Ce tome peut être lu indépendamment de la série Judge Dredd. Comme son nom l'indique, il est consacré à un des rares ennemis récurrents de Dredd : Judge Death. Il comprend 6 histoires, toutes écrites par John Wagner, Alan Grant ayant coécrites celles dessinées par Brian Bolland. Il s'agit des premières apparitions de Judge Death. Ce tome est complété par Judge Death: The life and death of….
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Judge Death (1980, progs 149 à 151, dessins et encrage de Brian Bolland, noir & blanc) - Un étrange esprit maléfique hante les rues de Megacity One, en tuant des citoyens. Judge Dredd et Judge Anderson (Cassandra Anderson de la division Psi) cherchent comment l'arrêter.
C'est ici que tout a commencé… au moins la légende de Judge Death. Sans penser à mal, Alan Grant et John Wagner conçoivent un nouveau personnage pour remplir 3 épisodes de plus. Ils imaginent une variation du système des juges, en poussant la logique jusqu'à l'absurde. Comme tous les crimes sont commis par des êtres humains, il suffit d'annihiler l'humanité pour qu'il n'y ait plus de crimes. C'est la solution implémentée dans une dimension parallèle par Judge Death. Un crime : la vie. Une sentence : la mort. Ce point de départ n'est pas dépourvu de logique, mais son aboutissement n'est pas total car Judge Death (et ses 3 collègues) ne se l'appliquent pas à eux-mêmes. Les scénaristes ont créé un monstre dont ils n'ont pas mesuré la portée, avec une imagerie qui frappe les esprits, grâce à la visualisation propre sur elle de Brian Bolland.
Cet artiste réalise des dessins aux traits extrêmement fin, avec de copieux aplats de noir. Sa mise en scène (il est alors débutant) est professionnelle. Comme ses collègues, il connaît les astuces pour concentrer le regard du lecteur sur les personnages, et s'économiser sur les décors.
L'histoire en elle-même est courte (15 pages). Après toutes ces années, elle se lit sans déplaisir, avec une chute en forme de justice poétique.
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Judge Death lives (1981, progs 224 à 228, dessins et encrage de Brian Bolland, noir & blanc) - S'étant laissé enfermer dans un musée, un citoyen trouve le moyen de libérer Judge Death. Sa récompense ne se fait pas attendre quand apparaissent 3 autres juges spectraux : Judge Mortis, Judge Fear et Judge Fire. La cité (Megacity One) est coupable. Le crime est d'être en vie. La sentence est la mort. À nouveau Judge Dredd et Psi-Judge Anderson doivent lutter contre ces tueurs.
Effectivement le personnage de Judge Death connaît une popularité au-delà de l'espérance de ses créateurs, et il revient donc pour une deuxième histoire. Brian Bolland explique dans l'introduction que les responsables éditoriaux ont accédé à sa demande de disposer de plus de temps pour réaliser ces 5 épisodes, et ça se voit. Les traits sont encore plus fins, les dessins plus exquis, les détails plus nombreux et Cassandra Anderson plus séduisante.
Dans la logique du plus c'est mieux, les coscénaristes poussent les potentiomètres à fond, avec non pas 1 juge des ténèbres, mais 4, et tant qu'à faire Dredd et Anderson sont bons pour un voyage dans la dimension des Juges des ténèbres. Le lecteur sent bien un humour anglais sous-jacents (le regard qui tue de Judge Fear) et un récit plus prétexte que vraiment consistant.
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What if Judges did ads (1987, prog 521, dessins et encrage de Kevin O'Neill, noir & blanc, 1 page) - Il s'agit d'un gag en 1 page où Judge Death fait vante les mérites d'une pastille contre les gorges enrouées. L'humour est très basique et le talent d'O'Neill n'a pas vraiment la place de s'exprimer.
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Theatre of death (1990, progs 700 & 701, dessins et encrage de Ron Smith, en couleurs) - Judge Death apparait dans un musée. À nouveau Judge Dredd doit y mettre bon ordre.
Judge Death ayant durablement marqué l'esprit des lecteurs, il est de retour pour une histoire courte (12 pages). John Wagner rappelle les histoires précédentes, et le lecteur a l'impression que le récit tourne en rond comme si le scénariste n'avait rien à dire de plus sur ce personnage, restant bloqué sur le principe de tuer les vivants, parce que seuls les vivants commettent des crimes. Ron Smith effectue un travail professionnel, sans grand relief, sans réussir à tirer ce scénario vers le haut.
