plus ou moins confondues dans ce récit, mais ça n'empêche absolument pas d'aimer cette série que je conseille à tous ceux qui veulent en savoir un peu plus sur les inhumains.