Après les bons épisodes asiatiques des Cigares du Pharaon et du Lotus bleu, Tintin remet les pieds sur le continent américain mais il a bien changé depuis qu'il était venu aux Etats-Unis pour lutter contre les gangsters (dans Tintin en Amérique). Le jeune homme naïf des tous premiers albums de la série devient ici, comme le moque Milou, une sorte de Sherlock Holmes, et pour tout dire on ne s'en plaindra pas.
Peu importe l'histoire, vous la découvrirez vous-même si vous ne connaissez pas l'album, mais Hergé nous emmène ici dans un pays d'Amérique du sud miné par les coups d'Etats et les guerres avec les pays voisins, le San Theodoros qui n'est autre que la Bolivie, pays qui fut en guerre contre le Paraguay lors du conflit du Gran Chaco (voir à ce sujet la critique de lepsychopathe , que je vous conseille de lire, ce qui m'évitera de répéter pas mal de choses, que de plus j'aurais sûrement moins bien formulées : http://sens.sc/LQ3xNc).
Hergé évoque ainsi dans cet album les coups d'états militaires, les guerres liées à la présence d'éventuels gisements de pétrole, la lutte entre deux compagnies, une américaine et une britannique, pour l'exploitation de ces gisements, la corruption des dictateurs de ces pays par ces entreprises qui les incitent à la guerre et par des marchands d'armes qui par ailleurs vendent leurs produits des deux côtés de la frontière ! A noter qu'il évoque aussi deux tribus indiennes dont des coupeurs de tête. