L'affaire tourne au vinaigre
De retour sur terre, Tintin et ses ouailles font de leurs promenades printanières l'essentiel de leurs aventures. Tous sauf Tournesol, qui, redevenu sourd et lunatique (redevenu lui-même donc), se lance dans l'élaboration d'une arme sonique (fallait oser), perfectionnée par ses soins. Si au départ elle n'était pas destinée a être utilisée comme une arme de guerre, force est de constater qu'au cours d'étranges phénomènes qui viendront secouer Moulinsart, celle-ci a un potentiel de destruction massif. D'inoffensive, elle devient donc l'objet de toutes les convoitises et particulièrement des régimes Bordurien et Syldaviens (comprendre communistes et capitalistes) qui s'en prennent au grand ami du très calme Haddock. S'en suit une course poursuite effrénée en Suisse, Bordurie et Syldavie à la rescousse de l'homme au chapeau melon vert.
Considéré par beaucoup comme l'album le plus aboutit techniquement, L'affaire Tournesol partait déjà avec un sérieux avantage. Du dessin bluffant de réalisme en passant par un genre narratif parfaitement maîtrisé, cet album a effectivement de quoi faire saliver mais est-t-il exempt de défauts ? Si les dessins sont touchés par la grâce, ils ne donnent malheureusement à voir que de tristes décors sans saveurs où bien chanceux serait celui qui arriverait à retrouver les couleurs chatoyantes d'un Temple du Soleil. Fini les grandes aventures donc, après le grand saut lunaire Hergé préférera faire de ses anciennes aventures à travers le globe des aventures de plus en plus domestiques, l'exemple le plus marquant étant celui des Bijoux de la Castafiore. Oublié les coutumes et traditions du pays hôte où même les Dupont et Dupond font pâle figure attifés de la tenue locale.
Ce qui amène à un autre point négatif : la réitération. L'arrivée des D&D est exactement la même que dans d'autres albums dont le nom m'échappe, ils arrivent habillée en tenue de filature grotesque, sont pris pour des ennemis, sont libérés et s'en vont prendre une gamelle. Bien qu'avant cela prête à sourire, la blague s'use d'autant plus que leur apparition dans cette aventure est anecdotique sinon stérile. Il est inutile aussi de dire que l'album souffre d'un gros manque de rythme tant cela est évident. Tantôt les personnages se perdent en élucubrations infertiles tantôt ceux-là même sont happés par la vélocité d'une sportive Italienne et si certains comme Topolino tendent l'oreille, d'autres comme Arturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo Cartoffoli de Milano (!) s'en contrefiche et font parler le moteur plutôt que la langue. Réitération narrative expliquée par la publication sporadique mais réitération gaguesque assez facile poussée à l'extrême avec Séraphin Lampion horripilant parce qu'omniprésent. Les running gags parsèment l'album si bien qu'il l’étouffe. Combien sont parfaitement superfétatoires ? A peine viennent-il corroborer une histoire déjà bien complexe. Réitérations encore plus faciles qui tiennent au miracle des albums qui constituent la genèse du héros, à savoir les dénouements heureux et totalement chanceux qui viennent auréoler la mèche du petit protégé de Dieu.
Mais fini de tirer sur l'ambulance, cet album fourmille de qualités géniales avec en plus de celles énoncées plus haut une entrée de la Castafiore diablement intelligente, un suspens de haute volée, un twist parfaitement amené, des jeux de mots et trouvailles hilarants (Pleksy gladz !), des péripéties toujours plus surprenantes et dangereuses et un fond politique mieux traité que jamais. Mais comme Wakapou a dit : difficile de faire mieux qu'un voyage sur la Lune !
Toutefois, Coke en stock m'attends !