Russell est un cow-boy à l’ancienne. Cela fait des dizaines d’années que ce dur à cuire conduit des troupeaux de vaches d’un bout à l’autre du pays pour les mener aux abattoirs de Chicago. Le bétail, il sait y faire: quand les bêtes sont trop nerveuses, il demande tout simplement à ses gars de chanter pour les calmer. Hélas, l’heure de la retraite a sonné pour Russell. Avec le chemin de fer qui se répand dans tous les Etats de l’Ouest comme une traînée de poudre, les cow-boys sont devenus inutiles. Désormais, ce sont les wagons qui se chargent de transporter les vaches. Après avoir mené pour la dernière fois un troupeau de 1.200 bêtes du Wyoming vers le Texas, Russell décide donc de raccrocher définitivement ses éperons et d’utiliser ses économies pour se payer un lopin de terre dans le Montana. Il emmène avec lui Kirby, son second en qui il a toute confiance, et Bennett, un jeune garçon un peu simplet qu’il a pris sous son aile depuis la mort de ses parents. En route, ils font halte à Sundance, un petit village sans histoires. Miss Collins, une jeune institutrice dévouée, y fait de son mieux pour tirer les enfants vers le haut, tandis que le maire ne rêve que d’une chose: faire de son patelin la gare d’embarquement de tout le Wyoming, et garantir ainsi la prospérité pour tous ses concitoyens. Mais les choses ne vont pas tout à fait se passer comme prévu. Lorsque le pauvre Bennett est retrouvé mort au pied d’un arbre, avec le crâne fracassé, le maire veut faire croire à un accident pour ne pas compromettre ses chances de faire venir le train jusqu’à Sundance. Pour Russell, les choses sont claires: il va devoir faire justice lui-même!
Le western a plus que jamais le vent en poupe parmi les auteurs et les éditeurs de BD. Que ce soit "Gunfighter" chez Glénat, "Lonesome" au Lombard, ou encore "Undertaker" chez Dargaud, pour ne citer que trois exemples parmi d’autres, les séries de qualité ne manquent pas pour les amateurs du genre. Sans oublier le "Blueberry" de Sfar et Blain, dont la sortie est (enfin) prévue le 6 décembre prochain. Autant dire que c’est loin d’être évident de sortir du lot quand on se lance à l’assaut du Far West en tant qu’auteur de bande dessinée. En gros, tout a déjà été dit et redit sur les cow-boys et les Indiens. Et pourtant, Jérôme Félix et Paul Gastine parviennent encore à nous surprendre avec leur "Jusqu’au dernier", un western aux dessins magnifiques et au scénario magistral. Les deux hommes, qui avaient déjà travaillé ensemble sur la série "L’Héritage du diable", ne réinventent pas le genre, dont ils adoptent tous les codes, mais il ne leur faut que quelques pages pour réussir à installer un univers et des personnages particulièrement convaincants. Une fois qu’on est pris par le récit, plus moyen de lâcher cette BD très cinématographique, qui a nécessité trois années de travail. Félix et Gastine offrent même à leurs lecteurs quelques scènes d’anthologie, notamment une éblouissante course-poursuite dans les gorges, avec des rochers qui se détachent de la montagne tandis que la météo se déchaîne comme jamais. Du grand art! Et puis surtout, il y a les personnages, qui sont tous très réussis. A côté des cow-boys Russell et Kirby, deux durs au coeur tendre, ce sont surtout la courageuse institutrice Miss Collins et le gentil Bennett qui donnent une véritable épaisseur à ce récit. Leur présence amène un peu de douceur et d’humanité dans le monde impitoyable de l’Ouest. Clairement l’une des plus belles BD sorties cette année!
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