Jujutsu Kaisen
7.3
Jujutsu Kaisen

Manga de Gege Akutami (2018)

Cette critique est au moins autant chargée de spoilers que Joe Rogan est chargé en stéroïde (allegedly). Autrement dit : ça divulgâche un max. Vous voilà prévenue.

Dans le coin droit le monstre de la callisthénie bourré d'hormone de croissance VS dans le coin gauche le personnage fictif Gollum qui à défaut d'avoir remporter son combat contre la syphilis espère bien réaliser l'exploit ce soir !

Qui remportera la victoire ?

Tout le monde s'en fout. Et à juste titre, car cette introduction n'est même pas l'introduction de la critique que vous êtes en train de lire.

Impressionnant ? Ou peut-être devrais-je dire inquiétant ? Non, non, inutile de regarder votre montre pour vous assurer que ses aiguilles tournent toujours vous n'êtes pas dans une dimension parallèle. Cette critique n'est, hélas, pas la clé qui vous a permis d'accéder à un niveau supérieur de conscience vous donnant accès au plan immortel de l’Aetherius.

Il s'agit en réalité du début d'une introduction rédigé pour un autre manga que j'ai, comme beaucoup d’autres, abandonné l'idée de critiquer.

C'est vous dire si mon retour sur ce site s'est fait dans un chaos le plus total.

Je sustente actuellement sur un orbe de matière noire et je ne suis sûr que d'une chose : elle est TRÈS instable.

Bon, voyons, voyons, mon pédomètre m'indique que je me suis trémoussé ethniquement sur 300 kilomètres.

Qui eut cru que le zouk en plus d'être une danse au nom des plus rigolos serait l'un des moyens de locomotion les plus efficaces pour m'extirper de mes emmerdes.

Quel dommage qu'il n'ait pas été suffisant pour sauver la vie de ce 23ème otage dans ce terrible acte terroriste sur l'ambassade du Japon au Pérou en 1996.

Tragédie quand tu nous tiens...

Heureusement comme nous l'apprend un certain manga de Ryuhei Tamura les forces de police japonaise compenseront leur erreur en intégrant un marsouin à leur rang. Voilà le genre de protection des animaux qui me parle, quand les animaux me protègent : moi.

En ce moment même, quelqu'un, quelque part, est en train d'apprendre à des chimpanzés à utiliser un couteau karambit dans un but très peu démocratique et cette personne... A toute ma reconnaissance. Apprends à un macaque à se servir d'un uzi et les réseaux pédo-sataniste d'hollywood tomberont en moins de temps qu'il faut pour dire adrénochrome. Entre un speed-run sur minecraft et la prise du capitole il n'y a qu'un pas lorsque l'on est un singe nourri au « fish oil ».

Il est temps de faire renaître le barbare savant et de rappeler à tous que la plus extrême violence peut être appliquée le plus rationnellement du monde, et ça, c'est fascinant.

Atsushi Okhubo auteur de Fire Force semble d'ailleurs partager mes velléités de changement car c'est dans le chapitre 222 de son manga que le créateur a saisit à bout de bras l'image rotoscopé d'une quinquagénaire japonaise et l'a écrasé si fort sur la gueule de "l'establishement" que les GAFA et leurs représentants en ont vomis le vomitif qui leurs a permis de se délecter pour la troisième fois de la journée du fétus d'un Papouans-Néo-Guinéens façonner en série à partir des peaux morte de Joe Biden dans le plus grand secret des laboratoires subaquatique de Zealandia.

Notre réalité n'est de toute façon qu'une suite de cataclysme appelé par une humanité qui désire son propre anéantissement et Jésus ne reviendra parmi nous qu'après que la terre ne se soit transformée en deuxième soleil. Une punition amplement mérité pour une espèce qui souffre d'un relativisme morale délétère dont ne s'embarrasse évidemment pas le divin, CQFD comme disent les jeunes.

Mais cette nouvelle religion appelant à elle la destruction absolue de toute forme de vie a besoin d'intermédiaire.

En effet, je ne vous ai pas attendu.

Regardez par votre fenêtre et vous ne manquerez alors pas de remarquer les exécutants de ma fatwa personnelle venu toquer chez vous pour vous rappeler cordialement que, oui, vous êtes libre d’ioniser votre nourriture au micro-onde et de porter des vêtements imbibés de perturbateur endocrinien, mais que cela se paiera inévitablement par la transformation de notre planète en une boule d'hydrogène de plusieurs millions de degrés.

Quoiqu’il en soit si à la vue de ce futur peu enviable un voyant rouge s'allume dans votre cerveau, contentez-vous de tapoter dessus jusqu'à ce qu'il s'éteigne. C'est ce que j'ai fait ces 15 dernières années afin de fuir la culpabilité qui dévore l'auto-entrepreneur que je suis devenue malgré moi après avoir été jeté d'un avion au-dessus de l'Éthiopie au beau milieu d'une zone forestière non revendiqué. Oui, je suis responsable à moi seul de la disparition de près de 3% de la biomasse mondiale et non je ne finirais jamais en prison, car derrière votre écran, vous aurez beau m'appeler criminel, ici à l'ombre des derniers dattiers du désert entouré de mes fidèles guerrier sidamas je suis connu sous un autre nom, un nom qui inspire la crainte et le respect : Onkluk uldi, le dévoreur de monde, ici la loi des hommes ne peux plus m'atteindre et mon égoïsme est de droits divins. Alors tentez de me juger et je vous en supplie arrêtez ma cupidité meurtrière tant que je peux encore me convaincre que les larmes qui coulent sur mon visage sont bien celle d'un homme. Ceci est un appel à l'aide par pitié vous devez mettre fin à ma machine de destruction quoi qu'il en coûte...

"Attendez qu'est-ce que je raconte comme connerie moi depuis vingt lignes ?"

Et voilà, vous l'avez ?

Regardez de plus près. Zoomez, encore, encore, élargissez l'objectif... Bien, prenez une gorgée de votre lait fraise, un petit shot de jus d'orange pre-workout peut-être ?

