Evidemment que la littérature est une mine ! A condition surtout de se pencher sur ses époques les plus fertiles.... je ne veux pas débiner systématiquement les modernes, mais ça n'est généralement pas le panache qui les étouffe. Et non, je ne donnerai pas de noms, j'essaie de soigner mon karma. Cette fois, après avoir joyeusement pillé et renouvelé l'âge d'or espagnol dans les Indes Fourbes (aaaaah, l'exploration jubilatoire des Ménines dans un travelling ahurissant!), Alain Ayroles extrait la substantifique moelle des Liaisons dangereuses pour donner chair à une sorte de rejeton aux abois du marquis de Sade et du vicomte de Valmont. Tout un programme. D'autant qu'on voit se profiler l'ombre de Lafayette à l'horizon... Sa Merteuil reste pour l'instant dans l'ombre, mais on a encore deux tomes pour découvrir quelles ficelles inflammables elle tisse subrepticement en coulisse... Il ne faudrait pas croire que tout le mérite revienne uniquement au scénariste, car l'exécution ne manque pas de charme ! Richard Guérineau se glisse élégamment dans l'esthétique de l'époque et on jurerait croiser dans ses vignettes Mademoiselle de Jonquières. Bref, un festin oculaire dont on ne se lasse pas. Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas avoir collé le nombre maximum d'étoiles à ce premier tome ? Justement, parce que ce n'est qu'un premier tome et que je me laisse une marge pour les ébahissements à venir. Mais aussi, il faut en convenir, parce que j'ai moins goûté la verve des personnages que les dialogues enjoués et terriblement spirituels des protagonistes de De cape et de crocs. Ou de Garulfo. Ces bestioles irrévérencieuses débordaient d'esprit et je ris encore au souvenir des menues frivolités mastiquées par un canard glouton dans les toutes premières images du tome 1 de cette série jubilatoire. Ici, évidemment, les personnages se plient aux besoins de l'intrigue et ne donnent pas dans le commentaire ironique ou décalé de leurs propres expériences. Cela s'explique donc. Malgré tout, je regrette le ton farceur sautillant des aventures des grenouilles et des canidés des sagas précédentes. Le drame couve davantage, cette fois, et la noirceur réclame son dû; je m'incline mais me garde deux étoiles sous le coude pour l'éventuel jaillissement des saillies drôlatiques à venir !