Forcément, si on l'encourage, il n'est pas prêt d'arrêter ses conneries, le Larcenet...

C'est marrant : j'ai relu tous mes Larcenet il n'y a pas très longtemps et j'ai été confronté à des déceptions inattendues ; malgré cela, j'ai eu envie de découvrir d'autres albums qui eux aussi m'ont déçu en grande majorité ; et toujours je suis curieux de découvrir un nouveau Larcenet. Je pense que le bougre a du talent, c'est juste qu'il l'exploite mal ! Mais je suis sûr qu'un jour il parviendra à faire un vrai bon album. Enfin... peut-être pas... vu que tout le monde le pousse à continuer dans la voie qu'il a entrepris alors que clairement ce n'est pas par là qu'il parviendra à faire quelque chose de bon... Mais bon, je peux toujours être agréablement surpris, je continuerai donc de découvrir ses futurs projets.


Le scénario est très faible. Je n'ai pas lu le bouquin je précise, mais ça n'a pas d'importance, à partir du moment où on adapte un bouquin, peu importe comment est l'oeuvre d'origine, ce qui compte c'est ce que l'auteur téméraire en fait. Et le résultat est donc assez faible dans le sens où il ne se passe pas grand chose. La première moitié du bouquin ressasse les mêmes événements, les mêmes commentaires tandis que la deuxième est l'occasion pour Larcenet de se montrer philosophe (de comptoir bien évidemment). Il ne remet pas grand chose en question dans ses questionnements, il se contente d'énoncer les choses auxquelles il croit très certainement (il le fait dans presque tous ses albums 'adultes'). Les personnages sont très fades, au final, c'est le prêtre qui m'a semblé être le plus intéressant car bien plus en proie à des conflits que le héros qui parvient à s'évader trop facilement par l'écriture. On explique beaucoup de choses dans ce bouquin et on n'assiste à presque rien. C'est ennuyant. Il y a bien un peu de tension au travers de l'insistance et la surveillance des villageois mais c'est à chaque fois exploité pauvrement ; ainsi, plutôt que d'exploiter son histoire qui, sur le fond, est bonne, il préfère s'intéresser à des moments de rien. Si au moins ces moments de rien permettaient de voir la vie de ces villageois... mais non, chaque fois qu'on les voit ils ne font rien, ils attendent simplement de pouvoir parler ou bien écoutent. C'est comme du mauvais théâtre où les mauvais comédiens ne savent pas quoi faire en attendant de déballer leur réplique. Ç'aurait pu être une manière de montrer que le village est mort, qu'il ne s'y passe plus rien, mais non, ce n'est même pas ça, on ne voit pas les gens en train de rien faire de leur vie, on voit juste des personnages inanimés, oubliés par l'auteur, ce qui est différent.


La BD a de la gueule. Mais ce qui m'agace très vite c'est que Larcenet en fait beaucoup trop. J'aime les dessins léchés mais j'aime que ça paraisse naturel. Là, à chaque page j'ai l'impression que Larcenet se disait qu'il allait délivrer la plus belle BD du monde. En plus c'est même pas le cas ! Parce que bon, ses dessins sont parfois approximatifs en ce qui concerne les personnages et s'il n'y avait pas ces effets d'ombrage, on apercevrait bien plus facilement les défauts. Les proportions ne sont pas toujours juste d'une case à l'autre en fonction du cadrage (en plan éloigné, ils paraissent plus allongés qu'en plan rapproché). Le langage corporel des personnage est faible, certains bras paraissent mal articulés (quand l'un boit un verre par exemple). Les effets d'ombre gagneraient à être plus simples, au bout d'un moment ça devient fatigant. En plus, il n'applique pas toujours la même technique. Bon, par rapport à "Blast", c'est tout de même plus constant au niveau du graphisme, n'empêche qu'il reste quelques irrégularités pas toujours plaisantes.