C'est bon ? Vous y voyez plus clair ?

Habile, n'est-ce pas ?

Quelle ingénieuse manière de combiner les multiples morceaux de critique jeté à la poubelle au cours de ces derniers mois pour ouvrir la porte à cette critique inédite après plus de 5 ans d'absence. Rien ne se perd tout se recycle, c'est très dans l'air du temps finalement.

C'est donc une critique à l'indice carbone quasi-nul que je vous propose aujourd’hui, stocker exclusivement dans le nuage d’Oort et par la même totalement hors de portée des appendices poisseux de nos maîtres à penser.

Question !

Pourquoi près de 70 ans après la fin de la seconde guerre mondiale le premier ministre japonais n'exerce pas encore le commandement suprême sur les utilisateurs modernes de ninjutsu ?

Pourquoi cette introduction reste à ce jour le pipeline le plus cohérent menant à l'adhésion aux idées de Qanon ?

Pourquoi Jujutsu Kaisen n'est-il pas encore unanimement reconnu comme l'un des meilleurs mangas de notre 21ème siècle ?

Et enfin pourquoi cette critique n'a-t-elle toujours pas officiellement débuté ?

La réponse à (presque) toutes ces questions se trouve dans les lignes qui vont suivre.

Alors sortez-moi votre ouija board acheter à la foir'fouille en 2002 et préparez votre mudra préféré, car cette fois on cause exorcisme !

(Vraie) Introduction : Une nouvelle ère

Le Weekly Shonen Jump est depuis plusieurs années pour moi ce qu'est le feu au campeur, une lumière rassurante et pérenne qui apporte chaleur et inspiration en tout temps pour peu qu’on se donne la peine de l’alimenter. Un magazine de création qui, de façon analogue au héros qui y ont vu le jour, ne m'a jamais laissé tomber et a participé et participe encore à me motiver à attendre quelque chose de plaisant de mon futur. Ce service inestimable je le rends humblement au magazine en accordant un intérêt tout particulier aux univers qui voient le jour au travers de ses pages. Et s’il m'arrive encore de songer avec nostalgie à l'époque ou le fameux "big three" occupait le haut du classement le fonctionnement du magazine est ainsi fait qu'il est difficile de regretter cette époque maintenant révolue tant ce dernier est sans cesse alimenter de nouvelle œuvre pleine de promesse.

Kishimoto a passé le relais à Boku no hero academia, Kubo dessine des sorcières sur son temps libre et Oda est immortel donc ça compte pas.

Quoiqu'il en soit, il semble que ces dernières années une tendance semble se dégager des nouvelles sorties du Jump. En effet, nous avons moins à faire à des œuvres qui s'étendent sur une génération entière et vont grandir avec elle à la manière d’un Naruto ou d’un Bleach, mais plutôt à des œuvres qui sont à même de faire le pont entre plusieurs générations de lecteurs sans pour autant qu’il ne cherche à égaler la longévité des œuvres susmentionnée. On parle alors plus volontiers de « classique instantané » d’œuvre qui frappe comme l’éclair à un instant T et dont le grondement se fait entendre de par le monde sans qu’on leur prédise pour autant plusieurs décennies de publication.

Kimetsu No Yaiba terminé en 24 volumes, Chainsaw Man dont la partie 1 a pris fin en 11 volumes, Kaijuu n°8 et ses 11 tomes toujours en cours, Spy Family et ses 13 volumes, et bien sûr Jujutsu Kaisen et ses 26 volumes avec une fin prévue pour cette fin d’année.

Autant d’œuvres qui ont eu moins de temps pour s’installer durablement dans le paysage manga que leurs grand-frères, mais qui ont néanmoins marquer de façon indélébile les esprits par leur visibilité, leur vente record, leur pic de popularité stupéfiant, leur qualité bien sûr, mais aussi selon moi par un génie ou au moins un créneau qui leur est propre et qui va venir titiller l’idéal que recherche certains passionnés.

Vous l’aurez compris au titre de cette critique, je pense pouvoir attribuer pareil qualificatif au manga dont il est question ici : Jujutsu Kaisen, le génie. Ou plutôt serait-il plus juste de parler de fils prodige. Un fils, car il suffit de parcourir le guide book du manga ou de lire les interviews de Gege Akutami, son auteur, pour comprendre que le bonhomme est un enfant du Weekly Shonen Jump. Plus jeune, il apprenait par cœur les poèmes que l’on trouve au début des tomes de Bleach et encense toujours la classe des personnages de Kubo, il ne tarit pas d’éloge quant à la complexité du système de combat d’Hunter x Hunter et collectionne volontiers les goodies de One Piece tout en mentionnant de bon cœur la fameuse époque du « big three ».

Seulement, je tiens à préciser que si je lui ai choisi ce pseudonyme c’est avant tout pour insister sur son caractère de prodige et moins sur celui de fils. Car en effet Jujutsu Kaisen est tout sauf un simple dépositaire de l’héritage de ceux qui l’ont précédé au sein du prestigieux magazine. Jujutsu Kaisen est une explosion de talent. Il est la figure de proue d’une nouvelle génération de manga « shonen », qui par son unicité et son excellence s’est vu déroulé le tapis rouge en une dizaine de tomes seulement pour prendre place au côté des plus grands nom du manga.

Jujutsu Kaisen est le manga qui en quelque années seulement a détrôné le légendaire One Piece en battant son nombre de vente annuel se présentant comme le manga le plus vendu deux années de suite, soit en 2021 et 2022, et c’est en plus payé le luxe de dépasser récemment en nombre de lecteur l’œuvre d’Oda sur la plateforme en ligne du Shonen Jump pour la première fois depuis sa création. A ce qui en doute encore Jujutsu Kaisen n’est pas qu’un bon élève discret, c’est un prodige au potentiel terrifiant qui a déjà commencé à marquer son médium comme lui seul en est capable.

