L'histoire du corbac aux baskets, le chef d'œuvre de Fred. Point. Pas mon Fred préféré, pas celui que je relis le plus souvent, mais définitivement sa bande dessinée one-shot la plus aboutie, la plus personnelle. Synthèse de sa vision, de son art du conte et de son trait inimitable.


Pour bien comprendre cette histoire, il faut la replacer dans le contexte de la vie de son créateur. Fred, ce génie bonhomme cultivant une différence dans la vie comme dans métier sans commune mesure, ce poète à la folie distillée planche après planche. Auteur de renom des années soixante-dix, il disparaît subitement de la scène du neuvième art (et sera honteusement oublié, le peu de notes sur SC en témoigne). La cause ? Dix ans de dépression, de clinique à se morfondre. Et c'est finalement en se replongeant dans la bande dessinée qu'il émerge, "guérit". L'histoire du corbac aux baskets est son outil thérapeutique, sa psychanalyse à peine voilée, sa vision du monde plus morne et touchante que jamais.


L'histoire du corbac aux baskets conte les déboires de d'un type lambda qui un matin se réveille transformé en corbeau géant affublé de baskets. Désemparé, il se rend chez un psy pour raconter ses malheurs et tenter de comprendre ce qui lui arrive...


Par delà l'histoire, mêlant absurde, légendes urbaines et burlesque, Fred règle ses comptes avec ses démons et ses angoisses, fustigeant encore et toujours un esprit bourgeois passéiste qui le débecte, évoquant le rejet de l'autre, l'impossibilité d'être accepté de par sa différence... La tristesse d'être différent. Sur ce dernier point, Fred réalise une pirouette superbe, notre héros dépressif n'étant pas tant rejeté parce qu'il est un corbeau, mais bien parce qu'il est un corbeau avec des baskets !


Graphiquement, Fred est à son sommet, les aplats de gravures dans la demeure de la famille des cerceaux, les silhouettes qui débordent, les cases qui se télescopent pour former des fresques incongrues, l'émotion passant uniquement par le regard de ce volatile géant, les décors fourmillant de détails, le mouvement des batailles, le texte qui fait intégralement partie du dessin...


L'émotion dégagée par cette bande dessinée est palpable, elle transpire des planches, nous noie, son final arracherait presque une larme.


Son chef d'œuvre.

Hypérion
10
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le 23 janv. 2012

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Hypérion

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