The Killing Joke vient d'être réédité en France et j'ai sauté dessus dès que possible. Je l'avais lu il y a quelques années en VO, et j'en gardais le souvenir d'une histoire courte et amère, mais terriblement puissante. Et c'est toujours le cas, même si je regrette de devoir faire le sacrifice de la lire en VF tant l'originale est truffée de phrases coup-de-poing qui passent mieux dans la langue d'Adam Sandler.
C'est peut-être finalement le seul défaut imputable à cette édition, l'autre défaut étant d'origine : cette histoire est définitivement trop courte. Le Joker esquissé par Moore est devenu un mythe dans l'univers des comics. La préface écrite par Tim Sale vise d'ailleurs juste, on distingue quatre grandes bds qui ont révolutionné le genre, elles datent toutes des années 80, deux sont de Miller, deux de Moore, trois sont sur Batman. Il n'y a pas de mystère : on tient là le personnage-roi des comic-book... Qui trouve un ennemi à sa mesure avec le Joker.
Ce dernier est une énigme de A à Z, le grand défi d'Alan Moore, c'est de lui créer une histoire, un passé, une femme, un enfant en route... Et une mauvaise journée qui fait tout chavirer pour le faire basculer définitivement dans la folie et créer le personnage que l'on connaît.
Tout, ou presque, est centré sur lui, il a la majeure partie des dialogues percutants du titre, y compris le dernier mot et cette histoire était, il y a encore quelques années, considérées comme canon, avant que DC chamboule tout avec ses new 52. Il faut dire qu'Alan Moore n'y va pas de main morte avec deux personnages en particulier, et cette audace a payé puisqu'elle fut prise en compte dans la suite des aventures de Batman.
Le dessin est quasiment parfait, un trait fourni, des visages expressifs... Mon regret principal reste la tête de Batman que je trouve globalement ratée, surtout quand on voit un Joker aussi parfaitement maîtrisé en face.
Et voilà en fait : on en revient toujours au Joker, c'est lui le personnage principal de cette aventure, mais c'est un personnage qui prend une dimension très différente de d'habitude: à aucun moment il ne fait rire... Et son passé prétendu tendrait même à tirer les larmes.
Saviez-vous qu'en 1940 quand le Clown est créé, Bob Kane souhaite le faire mourir rapidement? Bill Fingers, le co-créateur de Batman, le sauve in-extremis! Et quelle clairvoyance il a eu quand on lit The Killing Joke. Merci Bill.