Maintenant, voyons voir comment ce petit génie s’y est pris… Et mon petit doigt me dit qu’il n’a pas hésité à verser dans des arcanes pour le moins obscurs.

Partie 1 : Jujutsu Kaisen ; Sui Generis.

Sous Parties :

  • 1. How did we get so dark ? ; Le ton et l’univers.
  • 2. Sorcier et complexité accessible : La narration et les visuels.
  • 3. Jujutsu Kaisen : duel de sorcellerie ; Les combats.

1. How did we get so dark ? ; Le ton et l’univers.

Je vais commencer cette partie par réfuter quelque chose. Oui, je sais, ça jette un froid, mais c’est important.

En déplaise à certains qui tente tant bien que mal d’ériger Jujutsu Kaisen à la tête d’un « Dark trio », non, Jujutsu Kaisen n’est pas une œuvre qui traite de sujet beaucoup plus sombre que ses prédécesseurs. Ce n’est pas non plus le parangon d’une sorte d’anti-héroïsme ou je ne sais quelle bêtise comme j’ai pu le lire ici et là.

Quiconque ayant lu Bleach, Naruto ou même One Piece et sachant faire preuve d’un peu de jugeote aura remarquer que les trois œuvre culte traitaient déjà en leur temps de thèmes qui n’ont rien de particulièrement joyeux : l’inanité (coucou Ulquiorra) et l’existentialisme pour Bleach, le rejet et la solitude pour Naruto, l’esclavagisme et le prix de la liberté pour One Piece pour n’en citer que quelques-uns, mais rien qu’avec ça vous aurez compris qu’on n’est pas toujours là pour se fendre la poire.

Mais alors qu’est-ce qui fait dire à certains que Jujutsu Kaisen serait plus sombre, plus grave que ses prédécesseurs ? Et bien sans que cela soit nécessairement vrai si l’on devait expliquer ce ressenti cela aurait sûrement moins à voir avec ses thématiques qu’avec la façon dont il les traite.

Ce n’est un secret pour personne l’œuvre d’Akutami tire plus qu’un peu vers le genre horrifique. Une certaine horreur qui aime les monstres absurdes, les chimères anthropomorphisées, et fait la part belle aux créatures grotesques. Une terreur inventive qui déforme les corps, martyrise les chairs et adore le sang pour un résultat on ne peut plus prégnant. Les fléaux sont bien sûr les vedettes de cette parade de l’épouvante à mi-chemin entre légende urbaine et métamorphose contre-nature. Un choix de design inventif en plus d’être des plus signifiant quand on sait que ces sympathiques abominations et leur esthétique dégénérative ne sont que l’expression des figures et sentiments malfaisants qui habitent le cœur comme l’esprit humain.

Ainsi, par le biais de ses choix de design Jujutsu Kaisen nous donne très tôt dans l’histoire une information sur le monde de l’exorcisme au sein duquel nous nous apprêtons à pénétrer : ce monde est un monde sale, un monde marqué par l’impureté et la souillure. Et ceux qui s’y risquent ne reste pas propre bien longtemps.

Autre chose qui aura tôt fait de faire apparaitre Jujutsu Kaisen comme grave est sa sobriété dans l’émotion et plus précisément sa sobriété par rapport à la mort.

Une fois de plus, on a de cela un exemple très tôt dans l’histoire qui débute avec le décès du grand-père de Yuji. Evénement fondateur de la philosophie de ce cher Yuji il n’empêche que la mort de papi Itadori ne laisse place à aucune cascade de larme. L’on peut certes attribuer cela à la personnalité de Yuji mais le découpage lui-même invite à cette sobriété avec les derniers mots de Wasuke Itadori qui nous sont délivré sans même que l’on ne voit son visage, ce dernier mourant pour ainsi dire « hors-champ », hors de notre vue. Pas de double page ou de focus sur son visage pour encourager notre proximité au personnage et nous asséner l’importance de ses dernières paroles, non, juste quelques cases qui laissent le temps à Yuji de prendre conscience de ce qui vient de se produire suivit de l’annonce de son décès par ce dernier sans qu’elle-même ne soit appuyée par l’expression du protagoniste qui disparaît lui-aussi de notre champ de vision le temps de cette déclaration.

Sans pour autant parler de rétention émotionnelle trop accentuer le manga adoptera à de multiples reprises cette présentation bien particulière de la mort marquée par une certaine contenance qui lors des moments les plus forts du récit, contrairement à ce qu’on pourrait penser, fera ressortir à sa façon toute la sévérité de l’instant. Cette sobriété dans la présentation ou cette emphase mesurée dans l’émotion venant ajouter dans ces moments une violence toute singulière à ce qui est vécu, une douleur perçante inimaginable qui se voit pourtant interdite d’être consommé pleinement, couper dans son élan par le flot ininterrompu de l’action ou par le caractère propre des personnages qui décident de se faire violence. Un cœur meurtri qui hurle en silence, sa douleur se voyant forcé d’être intériorisé jusqu’au point de rupture.

Ce n’est pas dire qu’il n’y aura pas tout au long du récit des pleurs tout à fait légitimes et des moments tragiques d’une grande puissance, mais le plus souvent le manga choisira de ne pas s’appesantir de trop sur ces instants installant ce faisant, il est vrai, une gravité est un ton qui est propre à son univers.

L’on a ici affaire à une autre expression du style de Jujutsu Kaisen et à un autre choix signifiant de l’œuvre d’Akutami, car ce dernier porte à merveille l’une des problématiques principales du manga à savoir : « Qu’est-ce qu’un exorciste ? », si ce n’est un individu qui doit continuellement aller de l’avant, pour lui, pour ses compagnons et pour ceux qu’il peut encore sauver jusqu’à devoir faire fi de ses émotions. Un thème sur lequel nous aurons bien sûr l’occasion de revenir plus tard.

En parlant de thématique qui viennent définir l’atmosphère et le ton de Jujutsu Kaisen, il est aussi intéressant de noter ce que j’ai envie d’appeler « la récurrence du rêve impossible ».

