Critique de L'Invulnérable - Dan the Unharmable, tome 1 par AldreaShierow
Ça se lit, on rigole, ça s'oublie...
le 20 oct. 2013
Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 d'une série indépendante de toute autre. Elle a démarré en 2012, est écrite par David Lapham, et dessinée et encrée par Rafael Ortiz.
C'est l'histoire de Dan, un individu im-blessable (le néologisme correspondant à unharmable). Dan est indestructible et rien ne peut lui faire de mal. Les attaques physiques le laissent de marbre et n'occasionnent aucun dommage, aucune blessure. Cet état physique s'accompagne d'une forme de détachement émotionnel, comme si les événements avaient également du mal à l'atteindre d'un point vue psychologique. L'histoire commence avec le cadavre dénudé de Jiliian Hickenlooper en contrebas des lettres géantes Hollywood. 2 inspecteurs de police constatent les mutilations (un sein arraché, un bras tranché et des dents manquantes). Le coupable a déjà signé sa confession : il s'agit d'Elmer Brown qui vivait en concubinage avec elle. Elle laisse 4 enfants dont Chandra la plus âgée. À New York, Dan s'éveille d'un roupillon sur la pelouse d'un parc, avec son ami Tober (un clochard à ses cotés). Il se lève et s'en va se faire tabasser par un gang dans l'espoir de récupérer un film compromettant, pour le compte d'une cliente. Après ce passage très violent, il est contacté par Chandra qui l'engage pour trouver le véritable assassin de sa mère. Ils partent pour Hollywood, avec 2 assassins sérieusement dérangés à leurs basques (Bobo et Peep, celle qui collectionne des dents).
David Lapham est un scénariste de l'extrême qui ne laisse pas indifférent. Il a commencé par créer et autoéditer sa propre série Stray Bullets. Il a travaillé pour Marvel : de Spider-Man (Un grand pouvoir) à une version extrême de Deadpool pour le label MAX (Un penchant pour la violence). Il a également travaillé pour DC Comics avec une histoire de Batman (City of crime). Il a créé ses propres histoires éditées par Vertigo, comme Young liars (en VO) et Silverfish. Et il produit des histoires peu ragoûtantes pour Avatar qui vont de zombies abjects de la série Crossed (Psychopathe), à la perversion de la Rome antique (Calígula), en passant par des loups garous sanguinaires (Ferals).
La seule certitude en ouvrant ce comics est que Lapham n'a pas froid aux yeux, et n'a pas peur de choquer pour choquer. Ça commence avec ce cadavre dénudé et mutilé, ça continue avec l'affrontement qui dégénère en massacre entre Dan et les petites frappes. Chaque épisode recèle son moment de mauvais goût, ou franchement malsain (Peep et son fétichisme pour les dents, répugnant et relevant du cas psychiatrique). Comme à son habitude, David Lapham refuse la retenue ou le politiquement correct : dès la première page, le cadavre indique clairement au lecteur que cette histoire est racontée sans pincette. En fait, avec le recul, le lecteur peut trouver que ces éléments atroces et abjects ne sont pas indispensables. Certes ils permettent de montrer le niveau de détachement et le degré zéro d'empathie de Dan, mais Lapham le montre également d'autres manières. Ortiz ne se délecte pas à dessiner chaque horreur dans le menu détail. Il n'est pas du genre à représenter les intestins de manière réaliste pour un cadavre éventré, mais la place laissée à l'imagination est quand même réduite.
En passant outre ces éléments un peu racoleurs (dans le mauvais sens du terme), le lecteur découvre un personnage qui sort de l'ordinaire (ce sera l'euphémisme du jour). Dan est en légère surcharge pondérale (de belles poignées d'amour), il a une tignasse hirsute et volumineuse, et une moustache s'inspirant de celle de Frank Zappa. Il est fan des Melvins et écoute leur album Prick en boucle, sur un baladeur CD. Il mène une vie dégagée de toute responsabilité, satisfait de son sort du moment qu'il dispose d'assez d'argent pour subvenir à ses besoins très basiques pour les 48 heures à venir. Son pouvoir s'accompagne d'un grand besoin de dormir, et d'une mémoire très sélective, à la limite de l'idiotie. Lapham introduit en début de récit une situation dans laquelle il est obligé de s'investir, malgré des passages à vide régulier. Le pouvoir de Dan lui permet d'affronter les psychopathes les plus dangereux sans aucune égratignure. La tension dramatique provient du danger pour ses proches, des efforts qu'ils effectuent pour l'impliquer, et de la réelle dépravation des personnes qu'il affronte. Il y a une ou deux scènes d'action qui semblent parachutées pour redynamiser la narration (Dan se jetant sur une voiture depuis un pont). Mais ces maladresses (ces provocations faciles et parfois gratuites) sont largement compensées par cet étrange bonhomme aux aspirations si basiques que le bonheur lui est facilement accessible.
Dans une interview, Lapham expliquait que cette série était la première qu'il avait proposée à l'éditeur Avatar et que les responsables avaient différé sa mise en production pour pouvoir trouver un dessinateur adapté. Le style de Rafael Ortiz évoque un peu celui de Jacen Burrows (autre dessinateur employé à plein temps par Avatar), avec un encrage un peu plus solide, des morphologies parfois approximatives (pas trop souvent quand même), et une volonté de représenter les choses de façon réaliste, sans se perdre dans le détail photographique. Il subsiste parfois une sensation d'amateurisme (disparition flagrante des décors pendant une page, visage aux proportions déconcertantes), Ortiz sait ne pas trop en faire pour rester assez crédible. Il ne recule pas à dessiner les séquences les plus gores, mais il ne représente pas la tripaille de manière obsessionnelle ou comme élément principal de ses compositions. Il réussit à donner une apparence à la fois de bonhomie inoffensive à Dan, et d'individu implacable lorsqu'il est en situation de danger, sans que le lecteur n'éprouve l'impression qu'il s'agit de 2 personnages différents. Il donne une apparence malsaine aux différents psychopathes, et il évite d'hypersexualiser les femmes, surtout quand elles deviennent des victimes. Cette volonté de ne pas se complaire dans un voyeurisme maladif fait beaucoup pour atténuer les aspects les moins justifiables du scénario.
David Lapham et Rafael Ortiz présentent un personnage principal sortant de l'ordinaire et semblant fort peu adapté aux situations atroces auxquelles il va être confronté. Si le scénariste et le dessinateur commettent quelques maladresses se reposent sur quelques facilités, et surjouent la provocation, le récit est prenant du début jusqu'à la fin, avec une atmosphère unique, préservant le suspens malgré la propriété d'indestructibilité du personnage principal.
Créée
le 28 sept. 2019
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