Malgré mes commentaires précédents, j'admets que le dessin est beau de prime abord, ça fait plaisir. J'aimerais d'ailleurs bien voir ses planches originales, voir son grattage à la lame de rasoir mais aussi voir quelles parties ont été retouchées à l'ordinateur (car certains traits blancs ressemblent plus à du gommage sur photoshop qu'un à un grattage sur la planche). Mais là où je suis vraiment déçu, c'est dans le découpage de l'histoire. Bon, visiblement, Larcenet prend le parti de raconter ça comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre, il y a beaucoup de cases qui font penser à des personnages sur des planches. Pourquoi pas. Mais dans ce cas il est dommage que dès que deux personnages parlent trop longtemps, il ne sache plus trop comment mettre en scène : il va alors mettre des plans très éloignés, puis jouer sur la répétitions des cases, puis à nouveau mettre des plans éloignés qui n'ont aucun lien avec ce qui est raconté... ce découpage m'a l'air très aléatoire, Larcenet a peut-être peur que son lecteur s'ennuie ? Ou bien il veut juste multiplier les angles de vue pour en foutre plein la vue ? J'ignore la raison, en tous cas ça ne fonctionne pas, ça manque de jusqu'au-boutisme dans la démarche théâtrale.


Les cadrages ne sont pas très sexy non plus (héhé, ça me fait penser que mes élèves se marrent quand je parle d'un dessin sexy, il y a quelques jours, l'un d'eux m'a demandé si son dessin était sexy, le sourire aux lèvres ; intérieurement ça m'a fait sourire aussi mais extérieurement, il fallait bien asseoir mon autorité, alors je l'ai baffé devant tout le monde) : le bougre laisse beaucoup trop d'air ce qui déforce grandement ses compositions voire les allures de ses personnages (qui, en passant, tirent tous la même tronche de constipé...). Là où il s'en tire le mieux tant au niveau de la compo que du dessin pur, c'est lorsqu'il représente les animaux, surtout les oiseaux : quelques unes de ses planches sont d'ailleurs magnifiques rien que pour ça. Dommage qu'au niveau narratif, ça ne raconte pas grand chose, que ce soit même très répétitif (montrer des oiseaux qui volent pendant deux pages franchement, était-ce bien utile? ça casse même carrément le rythme de l'histoire déjà très plate à la base).


À la fin du bouquin, il y a des croquis. C'est bien ça permet de voir comment le dessinateur procède : il dessine d'abord d'un trait fin son personnages (on aperçoit alors les défauts comme dit plus haut) qu'il couvre ensuite d'ombres. Et ben figurez-vous que je préfère son trait fait. Il y a quelques chose de plus beau, de plus simple, de moins retravaillé, de plus naturel, de plus brut. De plus fragile aussi, ce qui, à mon avis, rend davantage service à l'histoire qui est racontée. D'autres croquis plus rapide sont également assez jolis à regarder. En voyant ces pages je me suis senti renforcé sur mes positions : Larcenet est fait trop, beaucoup trop. À plusieurs reprises j'ai eu l'impression de voir le travail d'un étudiant qui essaie d'en foutre plein la vue à son jury de fin d'année et qui s'embourbe dans de nombreuses maladresses. Certes, Larcenet est doué, il y a quelques très beaux dessins, quelques passages narratifs intéressants, un personnage de prêtre et un héros intéressants, mais l'auteur se perd, n'arrive pas à juste raconter son histoire simplement. En plus, j'ai eu l'impression que ce bouquin était une redite des autres de Larcenet : la construction en flashback (qui ne rend pas service), le thème de la guerre (il serait temps qu'il digère son service militaire quand même parce que ça devient lourd, il donne l'impression d'avoir vécu les pires choses au monde alors que ce n'était qu'un service militaire : je dis pas que c'est honteux d'en sortir traumatisé, c'est juste qu'il donne l'impression que ça équivaut à être sur le terrain, or pour moi ce sont deux horreurs bien distinctes, pâs forcément à hyérarchiser mais bien à distinguer).


Bref, ça aurait pu être bien, il y avait matière à créer un bon truc, mais Larcenet reste Larcenet...

Fatpooper
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le 29 nov. 2016

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