En effet, à l’inverse d’un certain nombre de manga qui ont vu le jour dans le Shonen Jump, Jujutsu Kaisen nous propose des protagonistes dont les rêves, les objectifs, ne semblent pas seulement impossible mais le sont tout bonnement si l’on en croit les lois qui régissent son univers.

Dans One Piece, devenir le roi des pirates est un objectif titanesque et hautement improbable, certes, mais pas impossible pour celui qui s’en donne les moyens, or dans Jujutsu Kaisen l’élimination de tous les fléaux est tout bonnement inconcevable s’agissant de créature qui dépendent de l’existence des humains que les exorcistes ont fait vœu de protéger. Le serpent se mord la queue. La tâche d’un exorciste est une marche sans fin, une réalité dont les exorcistes eux-mêmes ont pour la plupart tristement conscience. Ainsi, si l’on s’intéresse à d’autres « factions » de l’univers de Jujutsu Kaisen ont peut voir qu’elles sont elles aussi, à quelques détails près, mues par un objectif semblable par son impossibilité.

Les fléaux (Jogo, Mahito, Hanami et Dagon) poursuivent un rêve irréalisable au sens strict du terme à savoir devenir les « nouveaux humains », et cela parce que leur nature elle-même les en empêchent. Un fléau par son essence même ne peut comprendre un humain et de ce fait ne pourra jamais le remplacer complétement.

Suguru Geto qui souhaite éliminer tous les non-exorcistes est finalement peut-être celui qui s’est confié la mission la moins irréalisable aussi invraisemblable puisse-t-elle paraître sur le papier. Mais là aussi, une fois encore, la dure réalité de l’univers de Jujutsu Kaisen rattrapera ce cher Geto lorsqu’il mourra brutalement au début de notre histoire encore bien loin d’avoir atteint son objectif. Un événement venant donner raison à ceux qui l’avait averti du caractère voué à l’échec de son projet.

Cette présence au sein du récit, non exclusive, mais néanmoins appuyé et influente, d’objectif que la réalité de l’univers de Jujutsu Kaisen semble balayer d’un simple revers de la main tends à conférer à l’œuvre d’Akutami une atmosphère et un ton aussi douloureux qu’il peut être pathétique. Sans parler des personnages qui à l’image de Junpei meurt avant même d’avoir pu se figurer son propre rêve ou de ceux comme Kento Nanami qui nous quittent en questionnant les raisons même qui les ont poussés à vivre la vie qu’ils ont vécu, jusqu’au bout règne l’indécision.

Ainsi, à plusieurs reprises au cours du récit pourra-t-on être amené, au même titre que les personnages, à penser que la lutte est vaine, que les meilleures intentions ne suffisent pas ou encore que la mort est absolu. De façon évidente, la récurrence de ces rêves impossibles, tronqués ou indistincts vont venir petit à petit apposer un voile supplémentaire de ténèbres sur l’univers de Jujutsu Kaisen qui ne va pas manquer d’intoxiquer la philosophie de nombre de personnages du manga à différents degrés, Suguru Geto et Yuji Itadori étant probablement les meilleurs exemples de ces changements psychologiques induit par une réalité délétère.

Il y a une atmosphère globale d'absence de repère chez les exorcistes qui doivent chacun trimer chaque jour pour construire leur localité en ce monde et lui insuffler du sens, ces derniers étant pour beaucoup tout du long de leur vie d'exorciste aux prises avec l'inanité de leurs actes et de leurs choix. D’où par exemple l’intérêt de trouver une mort noble qui obsède Yuji au début du récit, car il s’agit d’une des rares visions à laquelle ce dernier peut encore s’accrocher pour donner un sens à ses actes. Mais je m’avance un peu, on développera tout ça davantage le moment venu…

Enfin, un dernier élément relatif à l’atmosphère particulière de Jujutsu Kaisen, que je n’ai pourtant pas vu mentionner sur l’interweb, se trouve être sa brillante appropriation de l’horreur urbaine ou de ce que certains courant de pensée originaux qualifient « d’urban wyrd ». C’est-à-dire : la peur que nos villes, bâties pour la plupart selon une logique utilitaire, puissent participer contre toute attente à l’émergence d’entités surnaturelles ou de zones grises dont la mécanique nous échappe et provoque chez nous au mieux un certain malaise au pire une indicible terreur. Du dévoiement du sens premier de lieux communs va alors naître une horreur toute urbaine contre laquelle l’esprit humain est mal armé pour lutter car elle revient à souligner ce qui ne devrait pas être en un lieu familier. Cela fait maintenant plusieurs années que les légendes urbaines, « Toshii densetsu », de leur petit nom japonais, font usage de cette forme de terreur moderne pour proposer aux amateurs des histoires plus inquiétante les unes que les autres. Du mode opératoire de certains fléaux, jusqu’à leur condition d’apparition en passant par leur pouvoir, on trouve dans le manga d’Akutami nombre d’exemples de l’habile réadaptation à son univers de ce fascinant genre horrifique finalement assez peu discuter. On aura même le droit dans le tome 9 à l’apparition d’un monstre issu des légendes urbaines en la personne de la fameuse « Kuchisake-Onna », ou femme à la bouche fendue, bien qu’elle ne soit pas nommée ainsi, désigner plutôt par le qualificatif de « pseudo-spectre ». Un cas fort intéressant qui vient confirmer que les fléaux naissent également des histoires et figures sordides qui marquent l’inconscient collectif de leurs empreintes ce qui rend les implications thématiques de l’existence de ces petites bêtes d’autant plus intrigante et connexe.

Mais je m’égare un peu… Je ne vais pas m’attarder ici davantage sur la place de l’horreur urbaine et de son cousin « l’urban wyrd » dans le manga d’Akutami, car nous aurons l’occasion d’y revenir plus tard avec de multiples exemples à l’appui.

