La prostitution dans un univers de RPG, en voilà un sujet racoleur suscitant la curiosité, au risque d'être mal placée. Chaque fois que je commence un isekai, je me pose toujours la question de savoir si l'auteur va se servir du prétexte de monde alternatif pour assouvir narrativement un phantasme personnel qu'il n'a pu ou ne peut réaliser IRL, comme je l'ai déjà signalé dans ma critique du premier tome de Fantasy Lazy Life. Mettons de suite les pieds dans le plat: l'univers du manga JK HARU est sexiste, amoral et glauque. Les femmes sont des objets et les hommes des brutes dominantes. Dès les premières pages, propulsé dans une maison de passe nommé "Au Chat bleu nocturne", Haru Koyama (l'héroine, donc) se fait enseigner une méthode contraceptive à base d'herbe et découvre que la contraception dans ce monde d'heroic-fantasy est uniquement réservée aux femmes. Haha! Voilà, ça c'est fait. Vu sa situation désespérée, on peut s'imaginer voir la jeune Haru sombrer rapidement dans la dépression or ce n'est pas le cas: elle montre même un optimisme contrastant avec la noirceur ambiante, jouant le rôle de la lumière dans le tunnel. Il faut savoir qu'elle fût IRL une escort girl (à cause de mauvaises fréquentations) mais a pu vite s'en échapper grâce à sa force de caractère. Elle espère ainsi conjurer une nouvelle fois ce coup du sort, en prenant son mal en patience. Et de la patience, il va lui en falloir car aucun homme n'est récupérable dans ce manga, en particulier Seiji Chiba, le camarade de classe lui aussi entrainé dans cette galère. Mais au lieu de soutenir Haru, il en abuse comme d'une vulgaire poupée gonflable, profitant allégrement du système patriarcal. Et le pire, c'est que Seiji n'est pas un héros cheaté de passage, il revient souvent avec sa mine de zombie obsédé qu'on a envie de baffer. Certains clients d'Haru se montreront bien plus violent, rivalisant de perversité dans leurs demandes mais l'héroine acquiesce toujours avec le sourire. Si le point négatif de la banalité du propos traité est à signaler, interdisant l'oeuvre aux plus jeunes (Nan, nan! la prostitution, ça n'a rien de banal ou d'ordinaire), Il faut aussi espérer que Ko Hiratori n'assouvit pas simplement un fantasme caché de pouvoir martyriser à travers le personnage d'Haru une ravissante camarade de classe qui l'aurait envoyer bouler IRL.
On peut se demander où l'auteur va nous conduire avec cette intrigue et surtout quel message il cherche à faire passer. Le fil conducteur positif, c'est que la belle Haru veut vraiment s'en sortir et refuse la fatalité de ce monde. On s'y attache, même parfois on souffre avec elle et on veut savoir sa destinée. Le sujet est osé et le ton crû contrebalance les habitudes du genre, se cherchant d'ordinaire toujours une limite et une certaine sagesse. Un isekai électrochoc qui mérite d'être lu, au risque de ne pas laisser indifférent et dont le contenu du second tome sera décisif pour ma part de continuer l'aventure ou pas.

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le 25 janv. 2021

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