Le truc qui frappe d'entrée avec Kingdom Come, c'est les dessins, ici des peintures signées Alex Ross, dans un style hyperréalisme bluffant. On est impressionné dès les premières pages avec ces personnages dont le rendu est d'un niveau hallucinant. C'est simple, on se croirait parfois devant des photographies prises sur place tant ça regorge de détails, ne serait-ce que sur les visages humains (les plis de la peau, les cheveux, les poils de barbe, les diverses imperfections des visages les plus âgés). Ross tutoie le photoréalisme, et le lecteur ne sait plus où foutre ses mirettes. Je ne compte plus le nombre de fois et je suis revenu sur des pages précédentes pour rejeter un œil à une planche, juste pour le plaisir de trouver des détails qui m'auraient échappé. Surement une première pour moi.
Au milieu de cette orgie visuelle, Mark Waid nous livre une sorte de giga crossover DC Comics futuriste dans lequel les plus célèbres héros sont bien vieillissants, souvent à la retraite, et la relève fout le bordel, laissant l'humanité au bord du chaos. C'est un vieil homme, un serviteur de Dieu, accompagné d'un mystérieux personnage, qui va être témoin de la montée en puissance et du cataclysme à venir. Trois figures principales font office de base scénaristique. Un Clark Kent grisonnant, renié par Metropolis et vivant une existence de fermier ; un Bruce Wayne méconnaissable, au corps cabossé soutenu par un exosquelette, corps à l'image de son manoir en ruine, et protégeant sa ville d'une poigne de fer ; une amazone tentant de reformer les troupes pour remettre de l'ordre dans ce monde en perdition, Wonder Woman étant la plus prompte à franchir la ligne de non-retour dans l’espoir de ramener la paix.
Trois personnages qui vont se recôtoyer, réapprendre à se connaitre, et faire renaitre la Justice League, ici composé de vétérans tentant d'inculquer aux jeunes cons que des grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. Tout ça sous fond d’Apocalypse imminent. Si le manichéisme est ici omniprésent et que les actes de tout un chacun sont sans cesse questionnés ou remis en cause, ce qui pourrait être qu'un énième classique "bien contre le mal" prend tout son sens. Le juge de cette affrontement, un prêcheur, est tout que ce qu'il y a de plus concerné par cette lutte, et l'ambiance fin du monde alimenté par des images parfois bibliques avec ces démons volants vient étoffer la touche religieuse du récit. C’est sombre et souvent pessimiste, le scénariste n'hésitant pas à aller loin dans l'optique de délivrer son message. Il y aura des morts, et des points de non-retour franchis.
Je regrette juste la progression parfois un peu molle, quelques passages semblant trainer en comparaison du reste du comics, mais putain, quel morceau de bravoure ! Des affrontements titanesques, des superhéros et vilains en pagaille, un Superman constamment en proie au doute, l'homme d'acier n’ayant jamais paru aussi fragile, et des dessins à tomber par terre. L'ambition était au rendez-vous, et c’est une vraie réussite. À déguster, tout simplement.