Révolte uchronique

L'uchronie, c'est une "Histoire refaite en pensée telle qu'elle aurait pu être et qu'elle n'a pas été" (Trésor de la Lague Française). Bon. Ici, dans ce manhwa, nous sommes en Corée. Ce pays est occupé depuis que le Japon a gagné la Seconde Guerre Mondiale, et exerce une dictature oppressive sur la population coréenne, aidé entre autres par des robots-flics meurtriers.

La constitution d'un mouvement de résistance à cette oppression est vu à travers le militantisme d'une jeune fille, Soo-Hee. Le récit consiste essentiellement dans la représentation d'affrontements sanglants et mutilants avec les robots japonais.

Dans une préface, l'auteur, Kim Hong-Mo, compare explicitement l'occupation japonaise de la Corée lors de la Seconde Guerre Mondiale avec l'action des Nazis en Europe. Il considère que les Etats-Unis ont remplacé les Japonais après la Guerre: ils dominent l'armée coréenne et ne lui laissent pas d'autonomie. L'auteur se positionne donc comme un nationaliste de gauche, envisageant une alliance avec les communistes, pour combattre la présence étatsunienne. Il dit avoir été incarcéré en 1997.

Le dessin, presque en noir et blanc, est réalisé à l'encre de Chine, et le détail des traits présente donc ces irrégularités et ces bavures qui évoquent les tracés calligraphiques ou les estampes de l'Extrême-Orient. A peine quelques nuances de rose (pour les joues), de brun, de bleu de vert, viennent-elles apporter un semblant de polychromie ponctuel sur telle ou telle image.

Ce qui fait la beauté du dessin, c'est l'élégance de ses lignes sur fond blanc, qui valent davantage pour elles-mêmes que dans la succession des images, dont l'enchaînement logique est parfois rompu par un arrêt sur un aspect précis.

Le récit, violent et militant, fait une large place aux coups, aux blessures, aux mutilations. L'atmosphère est oppressante dans la mesure où les choses sont présentées de manière fort manichéenne: les résistants d'un côté, les Japonais et les collaborateurs de l'autre. On devine que l'auteur ne va guère laisser de chances à la négociation. il y a derrière cette position l'écho de l'extrémisme suicidaire fréquent dans les mouvements de gauche d'Asie Orientale.