Vous l’aurez compris avec ma présentation de ces trois traits saillants qui font l’unicité de Jujutsu Kaisen, nous avons affaire à un univers qui est habité, littéralement et figurativement, par une dominance de sentiment négatif. Qu’elle se matérialise sous la forme de fléaux, encombre les pensées de nos protagonistes ou se traduise à travers le rapport qu’ils ont à leur environnement, il est difficile de nier que l’émotion négative est reine en son domaine au creux des pages du manga d’Akutami. Et il est vrai aussi que ce sont ces mêmes émotions négatives qui vont mettre en mouvement nombre des narratifs essentiels à l’histoire que nous raconte Jujutsu Kaisen. Cependant, comme on le sait aujourd’hui, les émotions sont une affaire complexe et un sentiment négatif peut être parfois initié par une intention positive, la peur cherche à nous préserver d’une menace, comme la tristesse peut nous rappeler l’importance d’avoir perdu un être que l’on reconnaît comme cher.

C’est donc selon moi un des intérêts majeurs de ce que propose Jujutsu Kaisen que de permettre la recherche attentive de ces éclats de bonté qui brillent sous la surface de cet océan de ténèbres auquel peut parfois s’apparenter le paysage émotionnel de nos exorcistes. Et l’on va, entre autres, s’y employer.

2. Sorcier et complexité accessible : La narration et les visuels.

Avant de commencer à rentrer dans les spécifiques on va quand même prendre le temps de dire deux mots sur le style de narration d’Akutami déjà parce que j’ignore si je pourrais le placer habilement plus tard mais aussi et surtout car il s’agit bien sûr, tout autant que celle mentionner plus haut, de spécificités qui tendent à définir l’identité de Jujustu Kaisen.

Alors…

Jujutsu Kaisen est un manga complexe.

Ou plutôt, pour être plus précis ; c’est un manga qui a choisi une approche volontairement complexe de ses thématiques et de ses éléments.

Une complexité qui se retrouve dans ses dialogues, son exposition, l’exposé du conflit intérieur de ses personnages, les aptitudes de ses protagonistes et aussi dans moult originalités visuelles. Tout cela se traduit à plusieurs moments de l’histoire en une narration sophistiquée et sans concession.

Prenons comme exemple l’excellent chapitre 136 centré sur la discussion entre Kenjaku et Yuki qui vient clôturer l’arc du drame de Shibuya. Le dialogue entre les deux individus est un savant mélange d’information relative au futur arc, d’enrichissement de l’univers par le biais d’anecdote signifiante, d’échange d’argument philosophique, et d’une mise en application de techniques d’exorcisme précédemment introduite dans l’histoire. C’est un petit bijou de narration qui se révèle néanmoins exigent à l’égard de son lecteur qui doit prendre acte immédiatement de l’ampleur de ce qui se joue sous ses yeux, intégrer comment et pourquoi tous ces bouleversements se produisent, tout en étant attentif aux spécificités du jargon installé par les exorcistes qui garantissent la cohérence de l’ensemble des plans mit en œuvre à cet instant.

Un échange incroyablement riche qui ne fait pas une seule seconde redescendre la tension et termine en apothéose un arc déjà exceptionnel après avoir abreuvé abondamment, mais de façon synthétique, en quelques pages à peine, le lecteur de concepts, réflexions, et enjeux qui viennent apporter une dimension renouvelée à l’histoire qui lui est contée. Un chapitre qui fait aussi le pari structurant de ne pas prendre le lecteur par la main et de le laisser digérer ces informations à son rythme faisant appel à sa mémoire comme à sa matière grise.

On trouve un autre exemple de cette narration sophistiquée dans les chapitres 145 et 146 dans lesquels Tengen nous explique, entres autres, ce qu’il comprend des manigances de Kenjaku. On y retrouve plusieurs des éléments que j’ai notifiés plus haut toujours avec ce même contenu substantiel qui récompense l’attention d’un lecteur à l’affût.

Cette complexité s’illustre également de façon très parlante dans l’usage des différentes techniques propres aux multiples personnages. Si à leur sujet la narration n’est pas particulièrement expansive voire peut même se révéler assez concise pour ne pas perturber outre mesure le rythme des combats le génie de Jujutsu Kaisen se trouve ici dans sa capacité à établir nombre de règles et de pouvoirs relatifs au duel entre utilisateur d’énergie occulte dont la mise en application tient à des conditions claires qui vont au fil du récit s’additionner ou se soustraire pour proposer un système de combat d’une grande souplesse, particulièrement versatile et riche en possibilité afin d’offrir des affrontements d’une originalité folle et d’une intelligence acérée. À grand coup de « serment », de « sort », de « renforcement », « d’extension de territoire », de « prolongement », « d’inversion » et de « technique innée » l’univers de Jujusu Kaisen se voit jouir en un peu plus d’une dizaine de tomes d’une profondeur stratégique que l’on peut sans aucun doute qualifier de rare et qui est ici utiliser avec brio et, excusez du peu, mise au service de duel à l’intensité rarement égalé au sein de son médium !

Une profondeur stratégique qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler les combats d’un certain Hunter X Hunter que beaucoup considère encore aujourd’hui comme le maître étalon des affrontements stratégique en manga.

C’est donc ainsi, toujours dans cette logique de « complexité accessible » qu’a fait sienne Jujutsu Kaisen, que l’on proposera poliment au lecteur de se pencher sur des paradoxes mathématiques pour comprendre le sort inné de Gojo Satoru ou de lire un manuel de jeu pour saisir toutes les subtilités du pouvoir déjanté de Kinji. Et je ne parle même pas de tout ce qu’apportent ces techniques en termes de caractérisation. Non, franchement, l’usage et la présentation des pouvoirs dans Jujutsu Kaisen sont une bénédiction inestimable pour son récit autant que pour ses personnages. On reparlera des combats parce que je ne taris pas d’éloge à leur sujet… Mais pour l’instant poursuivons.

