Que faire après l’imposant Blast ? Comment se débarrasser de la grasse carcasse de Polza ?
Larcenet a choisi de laisser parler les mots d’un autre, Philippe Claudel auteur du Rapport de Brodeck, sorti à la rentrée littéraire en août 2007 et Goncourt des Lycéens.
Je n’aime pas lire des adaptations de livres en BD avant d’avoir lu le roman.
Je n’aime pas lire des adaptations de livres en BD, tout simplement.
Mais Le rapport de Brodeck est : 1. Un cadeau 2. Une BD de Larcenet 3. Tiré d’un roman dont je ne connaissais pas l’existence et donc que je n’avais pas l’intention de lire.
On ne te demande pas un roman, Brodeck ! Tu diras les choses, c'est tout, comme pour un de tes rapports. Il faut que ceux qui liront ton rapport comprennent et pardonnent. (Extrait de la BD)
On ne te demande pas un roman Larcenet et c’est en cela que tu excelles. J’aurais cru que tourner la page de Blast serait difficile, mais l’auteur a su montrer de nouveau son grand talent.
Pour résumer l’histoire, je reprendrai le résumé fait dans un article de Marianne :
Rentré des camps de la mort, où il a été forcé de se muer en chien pour survivre, Brodeck se voit contraint par les habitants de son petit village montagnard de se transformer en greffier pour raconter un crime collectif, celui de l'Anderer, un étranger qui s'est aventuré là, armé de son seul sourire et de ses pinceaux, ultime révélateur de la laideur et de la lâcheté humaine.
Larcenet repart dans un récit difficile, lourd, pesant. Mais cela ne l’empêche pas des moments de beauté et, dirons-nous, de légèreté avec des paysages et des dessins naturalistes, déjà esquissés dans Blast et magnifiés ici par le format à l’italienne.
L’ensemble m’a laissé une forte impression, même si certains aspects m’ont laissé interrogatif, comme la représentation des gardiens du camp. Il les déshumanise, les rend monstrueux, alors que tout le reste du livre est une démonstration du visage familier et routinier de la petitesse des hommes.
Toutefois, cette représentation contribue à flouer les pistes de l’espace et du temps. Tout porte à croire que Brodeck revient des camps de la mort nazis, qu’il revient dans un village reculé frontalier. Mais non, ni Larcenet, ni Claudel ne situent l’histoire dans un lieu ou dans une époque.
Je parlais au début d’adaptation. A défaut de trouver Larcenet parler de son œuvre, j’ai trouvé intéressant l’avis de Philippe Claudel sur l’appropriation de son roman, dans un article de Slate.
Je n'ai pas songé à l’adapter en film et j'ai découragé ceux qui y ont pensé. Je ne veux pas que cela soit un film.
La bande dessinée laisse encore une très grande place à l'imaginaire du lecteur, c'est ce qui me plaît dans le travail fait par Manu Larcenet. Il est parvenu à respecter le décalage fantastique par rapport à une réalité historique et géographique : il a trouvé le moyen de préserver cela dans la représentation des camps et des bourreaux que je trouve très réussie.
Les planches de Larcenet lui évoquent parfois «l’aspect de bois gravés», «la finesse d’eaux fortes, Rembrandt ou les gravures du peintre expressionniste allemand Kirchner»