Ce tome fait suite à Kick Ass - The New Girl T1 (épisodes 1 à 6, par Mark Millar & John Romita junior) qui introduit la nouvelle porteuse du costume, après Dave Lizewski. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2018, écrits par Steve Niles, dessinés et encrés par Marcelo Frusin, avec une mise en couleurs réalisée par Sunny Gho.
Suite à ses débuts dans le costume de Kick-Ass, Patience Lee (vétéran de la guerre en Afghanistan) continue de nettoyer son quartier dans la ville d'Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Ce soir-là, avec son gang, elle investit un laboratoire clandestin de crack appartenant à Hector Santos. Des femmes en bikini préparent la poudre sous la surveillance d'hommes armés. Kick-Ass fait irruption et envoie un direct du droit dans le visage du garde le plus proche. Cela ouvre un échange de coups de feu entre ses hommes et les gangsters, les premiers prenant garde de mettre les femmes à l'abri. La destruction du site se déroule sans difficulté particulière. Le responsable va rendre compte à Hector Santos qui l'abat d'une balle en plein front et qui charge son second Wallace d'enquêter sur elle. Il retient également son idée que ce Kick-Ass doit déjà s'être fat d'autres ennemis. Juste après, Patience Lee s'est rendue au diner où elle a un boulot de serveuse. Alors qu'elle finit sa journée, sa sœur Edwina entre dans l'établissement. Elle lui explique qu'elle craque parce que son mari Maurice est toujours dans le coma, ce qui réconforte Patience en son fors intérieur, à la fois parce qu'elle responsable de son coma, à la fois parce qu'il connaît son identité secrète, et qu'en plus c'était un des hommes de main d'un caïd local.
Edwina ayant refusé son invitation à venir manger chez elle, Patience Lee rentre chez elle. Un soir suivant, en tant que Kick-Ass, elle mène à nouveau ses hommes dans un raid contre une maison de passe tenue par l'équipe d'Hector Santos. À nouveau, ils font le nettoyage par le vide, abattant tous les truands présents sans faire de tri, et libérant les femmes se prostituant, pour les emmener dans un refuge spécialisé. Kick-Ass mène l'assaut et progresse plus rapidement que son équipe dans le bâtiment. Elle se retrouve bien vite à l'étage, alors que les autres sont encore en bas. Quand ils font sortir les prostituées, ils se font canarder par des mecs en embuscade. Ils abattent tout le monde sauf un (Benson) qu'ils capturent et emmène. Kick-Ass comprend qu'elle est coincée dans une souricière.
Mark Millar & John Romita junior y avaient été franco pour cette nouvelle version de Kick-Ass : une femme noire et mère célibataire, vétéran de guerre avec un emploi de prolétaire, sœur mariée à un truand, habitant un quartier pourri. Ils avaient ainsi redéfini leur personnage, et chargé la barque en termes de définition sociale d'un individu prisonnier d'une forme de sous-prolétariat, esclave d'un boulot lui permettant à peine de joindre les 2 bouts. Pour autant Patience Lee s'était avérée d'une rectitude moral exemplaire. Les créateurs l'avaient laissé à la tête du gang dont elle avait exécuté le chef, et également laissée à une autre équipe créative. Steve Niles est un scénariste aguerri créateur et auteur de séries comme 30 days of night avec Ben Templesmith, Criminal Macabre avec Christopher Mitten, ou encore assistant pour Frankenstein Alive, Alive: The Complete Collection avec Bernie Wrightson. Le lecteur sait qu'il peut attendre de lui un scénario avec une intrigue linéaire et directe, une forme de narration dur-à-cuire, et des scènes d'action sèches et pragmatiques. Effectivement, il reprend les éléments caractéristiques conçus par Millar & JRjr, et continue dans la droite lignée.
