Alors ici c'est l'inverse du précédent album. Le début commence trop holéholé avec trop de péripéties d'un coup et puis à partir de la moitié du récit, un rythme moins dense se dessine et on savoure l'aventure comme il se doit.
Hergé prend également soin de distiller l'humour entre deux scènes sérieuses grâce à l'ami Milou, qui, ici, semble annoncer la venue du capitaine Haddock (apparemment Hergé, lui , ça le fait poiler de voir des gens bourrés, parce que l'album précédent, c'était Tintin qui était déchiré). L'humour fonctionne mieux. A vrai dire, en commençant le récit avec Tintin qui se fait tirer dessus dès la première page, on accepte peut être un peu mieux le burlesque des situations qui suivent. Même si le début, je l'ai dit est moins réussi, trop burlesque.
Il y plusieurs choses assez étonnantes, voire perturbantes dans le récit (non pas les deus ex machina, ça on a l'habitude maintenant): les Dupondt sont moins sympas et ne semblent pas être pris de remords de devoir arrêter leur ami; Tintin est sévère envers Milou. Pour ce dernier point, ça ajoute au côté comique, mais c'est étrange de voir Tintin gronder Milou sans cesse... Il y a aussi la maladresse de Tintin lui même. Jamais le héros n'aura paru si... humain! il se vautre à plusieurs reprises, il a l'air d'un petit coq prétentieux à toujours faire la morale mais à ne pas non plus faire mieux... Je pense que si Haddock n'était pas apparu, Tintin nous aurait été plus proche... Car Hergé prend un vrai malin plaisir à faire souffrir son héros.
Signalons également que les incohérences sont moins nombreuses: c'est le premier album de Tintin, où notre reporter ne conduit pas lui même un avion! Et oui! Il est redevenu un peu plus humain! Bon évidemment l'aide que les gens lui portent est toujours étonnante mais bon... c'est un début. n'empêche si un ptit rigolo se ramenait près de mon avion en me disant vite je pourchasse cet avion là il est rempli de malfaiteurs... je crois que je lui fous une claque.. enfin non... parce que tintin il est balaise! souvent il se bat seul contre 3 et il leur fout une raclée... enfin ça aussi ça devient de plus en plus réaliste au cours des albums. Il y a aussi le côté soif de se mêler de tout qui semble enfin faire partie de sa personnalité et non d'une volonté narrative. D'ailleurs Hergé semble prendre plaisir à corriger son personnage à maintes reprises en lui faisant quelques farces liées à sa curiosité.
Pour en revenir à la critique, le graphisme est vraiment très léché. Le découpage est un peu plus vivant, Hergé tolère des plans plus rapprochés, des cadrages avec parfois beaucoup moins d'air au dessus des personnage. Ça change le rythme. Il y a également la scène de combat contre Müler qui est vraiment très bien foutue! Enfin Hergé maîtrise de mieux en mieux les ellipses, les cases muettes et quant à son dessin, il est ici magnifié avec des décors somptueux fourmillant de détails sans jamais surcharger la page ni la case; la lecture reste aisée. Hergé, c'était un as, mille tonnerre!
Des épisodes relus (pour le moment j'ai tout relu jusque La licorne), celui ci me semble être le plus drôle, le plus beau. Enfin Tintin semble plus consistant et vivant que jamais; Milou reparle pour le plaisir des fans mais aussi pour faire le contrepoint de Tintin. C'est donc un album étonnant, plein de surprises que j'affectionne beaucoup malgré ses défauts.