Pour ce qui est des originalités visuelles mentionné plus haut, je faisais à cette occasion référence à l’excellente et particulièrement créative composition d’Akutami surtout lorsqu’il est question de retranscrire l’action, mais aussi au caractère plus qu’insolite et inattendue de nombre de moments qui peuple son manga.

Je suppose que dans ce domaine chacun à ses petits préférés.

- Le jouissif double ko infligé à ce pauvre technicien de surface invocateur par Geto au chapitre 68 qui s’étend de façon atypique sur deux doubles pages à l’impact absolument dingue !

- Une autre double page plus qu’excellente à la composition géniale au chapitre 50 qui traduit toute la frustration et la détresse de Hanami face au « Boogie Woogie » d’Aoi qui apparaît aux quatre coins de l’image traduisant à merveille cette impression que l’exorciste et nulle part et partout à la fois.

- Le découpage vertical qui iconise les signes des mains mudra-esque de Jogo et Sukuna dans un silence de mort avant de nous frapper avec le flamboyant et glorieux visuel de la flèche de feu qui oppose avec une classe impérieuse les deux plus puissants fléaux au sommet d’une boule en fusion dès l’ouverture du chapitre 116.

Tous ces visuels sont absolument fantastiques.

Mais personnellement l’une des planches qui m’a le plus marqué et cette scène de fuite dans le chapitre 60, face à Eso, où chaque partie de l’action est isolé et agencé avec une telle justesse qu’elles donnent une fulgurance inédite à ce passage de course sans faire l’économie d’une certaine lisibilité.

Pour résumé, avec Jujutsu Kaisen nous avons à faire à une complexité multifacette qu’elle soit sous-jacente ou clairement affiché qui se trouve canalisé par une narration au rythme soutenu dont la maîtrise frôle l’impeccabilité. Il s’agit d’un mariage ambitieux et risqué mais l’un des tours de force de Jujutsu Kaisen et d’avoir apprivoisé et imposer cette narration très tôt dans son récit.

Le résultat ? Des arcs aussi courts soit-il qui m’ont plus d’une fois frappé par leur impressionnante densité. Moi qui suis pourtant plutôt un aficionado des rythmes lent je dois reconnaître que tout avance ici à une cadence soutenue sans pour cela avoir à passer sous silence des éléments pas moins digne d’intérêt. Avec Jujutsu Kaisen (presque) tout est essentiel et tout ce qui est essentiel est digne d’intérêt voilà un des gros points fort de la narration du manga d’Akutami.

Un style de narration qui au passage semble fait pour ravir les fans du Jump et se prête à merveille à sa publication hebdomadaire qui encourage la création de chapitre aussi condensé que rapide pour maintenir l’intérêt du lecteur et s’assurer ainsi une bonne place dans le classement hebdomadaire du magazine dont dépend l’avenir de la plupart des œuvres qui y figurent. Un rythme de publication rapprochée dont d’autre œuvre qui ne manque pourtant pas de mérite ont eu bien plus de mal à s’accommoder, je pense ici en premier lieu à Bleach dont le rythme bien souvent jugé trop lent à, entre autres, participer à faire de lui le mouton noir du fameux big three. Une preuve de plus que Jujutsu Kaisen se pose en même temps comme l’élève des succès passé du Jump, mais aussi comme le maître des mangas d’action aventure qu’il côtoie et de ceux qui lui emboîteront indubitablement le pas.

Enfin, ce qui vient parachever l’édifiante narration de Jujutsu Kaisen se trouve être ce qu’on nomme parfois en narratologie des « stratégies d’évitement ». On emploie le concept de stratégie d’évitement pour désigner les multiples façons que peut avoir une œuvre de jouer avec nos attentes, de les prendre à contre-pied, ou de simplement les déformer pour ouvrir un nouveau chemin jusque-là non envisagé, et laissez-moi vous dire que ce cher Akutami en est particulièrement friand.

On jouera par exemple sur le fait qu’il est moins attendu qu’un personnage ne soit éliminer avant qu’il n’ait eu l’occasion de déployer tout son arsenal technique. Pourtant, c’est bien ce qui arrivera à Hanami dont la mort particulièrement brutale et inattendue réduit à néant toute chance de voir à l’œuvre son « extension de territoire » qui nous a pourtant été « teaser » quelques chapitres plus tôt. Idem pour Takuma dont la technique la plus puissante, celle du dragon, ne nous sera pas révéler avant que ce dernier ne soit mis hors course par la réincarnation de Tojo.

En parlant de Tojo l’entrer de ce dernier au sein du territoire de Dagon alors que la stratégie de victoire des exorcistes consiste précisément à en sortir constitue aussi dans une certaine mesure un bon exemple de moment où l’objectif visé par les personnages sera habilement détourné pour créer une situation nouvelle et déroutante.

Et bien sûr comment parler de stratégie d’évitement sans mentionner l’imprévisible élimination de Nobara, personnage principal s’il en est, qui n’échappera pas pour autant au couperet impassible de la mort. Pire encore, il nous sera précisé peu de temps après que cette même Nobara a été exfiltré du champ de bataille afin d’être soigné. Une information qui participe à entretenir un espoir tenace de voir l’exorciste revenir d’entre les morts seulement pour mieux prendre à rebours, à nouveau, nos attentes lorsqu’il sera révélé quelques chapitres plus loin que cette dernière a bel et bien succombé à ses blessures. Ces rebondissements se posant alors comme le parfait exemple du caractère implacable de l’univers au sein duquel évolue les exorcistes.

Vous l’aurez compris les éléments caractéristiques et autres géniales bizarreries de Jujutsu Kaisen relevé depuis le début de cette critique viennent se conjuguer à une narration des plus ciselée et une complexité accessible propre à l’œuvre d’Akutami pour faire de son manga une manne céleste pour tous les adorateurs de combat fulgurant et ingénieux sur fond d’univers plutôt très funèbre et de thématique engageante par leur noirceur intelligemment nuancé.

Un prodige, je vous dis.