Avec Niles, Patience Lee reste une jeune femme d'une rectitude irréprochable, ne se servant qu'un salaire de soldat sur les butins qu'elle confisque aux criminels, continuant à travailler comme serveuse, et attentive à sa fille, ainsi qu'à la détresse de sa sœur dont le mari est dans le coma. Le lecteur n'a pas besoin d'en savoir plus, et d'ailleurs la personnalité de Patience Lee n'est pas plus développée dans ces 6 épisodes. Le seul moment sortant vraiment du lot se passe quand elle va s'inscrire à l'université avec sa fille. Côté intrigue, le lecteur trouve un solide fil conducteur : Kick-Ass a décidé de continuer à nettoyer son quartier des différentes activités illicites et elle continue à foncer dans le tas, et à réfléchir après. Ce n'est pas une tacticienne : le lecteur peut donc comprendre qu'elle commette la même erreur plusieurs fois de suite, ou trouver qu'elle aurait dû apprendre de ses erreurs. En face, les criminels apparaissent vite comme peu compétents. Ils la ratent une première fois parce qu'ils n'ont pas bien apprécié sa détermination, et parce qu'ils ne disposent pas de son entraînement de soldat. Lorsqu'elle se retrouve en face à face avec Wallace, le lecteur tique un peu qu'il n'arrive pas à la blesser plus grièvement. À partir de là, il est entendu pour le lecteur qu'elle va continuer à foncer dans le tas et à triompher en persévérant, quels que soient les assaillants, peu importe à quel point les apparences semblent contre elle. Steve Niles respecte le cahier des charges imposé par Millar : de l'action, une femme que rien n'impressionne, un soupçon de tension dramatique avec les membres de sa famille, et le retour d'un autre vétéran. Arrivé à l'épisode 12, le lecteur est tenté de passer complètement en mode second degré tellement le gros méchant en armure se fait avoir comme un débutant, et comment Hector Santos se fait avoir encore plus bêtement.
Le lecteur se fait un plaisir de retrouver les dessins de Marcelo Frusin qui avait illustré la série Hellblazer pendant quelques années : John Constantine, Hellblazer Vol. 14: Good Intentions avec Brian Azzarello ; John Constantine, Hellblazer Vol. 16: The Wild Card avec Mike Carey, et qui avait réalisé une autre série avec Azzarello : Loveless VOL 01: A Kin of Homecoming, un western. À l'époque, il semblait très influencé par Eduardo Risso, avec de larges aplats de noir, aux formes fluides. Il apparaît rapidement que l'artiste réalise des dessins avec une plus grande densité descriptive, et moins d'aplats de noirs, préférant un registre narratif plus classique. Cette apparence est renforcée par la mise en couleurs très travaillée de Sunny Gho. Il utilise une approche naturaliste, avec une volonté systématique de nourrir chaque surface par des variations de nuances qui viennent à la fois rehausser le relief de chaque élément détouré, donner des informations sur la texture et sur l'éclairage, tout en accentuant discrètement le contraste entre les surfaces pour qu'elles ressortent mieux les unes par rapport aux autres. Cette mise en couleurs nourrie prend souvent le pas sur les traits encrés dans l'impression générale, apportant une continuité visuelle dans toute les séquences, sans tomber dans l'uniformité, et supplantant parfois la force des traits encrés pour devenir prépondérante dans l'impression générale d'une case.
Il faut donc un peu d'attention au lecteur pour apprécier les dessins de Marcelo Frusin, pour les déconnecter de la mise en couleurs. Il apprécie rapidement sa capacité à donner vie à des personnages bien distincts, avec une réelle plausibilité pour les civils normaux (Edwina la sœur de Patience, la fille de Patience, les figurants dans le restaurant ou à l'université), avec une touche discrète de genre pour les criminels. Frusin ne se montre pas moqueur envers ces derniers : il ne les caricature pas. Il se contente d'appuyer un petit détail par ci, un autre par là : Wallace semble impassible en toute circonstance derrière ses lunettes de soleil, Violencia encaisse la douleur sans un signe visible sur son visage, Hector Santos regard les pires violences avec un détachement étudié, etc. Le lecteur voit bien que ce sont des criminels endurcis, ayant une solide expérience dans l'usage de la force et du sadisme, affranchis de toute empathie à tel point qu'ils en deviennent difficiles à croire au premier degré. Par ailleurs, l'artiste réalise un travail soigné : des décors présents avec une bonne régularité dans les cases, réalistes avec un bon niveau de détails ce qui permet au lecteur de croire à chaque endroit. Il sait mettre en scène les affrontements, de manière à ce que la succession de coups portés soit logique et compréhensible, sans pour autant aller jusqu'à la chorégraphie esthétique. Les coups portés font mal, laissent des traces, des blessures. Les balles d'arme à feu perforent la chair et laisse des trous nets, sans exagération de recul ou de déchiquetage des victimes.
Steve Niles & Marcelo Frusin prennent la succession de John Romita junior & Mark Millar, en respectant à la lettre le cahier des charges de la série. Le lecteur sait ce qu'il est venu chercher et c'est exactement ce qu'il trouve : une histoire violente de règlements de compte, avec une héroïne dont il est sûr qu'elle triomphera sans y laisser trop de plumes. Sur la base de ce contrat tacite, il a le plaisir de lire une histoire de construction classique, rapide et sans intellectualisation, avec des dessins soignés et compétents, complémentés par une mise en couleurs généreuse et appropriée. 4 étoiles pour un récit de divertissement, sans second niveau de lecture social ou psychologique, une forme de violence cathartique sans prétention.