- Faisons l'amour, faisons la guerre...
- Ces deux métiers sont pleins d'attraits...
- La guerre au monde est un peu chère...
- L'amour en rembourse les frais...
- Que l'ennemi, que la bergère...
- Soient tour à tour serrés de près...
- Hé ! Mes amis, peut-on mieux faire, quand on a dépeuplé la terre...
- Que de la repeupler après ?
« Le bon avis » par Catherine - Stanislas, Marquis de Boufflers, XVIIIe siècle.
Par ici ! Laissez-vous guider par la curiosité... Si Monsieur n'arrive pas à bander, madame sera libérée.
L'Impudence des chiens des Éditions Delcourt est une bande dessinée aussi drolatique que pertinente du scénariste Aurélien Ducoudray et du dessinateur Nicolas Dumontheuil. Un récit allégorique grand-guignolesque truculent, dressé sous un assemblage de vers à sentence morale autour d'un sujet amorale avec le « Congrès ».
« Le Congrès c'est bien cette épreuve sous l'oeil de Dieu, où vous devez prouver votre adresse à contenter publiquement votre aimée ? »
Le Congrès était une spécificité française mis en place lorsque une femme voulait se démarier pour cause d’impuissance de l’époux. Se tenait une assemblée composée d’ecclésiastiques, de juges, de greffiers, de docteurs, de matrones, de prélats... qui devaient faire subirent aux deux époux un interrogatoire très intimes, suivi d'un examen très poussif des organes génitaux. Venait le moment fatidique où le couple devait se livrer à une ultime démonstration devant l'assemblée. Une partie de jambes en l'air où l'homme devait démontrer sa capacité à forniquer devant des témoins, qui sans vergogne, ordonnaient les positions à prendre. "J'te raconte pas la pression !" Sommé d'honorer sa femme, si l'homme échouait il était accusé d'impuissance et la dissolution du mariage était acquis à la cause de l'épouse. L'homme n'avait plus le droit de se remarier et il devait céder la moitié de ses terres à son ex-femme. Injustice et sexisme pour les femmes et jamais pour les hommes, vraiment ? Une pratique accablante ayant duré environ 100 ans avant de prendre fin en 1677, puisqu'il fut prouvé qu'une forte tension venait à freiner une érection. "L'évolution dirons-nous."
Une part peu glorieuse de l'histoire française avec un Congrès qui semblait plus tenir d'un rassemblement de personnes malsaines qui profitait de la situation pour s'en mettre plein les yeux. Un sujet fiévreux que Ducoudray délivre à travers un humour jubilatoire qui va se servir de son histoire pour arpenter l'impuissance masculine. L'incapacité à obtenir une érection pour parvenir à réaliser un acte sexuel. Un véritable problème pour l'homme, qui devant une impuissance éprouve un sentiment de culpabilité et une honte qui peut atteindre des propositions traumatisantes. Une insuffisance incarnée par le malheureux "Comte François de Dardille", qui n'a d'autres choix que de retrouver sa vigueur sexuelle avant que sa compagne, la "Comtesse Amélie de Figule", ne se débarrasse de lui lors du Congrès. En effet, à défaut d'être honorer par son mari au point d'être encore vierge, celle-ci à trouvé une nouvelle chaussure à son pied. Un concubin qu'elle conserve de manière habile, puisque pour ne pas se faire déflorer afin de prouver sa virginité lors du Congrès, elle maintient une prise sur celui-ci en le laissant emprunter un chemin plus sinueux.
« Si Monsieur n'arrive pas à bander, madame sera libérée avec le droit de se remarier et sa virginité aux yeux de tous conserver. Ce que l'on ne dit pas c'est que pour assurer cette nouvelle union, Madame pratique la politique du cul tourné... Et à une jument de travers, un étalon ne peut couvrir son derrière, oui... Voilà cette affaire ainsi révélée... »
Un moment grave pour le Comte, qui doit absolument retrouver son énergie sexuelle. Pour cela, il va pouvoir compter sur son meilleur ami, le "Marquis", alias, le "Membré" pour lui faire retrouver cet appétit sexuel qui lui fait défaut.
S'ensuit un périple hilarant durant lequel le Marquis va ériger une série de fantasmes dans des lieux de débauche plus ou moins renommés. On découvre une maison de passe avec tout un éventail de femmes aphrodisiaques telles que la « Naturelle », apparition divine et carnée ! La « Traditionnelle valeur », éternelle, fiable et assurée ! La « Parisienne », reine de la jarretière et du pavé ! La « Cornette a déflorer », qui n'a pas fait vœux de chasteté ! « L'Ouvrière prête à vous riveter », tout droit venue d'une fabrique d'allumettes ! « L'Impératrice du soleil levant », au mille voluptés ! « L'Amazone exotique », dangereuse mais heureusement édentée ! Le « Charme fané des années », en massif ou en bouquet ! La « Candeur idoine » de la jeunesse sucrée !... À cela s'ajoute des pratiques sexuelles pour le moins atypique telles que l' « agalmatophilie », pour les exciter du marbre, de la pierre et du bronze ; ou encore la « narratophilie », l'art d'insulter en verset et en pieds. Une frivolité libertine réjouissante que l'on retrouve jusqu'aux dialogues. Une élucubration de rimes et de versets d'une espièglerie délectable, faisant l'effort de correspondre au dialecte de l’époque. Celui de la belle langue de Molière.
« Depuis quand les cochers parlent-ils comme Molière ? Va-t-il manier Alexandrin en étrillant son bourrin ? Décidément ce siècle des Lumières les dispenses vraiment sans discernement... À quoi bon donner talent à fonction qui n'en a pas usage ?... Après un rhéteur, un littéraire à présent... Ne manque plus qu'un cocu, et nous pourrons jouer du Corneille ! »
Une amorce coquine qui prend également forme à travers le dessin de Dumontheuil. Un trait érotique-comique haut en couleurs qui pétille sur chaque vignettes. Une esthétique qui fait opposition au classicisme à travers un style baroque caractérisé par la liberté des formes sur le plan du corps humain, ainsi que la profusion des ornements. Une perspective de l'image en parfaite adéquation avec le récit exploré, pour une bande-dessinée qui danse au rythme d'une sarabande désinvolte effrénée.
CONCLUSION :
L’Impudence des chiens, du duo "Aurélien Ducoudray - Nicolas Dumontheuil", met en scène un univers baroque tragi-érotique burlesque, destiné à faire passer, sous une forme "ludique" et imagée, une réflexion critique et morale d'une pratique révolue à travers un délectable humour décalé. Un album ô combien cocasse et récréatif adressé aux fans du phrasé de Molière, pratiqué sans langue de bois.
Une œuvre osée qui se passe de morale pour dresser sa propre moralité.
- Au clair de la lune, Pierrot répondit :
Je n'ai pas de plume, je suis dans mon lit...
Va chez la voisine, je crois qu'elle y est...
Car dans sa cuisine, on bat le briquet...
- Au clair de la lune l'aimable Lubin, frappe chez la brune, ell' répond soudain :
Qui frapp' de la sorte ?
Ouvrez votre porte, pour le Dieu d'amour...
Au clair de la lune, on y voit qu'un peu...
On chercha la plume, on chercha le feu...
En cherchant d' la sorte, je n' sais ce qu'on trouva...
Mais j' sais que la porte, sur eux se ferma.