« La forêt ne laisse rien derrière elle. » YFASS

Avec la sortie de Elfes (Tome 1) : Le Crystal des Elfes bleus, j’avais introduit le fonctionnement des Terres d’Arran, un univers foisonnant conçu autour de cinq peuples d’elfes. Le concept repose sur une collaboration singulière : cinq scénaristes, cinq dessinateurs, et cinq histoires. Chaque saison de cinq albums suit un cycle immuable : Elfes bleus, Elfes sylvains, Elfes blancs, Semi-Elfes et Elfes noirs, un ballet narratif orchestré avec minutie. Les albums, publiés chez Soleil, nous entraînent dans un univers riche et cohérent, où chaque peuple est mis en lumière tour à tour.

L’originalité de la série réside notamment dans le tissage parallèle des intrigues. Si la première saison dresse une fresque d’aventures indépendantes, chacune campée dans une région des Terres d’Arran, les tomes suivants révèlent une convergence progressive. Les destins des personnages, disséminés aux quatre coins de cet univers, commencent à s’entrelacer, préfigurant une grande fresque épique.

Elfes (Tome 2) : L’honneur des Elfes Sylvains, paru en mai 2013, s’inscrit évidement dans cette dynamique. Aux commandes, Nicolas Jarry pour le scénario et Gianluca Maconi pour les dessins.

Une fois n’est pas coutume, commençons par évoquer l’aspect visuel, qui joue un rôle clé dans toute série graphique. Si Gianluca Maconi respecte les codes visuels des Terres d’Arran, son style se révèle ici un peu trop cartoonesque à mon goût. Certes, les forêts millénaires, habitées par les Elfes Sylvains, sont somptueusement rendues. La végétation foisonnante, les clairières baignées d’une lumière mystique et les ombres inquiétantes participent pleinement à l’immersion. Cependant, les traits des personnages manquent parfois de gravité, nuisant à la tension dramatique de certaines scènes.

Ce style plus léger contraste avec l’ambiance grave et mystérieuse des intrigues qui entourent les Elfes Sylvains. Ces derniers, gardiens austères et fiers des bois, auraient mérité des visages plus empreints de noblesse et de profondeur. L’émotion, bien qu’authentique, semble diluée dans un rendu graphique qui ne correspond pas toujours à la tonalité épique du récit.

Rien ne va plus pour la cité d’Eysine ! Une puissante armée d’Orcs mercenaires l’assiège, menée par la main perfide des humains des cités des archipels. Ces derniers, sans honneur ni respect pour les traités commerciaux qu’ils ont signés, trahissent leurs engagements pour le profit. Tandis que l’étau se resserre, les dirigeants d’Eysine comprennent que l’aide des autres cités humaines est illusoire. Isolés, désespérés, ils n’ont d’autre choix que d’envisager une alliance avec les mystérieux Esprits de la Forêt : les Elfes Sylvains. Llali, fille du seigneur d’Eysine, se porte volontaire pour quémander leur aide.

Malgré un postulat prometteur, j’ai eu du mal à saisir les subtilités des motivations et des enjeux de cette guerre. Les raisons de l’attaque sur Eysine sont survolées, noyées dans des explications succinctes. Les dialogues manquent d’étoffe, et le manque de points de vue divergents affaiblit la profondeur politique de l’intrigue. Ainsi, on finit par délaisser les raisons du conflit pour se concentrer sur la quête de réconciliation entre Eysine et les Elfes Sylvains. Ce choix, bien que narrativement focalisé, laisse une impression d’incomplétude dans la peinture de cette guerre.

Toutefois, le message sous-jacent est clair et poignant : un plaidoyer écologique. Ce tome dénonce sans ambages l’avidité des hommes, prêts à détruire leur propre terre pour quelques richesses éphémères. La trahison des cités des archipels symbolise cette obsession du profit, au détriment des équilibres naturels et des liens entre peuples.

Dans sa quête, Llali s’évade d’Eysine avec l’aide de son garde du corps dévoué, Imgam. Leur voyage les conduit au cœur des bois millénaires, où elle rencontre Yfass, un elfe sylvain au tempérament complexe. Ensemble, ils tentent de raviver une alliance perdue, renouant des liens brisés entre hommes et elfes sylvains. Ces derniers, gardiens des forêts, cultivent une méfiance farouche envers le monde extérieur, marquée par leur neutralité austère et leurs parts d’ombre. Ce tome nous en révèle davantage sur leur mode de vie, leurs secrets et leurs druides, figures fascinantes et puissantes de leur culture. J’ai particulièrement apprécié cet approfondissement qui enrichit l’univers des Terres d’Arran.

La relation entre Llali et Yfass, teintée d’espoir et de défi, forme le cœur battant de ce récit. Leur union symbolique pose la question cruciale : les hommes et les Elfes Sylvains peuvent-ils surmonter leurs différends et se rassembler face à une menace commune ? Cette tension trouve son apogée dans une bataille décisive contre les Orcs mercenaires, où se joue l’avenir des deux peuples. Le dénouement, porté par un souffle épique et une belle dose d’émotion, vient clore ce chapitre sur une note pleine d’espoir.

Elfes (Tome 2) : L’honneur des Elfes Sylvains s’inscrit avec force dans l’univers des Terres d’Arran, en explorant la dualité entre les hommes et les Elfes Sylvains, gardiens d’une nature menacée. Si l’intrigue pêche par un manque de clarté et de profondeur dans ses explications, elle se rattrape grâce à une narration portée par des thèmes puissants : la réconciliation, l’écologie, et la résilience face à l’adversité. L’exploration de la culture des Elfes Sylvains, enrichie par des figures intrigantes comme les druides, apporte une densité bienvenue à cet épisode. Et malgré quelques maladresses, le récit s’achève sur une conclusion émouvante et pleine de promesses pour la suite de la série.