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Judge Death: The true story (1994, progs 901 & 902, dessins et encrage d'Ian Gibson, en couleurs) - Judge Death explique comment les Juges des Ténèbres ont pu voyager à travers les dimensions, et comment il s'est retrouvé en Angleterre à la fin du vingtième siècle.
Il s'agit à nouveau d'une histoire courte en 12 pages. Ian Gibson réalise des dessins moins premier degré, avec une exagération indiquant qu'il s'agit d'une farce. Il réalise des dessins moins descriptifs que ces prédécesseurs, avec moins de détails. John Wagner rappelle à nouveau le principe des Juges des Ténèbres et explique comment ils ont acquis la technologie nécessaire pour voyager d'une dimension à une autre. Le passage par le vingtième siècle est très bref et peu exploité.
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The three amigos (1995, Dredd Megazine 3.02 à 307, dessins et encrage de Trevor Hairsine, en couleurs) - En 2117, Judge Dredd, Mean Machine et Judge Death chevauchent en moto dans les déserts radioactifs pour rejoindre un groupe de rebelles (menés par un chef au crâne cubique) qui menace de faire exploser New Mexico.
Le lecteur se pince le bras en découvrant le début de cette histoire. Trevor Hairsine semble en mode Carlos Ezquerra pour dessiner les mutants (ces têtes cubiques, et d'autres malformations tout aussi impossibles et sans beaucoup d'imagination). Joe Dredd se balade comme une sorte de mercenaire avec ses 2 plus grands ennemis récurrents comme si de rien n'était. Effectivement l'artiste donne l'impression de s'ingénier à coller au plus près de l'approche graphique d'Ezquerra, un des dessinateurs historiques des aventures de Dredd. Il en reproduit les apparences un peu outrées pour les mutants, la présence imposante de Judge Dredd et l'ambiance western spaghetti de la Terre maudite.
Le niveau de détail des dessins est satisfaisant, qu'il s'agisse des costumes ou des visages. Les arrière-plans sont présents de manière chronique, assez régulièrement pour que le lecteur ne puisse pas oublier où se déroule l'action. Trevor Hairsine prend visiblement plaisir à dessiner les personnages. Cela se voit dans la tronche impayable de Mean Machine (un individu avec un cadran sur le front à partir duquel il règle son niveau de violence, pour tout apprendre de lui, il suffit de lire Mean Machine: Real mean). Son regard est dépourvu d'intelligence comme il se doit, ses postures attestent d'un individu à la coordination musculaire primaire, habitué à avancer en force. Le dessinateur se fait tout autant plaisir avec Judge Death, avec des postures évoquant un zombie pas frais, et des rictus relevant de la farce.
Quand même, il faut un peu de temps pour avaler la couleuvre d'une coopération entre Dredd et 2 de ses ennemis jurés. Une fois passé la pilule, le lecteur prend ce récit pour ce qu'il est : une vraie intrigue, dans une ambiance de western spaghetti, avec une dose de farce qui ne prend pas le pas sur tout le reste. Une fois cet ajustement réalisé dans l'état d'esprit du lecteur, l'histoire révèle sa saveur, et s'avère bien troussée, avec un humour pince-sans-rire qui fait mouche.
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Dead reckoning (1996, progs 1000 à 1006, dessins et encrage de Greg Staples, en couleurs) - Judge Death s'est évadé et il a pris possession d'une vieille grand-mère. Il réussit à regagner sa dimension d'origine, en emmenant une journaliste en otage. Judge Dredd se lance à sa poursuite. Mais ils arrivent tous à l'époque où les 4 juges des ténèbres (Dark Judges) procédaient à la mise à mort systématique de la population de leur planète (coupables d'être vivants).
Après l'histoire précédente déconcertante, le lecteur sait qu'il ne peut pas prévoir à l'avance ce sur quoi il va tomber. Il commence par apprécier les dessins, plus précis dans leurs descriptions, avec toujours une légère forme d'exagération s'adressant à des adultes. Staples réalise des cases descriptives, en reprenant les codes graphiques de la série (une moto massive pour les juges, Death rachitique), avec un petit sourire en coin (la pauvre grand-mère habitée par l'esprit de Death), avec des décors consistants et cohérents avec les histoires précédentes.
Dans ces environnements détaillés donnant corps à ce futur de science-fiction, John Wagner revient à une intrigue premier degré qui emmène Judge Dredd au pire moment de l'histoire de la Terre de la dimension de Death. Le récit est macabre à souhait, avec un humour très noir qui ne vire pas à la farce. La résolution est téléphonée, comme souvent pour les récits mettant en scène Judge Death.