Manji est un immortel depuis peu. Comment, pourquoi ? Ce n'est qu'en partie expliqué et c'est tant mieux. Les faits sont là et ils sont bien suffisants. Il rencontrera Lin, une très jeune femme qui a soif de vengeance depuis que ses parents ont été tués par un groupe d'hommes, le Ittoryu, une école de combat très différente des autres.
Le début de l'aventure sera donc une suite de rencontres, fortuites ou pas, entre Manji et sa nouvelle protégée et différents membres du Ittoryu. Lin cherche à en savoir plus sur le Ittoryu, son jeune leader charismatique Anotsu Kagehisa et les raisons qui l'ont poussé à tuer ses parents. Il s'agira donc d'affrontements à l'arme blanche très violents, où il ne sera pas rare de voir des membres coupés et des geysers de sang. Manji se montre très doué à l'épée mais ses adversaires le sont souvent autant. C'est ce qui rend les combats si intéressants car l'immortalité de Manji prend ici tout son sens.
Mais il ne faut pas croire que les combats sont l'essentiel du manga. Loin de là ! Ils sont d'une importance capitale mais les dialogues, les scènes contemplatives, l'ambiance générale le sont tout autant. L'auteur (Hiroaki Samura) parvient, grâce à son dessin très particulier, à retranscrire un Japon à l'ère d'Edo de façon fascinante. Les campagnes, les villages, les maisons et leurs intérieurs sont d'une incroyable beauté. Le niveau de détails sur certains dessins est absolument magnifique, sans même parler des pages d'illustration qui sont renversantes.
Mais là encore, ce n'est pas tout. Il faut rendre hommage à l'auteur pour la création de tous ses personnages. Manji, Lin et Anotsu resteront les 3 piliers centraux de l'histoire jusqu'à son terme (au tome 30 tout de même !) mais Samura a su créer une grande quantité de personnages tous plus intéressants les uns que les autres. Makie, Hyakurin, Giichi, Habaki, Ryo, Magatsu, Doa, Shira, Abayama... tous ont leur histoire propre, leurs convictions, leurs forces et leurs faiblesses. Tous ont des raisons de se battre, bonnes ou mauvaises, mais le manga n'est pas manichéen. Il est difficile de donner raison ou tort aux uns ou aux autres. Les alliances se font et se défont au gré des situations et rapidement Manji et Lin se trouveront au centre d'une histoire qui les dépasse. Une lutte idéologique plutôt que pour le pouvoir et l'argent, voilà ce qui est au centre de L'habitant de l'Infini.
Il faut noter que ce manga s'adresse à un public suffisamment adulte pour encaisser des scènes choc. La violence est bien là, dans les combats évidemment mais aussi dans le traitement peu enviable que doivent subir à plusieurs reprises des personnages. Viols, scènes de torture ou expériences médicales barbares, rien ne nous est épargné. Il faut croire que l'auteur a souhaité montrer le contraste entre la beauté formelle, le sens de l'honneur aiguisé des protagonistes de l'époque, la fascination que cette époque suscite chez beaucoup d'entre nous et la violence, la fureur et parfois la sauvagerie des hommes qui l'ont vécue. Autant de facettes qui rendent chacun des 30 tomes de cette fresque absolument passionnants en plus d'être magnifiques à regarder.