Enfin, je vous parle de narration, de ton et d’atmosphère mais il est fort possible que vous derrière votre écran, oui toi, tu es découvert Jujutsu Kaisen en voyant l’une des innombrables compilations de ses meilleurs combats qui pullule sur le net. Après tout, s’il y a bien un élément qui a mis la lumière sur le manga d’Akutami c’est bien ses pugilats occulte d’une qualité assez stratosphérique.

Et en ce moment vous vous dites peut-être sans aucune malice : « Mais putain de bordel de cul on parle des spécificités de Jujutsu Kaisen et cet infâme fond de benne n’a pas encore dédier une partie de son analyse à ses duels de fou furieux ?! Je savais que j’aurai dû continuer à défoncer mon papier peint à coup-de-poing plutôt que de lire ce torchon ! »

Et bien sachez que, premièrement, je me garderais de commentaire concernant votre gestion discutable de la colère, et que deuxièmement, je partage votre frustration.

Alors nous allons remédier à cela immédiatement !

Il est donc grand temps de causer combat, de causer art martial, de causer bourre-pif, cassage de gueule, coup de poing marteau et balayette laser, en un mot comme en cent : il est temps de causer bagarre !

3. Jujutsu Kaisen : duel de sorcellerie ; Les combats.

Il m'arrive parfois de dire qu'un manga a fait plaisir au fan de duel qui sommeille en moi, dans le cas de Jujutsu Kaisen la rencontre fut autrement plus intense. C'est dire que le manga de Gege Akutami a chopé au col ce fan de combat que je suis et lui a collé un coup de tête bien senti. Après quoi, mon moi passionné, le nez ensanglanté, lui a adressé en retour un sourire maniaque : nous étions faits pour nous entendre.

À la différence d’autres œuvres auxquelles on l’a comparé au cours de sa publication, telle que Chainsaw Man, Jujutsu Kaisen et son auteur aime les combats, ça se voit, ça se sent. Un affrontement dans Jujutsu Kaisen et une célébration de tout ce qui fait un combat passionnant. Il y a une volonté palpable de vouloir proposer un affrontement aussi innovant que mémorable et mieux encore cette volonté est parfaitement traduite sur le papier.

Les techniques spécifiques à l’exorcisme dont j’ai déjà vanté les qualités plus haut ainsi que les stratégies adoptées pour les contrer sans oublier les mises en situation variée participent à octroyer à chaque combat majeur de Jujutsu Kaisen la primeur d’un style de duel particulier :

Un 2 contre 1 au sommet d’un gratte-ciel basé sur les sortilèges, un 1 contre 1 dans le métro japonais qui mêle corps à corps et technique innée, un 2 contre 2 sur une autoroute de montagne qui mise sur l’alliance entre sortilège et aptitude physique, un 4 contre 1 sur une plage imaginaire qui déploie tout l’arsenal des techniques d’exorcisme, un 1 contre 1 dans une salle de spectacle dont l’issue va être décidé par la justesse morale de ses participants, ou encore un chacun pour soi qui tire avantage de tout l’espace qu’offre la capitale tokyoïte pour proposer de la destruction à grande échelle.

Il est évident que Jujutsu Kaisen s’en donne à cœur joie pour créer des situations qui apportent une fraicheur certaine aux affrontements qu’il nous propose, tant et si bien qu’il ne serait pas exagéré d’affirmer que chaque combat à ses propres qualités inédites.

Les visuels transpirent la classe, c’est incroyablement inventif et bordel qu’est-ce que ça bouge bien !

Si je devais décrire les combats de Jujutsu Kaisen en deux mots ce serait certainement ceux-là : inventivité et vélocité.

L’action autant que les personnages débordent des cases, ils virevoltent en tous sens, s’aident avec ingéniosité de l’environnement, trompent la vigilance de l’ennemi avec leur sort tout en préparant leur prochain assaut, ils combattent à l’arme blanche puis se lancent dans un brutal et technique corps à corps et les arts martiaux, oh mon dieu les arts martiaux ! Boxe, Judo, Wing Chun, Jiu-Jitsu, Taido ! C’est un pur bonheur de voir tous ces styles de combat différent venir sublimer ces duels pour un résultat jubilatoire qui leur vaut le statut de combat d’anthologie !

Très sincèrement, c’est le genre de plaisir jubilatoire qui me rappelle pourquoi j’aime autant les mangas.

Allez, je ne résiste pas à l’envie de m’étendre sur quelques-uns de mes préférés juste histoire d’enfoncer encore un peu plus le clou et de crier dans le vide digital mon amour pour les combats de ce manga décidément exceptionnel qu’est Jujutsu Kaisen.

