Quand un auteur aussi talentueux que Fabcaro se lance dans le défi de scénariser une icône de la culture populaire française, il y a de quoi être curieux. D'abord, il est clair que le cahier des charges doit être lourd, et quel que soit l'auteur, il doit se plier à certaines exigences. Malgré ces contraintes, Fabcaro parvient à intégrer son humour tout en respectant l'esprit de Goscinny. Même su tout n'est pas parfait, pour un premier essai, c'est plutôt réussi.
Il est aussi étonnant de voir à quel point certaines critiques prennent Astérix aussi au sérieux que s'il s'agissait d'un candidat au prix Goncourt. Ceux qui critiquaient autrefois Goscinny et Uderzo pour leur prétendu poujadisme, sexisme, ou encore chauvinisme, sont maintenant prêts à les encenser, tout en continuant à attaquer les nouveaux albums avec les mêmes accusations. Pourtant, il ne faut pas oublier qu'Astérix, c'est avant tout de la BD, une caricature destinée à nous divertir, à nous faire rire, et à gentiment pointer du doigt les travers de notre société.
Sur ce plan, l'album est-il réussi ? Sans en dévoiler trop, l'histoire met en scène une armée romaine en proie à la démoralisation, ce qui inquiète César. Comme d'habitude, un de ses conseillers propose une solution : Vicératus, adepte de la pensée positive, pense pouvoir prouver à César les bienfaits de sa méthode. Il doit réussir à conquérir le village gaulois en appliquant ses principes. Vicératus, avec ses aphorismes et sa manière positive de formuler les choses, devient rapidement un perturbateur dans le village. Sa stratégie, bien que différente de celle de Détritus dans La Zizanie, sème un ramollissement général, culminant lors d'un concert d'Assurancetourix, à ne pas manquer.
La deuxième partie de l'album se concentre sur le couple de Bonnemine et Abraracourcix, avec Bonnemine qui décide de suivre son nouveau mentor à Lutèce. Cet album se lit avec plaisir. Dès les premières pages, on retrouve le retour en force des jeux de mots, certains subtils, d'autres plus évidents, mais tous très drôles.
Astérix reste fidèle à lui-même, intelligent et capable de retourner les discours de l'intrus contre lui. Obélix, de son côté, est toujours aussi attachant avec sa naïveté et son pragmatisme, s'inquiétant de ne plus faire peur ni aux sangliers ni aux Romains, ce qui donne lieu à des dialogues et des situations hilarantes.
La deuxième partie de l'album est encore plus réussie à mon goût, avec le voyage à Lutèce, riche en surprises. On y découvre le Char à Grande Vitesse (CGV), les bobos et hipsters de la capitale, l'art moderne du musée de Kebranlix, et bien d'autres clins d'œil amusants. Peut-être que ceux qui se sentent visés sont aussi les plus critiques envers cet album !
En fin de compte, le scénario de Fabcaro est une réussite, et les dessins de Conrad sont toujours aussi bons. Il imite Uderzo à la perfection, tout en commençant à s'en démarquer un peu, comme on peut le voir avec son interprétation de César. Quant aux défauts, ils sont mineurs : un rôle insignifiant pour Idéfix et un manque de gags visuels, que l'on apprécie souvent lors d'une relecture. Mais au final, cet album est certainement le meilleur depuis longtemps. Alors pourquoi ne se laisser tenter ?