On me l'a offert, sans quoi je pense que je ne l'aurais pas acheté. ça m'a quand même fait plaisir, cela dit.
On aime ou on n'aime pas la série Valérian : certains trouvent que le postulat une histoire-une planète des premiers albums relève du procédé, d'autres trouvent que la série part en eau de boudin vers la fin - je situerais le point de descente à partir d'"Au bord du grand rien", en ce qui me concerne.
Pour ma part je reste captivé par la poésie de cette série, dont l'univers a inspiré beaucoup de créateurs. Alors que penser d'une telle reprise par Manu Larcenet ? En voyant la couverture, sur le présentoir, j'avais déjà une appréhension. A la lecture, j'ai été un peu rassuré, mais de là à dire qu'on a ici une bonne BD de SF, il y a un long chemin. Voici quelques raisons :
- Les vues spatiales et les paysages grandioses étaient une des marques de la série. Larcenet se donne beaucoup de mal pour faire de belles compositions (p. 35), mais ce n'est jamais que de l'imitation, en moins bien.
- Les couleurs, désolé mais elles sont moches. On oscille entre le verdâtre, le bleu et le brun, le tout noyé dans des applats de couleur noire : c'est peut-être ce qui me repousse le plus. Les pages de la série originale étaient au contraire souvent lumineuses.
- Bien décidé à appliquer une formule, Larcenet reconstitue une scène de buvette spatiale avec des extraterrestres (p. 18-22). Sauf que ses extraterrestres ont tous plus ou moins la même tête ! Il se rattrape après à la p. 33, plus créative, mais personnellement je n'arrive pas à croire à ses aliens, alors que dans Valérian il y a une véritable atmosphère. Subjectif ? Soit.
- L'intrigue est traitée de manière très désinvolte (l'exposition par Albert est un véritable foutage de gueule), alors que la plupart des scénarios de Christin étaient faits aux petits oignons de Bluxt. La dérision n'excuse pas tout. Le personnage qui aide René (sic) sur la planète-prison aurait davantage sa place dans un manga.
- Il n'y a aucune analyse psychologique/sociale profonde et il ne reste rien de l'impertinence de la série (je trouve les vannes sur Pôle Emploi vite torchées). Le ton se veut décalé, mais hésite entre la parodie, l'hommage et les ficelles du slapstick ou de l'humour régressif. Je n'ai rien contre ce genre d'humour, bien au contraire, mais ça ne se marie pas du tout avec la prétention à faire de la poésie sur l'espace. Les deux pseudo-poèmes qui ouvrent et ferment l'histoire me laissent d'ailleurs complètement de glace.
Avec cet album, on a le mariage entre deux auteurs qui n'ont pas démérité de la BD mais qui ont un peu perdu leur série dans les derniers épisodes et un dessinateur au style personnel mais qui me donne l'impression, depuis la fin du "Combat ordinaire", de chercher des projets un peu de tous les côtés faute de savoir dans quelle direction exercer son indéniable talent. Bref, une histoire de ce genre aurait tout à fait sa place dans "Fluide glacial", mais de là à en faire un album incorporé dans une série culte... Je prie juste pour que Mézières et Christin en restent là.
Bref, un album qui fera rire les geeks, mais certainement pas les vrais fans. Oui oui, appelez-moi puriste. M'en fous.