  • 1. L'incroyable 2 vs 1 de Todo et Yuji vs Hanami. L’un des premiers combats à accélérer très franchement le rythme des affrontements et tirer pleinement partie des spécificités et techniques liées à la force occulte. Un parfait mariage entre la force brute des deux monstres de puissances que sont Yuji et Aoi avec la géniale versatilité du sort « Boogie Woogie » qui fait ici office de véritable œuf de Colomb. Le découpage n’a de cesse de présenter de façon aussi marquante que fluide les multiples retournements de situation ainsi que les pouvoirs des trois combattants dont le duel ne cesse de grimper en intensité à mesure que les exorcistes gagnent doucement, mais surement, du terrain sur leur mystérieux ennemi qui fait preuve à son tour d’une solidité hors du commun et d’une innovation à toute épreuve. Il y a quelque chose de totalement grisant dans le fait de voir Aoi et Yuji s’éveiller à leur fraternité naissante au beau milieu du champ de bataille alors que dans le même temps Hanami prend lui conscience du plaisir qu’il ressent à défier de puissant opposant. Il s’agit vraiment d’un combat pour ceux qui aime profondément les combats. Une ode à l’antagonisme façon manga selon Jujutsu Kaisen. C’est à mon sens ce duel face à Hanami qui fait passer au niveau supérieur les combats du manga d’Akutami et fait prendre conscience au lecteur que l’on est clairement là pour tutoyer le génie.
  • 2. Le rythme complétement survolté du combat Kinji vs Hajime qui nous fais vivre ce duel comme un addict au pachinko vit son prochain tirage. Un jeu mortel endiablé ou la liesse incontrôlée du chanceux côtoie le plus profond désespoir du guignard. Une marche aveugle au bord du précipice ou l'extase licencieuse du jeu côtoie l'horreur bien réelle d'une lutte sanguinaire. Un cerveau explose, une bouche vomie, un estomac éclate et vole des viscères alors que rien n'arrête la danse frénétique des deux passionnés de bain de sang les yeux toujours rivés sur la roue du hasard qui tourne encore et encore jusqu'à ce que la tension ait raison de leur nerf. Un excellent combat proposé par deux excellents combattants aussi fêlés l'un que l'autre.
  • 3. Le chacun pour soi jouissif de : Yuta vs Takako vs Kuro-Urushi vs Ryu. Une mêlée générale et urbaine magistrale qui tire pleinement parti de la largeur de la zone de combat d’un Tokyo dévasté pour laisser s’exprimer 4 combattants surpuissant à l’esthétique remarquable. Takako la sibylline qui fait très forte impression avec son énigmatique pouvoir du ciel, Kuro-Urushi fléau obsessionnel et son fantastique design inséctoide démoniaque qui respire la peur, Ryu un esprit à l’ancienne dans un corps de loubard au charisme moderne et bien sûr Yuta plus classe que jamais qui est là pour faire montre de toute l’expérience qui fait à présent de lui un exorciste d’élite. Les pouvoirs des combattants clash ou entre en résonances et donne lieu à des échange de coups aussi originaux qu’intenses, sans temps mort et dont la fulgurance n’a d’égale que la démesure. Chaque personnage ayant un style de combat et un caractère bien différent apportant ainsi à ce « battle royale » une couche supplémentaire d’imprévisibilité qui souligne avec virtuosité le grandiose d’un combat entre exorciste et fléaux de premier ordre. Et bientôt, l’émerveillement se joint s à l’exaltation devant ce florilège de technique de haut niveau qui marque durablement l’esprit. Il en est de même à l’approche du grand final qui oppose Ryu à Yuta, une conclusion parfaite dans les moindres détails qui achève en apothéose ce battle royale sur une ultime prouesse stratégique mis au point dans l’œil du cyclone alors que chaque micro décision peut s’avérer mortelle et que l’énergie occulte fuse de tous côtés. Un affrontement de haut vol palpitant qui tire le meilleur de ce qu’il propose et couronne Yuta maître de son art.
  • 4. Et comment passer sous silence l'hallucinant, que dis-je, le dé-men-tiel 1 vs 1 entre Choso et Yuji ! Un véritable festival d'expertise martiale, couplé avec de la stratégie environnementale absolument jouissive servie par une improvisation de tous les instants et une intelligence du combat hors-norme. Des retournements de dernière seconde toutes les secondes ! Toujours plus inventif, toujours plus précis, toujours plus puissant jusqu'à faire éclater les carcans du possible et atteindre cet état second au sein duquel l'épuisement grandissant des deux adversaires ne semble qu'augmenter leur acuité au combat. Cet instant de grâce grisant ou le lecteur prend conscience que le meilleur reste à venir alors qu'il vient déjà de vivre quelque chose d'exceptionnelle ! Un électrochoc synaptique qui relance le cœur après un instant de flottement admiratif... Et les coups pleuvent à nouveaux ! Quel plaisir ! Tout ça porté par une iconisation jubilatoire de visuels qui exultent de charisme et un final au moins aussi inattendu que percutant qui termine d'imposer le style de duel à la Jujutsu Kaisen comme un idéal à atteindre pour tout manga de combat qui se respecte. Clairement, Choso vs Yuji c'est un candidat très sérieux au titre d'un des meilleurs combats de manga de notre 21ème siècle et je pèse mes mots. Putain, quelle tuerie !

Au cas où ça ne se serait pas vu j’ai un petit faible pour les combats de Jujutsu Kaisen.

À mes yeux il y a une grande différence entre une œuvre qui contient des combats et une œuvre que l'on lit, entres autres, pour ses combats et Jujutsu Kaisen fait indéniablement partie de cette seconde catégorie. Le duel est un composant primordial de son essence non pas parce qu’il est inhérent au genre action aventure auquel il appartient mais bien parce que ses combats ont acquis une valeur unique et inestimable en leur qualité de combat d’exorciste. Le style de duel de Jujutsu Kaisen n’appartient qu’à lui. Et d’ici quelques décennies lorsque le moment sera venu de juger l’héritage du manga d’Akutami à l’aune de la culture qui l’a vue naître je suis convaincu que les combats qu’il nous a offert joueront un rôle majeur dans son accession au statut d’œuvre de légende.

Mais il ne vous aura pas échappé que nombre de légende sont d’abord appeler « histoire » avant de pouvoir prétendre à ce prestigieux titre. Une histoire dans le cas de Jujutsu Kaisen que nous avons encore la chance de voir s’écrire sous nos yeux. Alors maintenant que nous en avons finis avec les éléments saillants qui forgent l’identité de Jujutsu Kaisen en tant qu’œuvre intéressons-nous de plus près à ce que son histoire nous raconte.

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Partie 2 de la critique : https://www.senscritique.com/bd/Je_vais_te_tuer_Jujutsu_Kaisen_tome_4/critique/305151009

Critique trop longue. J'ai l'habitude.

Sans surprise, même après 6 ans d'absence, on est toujours aussi à l'étroit dans l'espace critique de ce site que dans un métro tokyoïte aux heures de pointe.

Partie 2 de la critique : https://www.senscritique.com/bd/Je_vais_te_tuer_Jujutsu_Kaisen_tome_4/critique/305151009

Dr_Stein
9
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le 1 mai 2024

Critique lue 19 fois

Dr_Stein

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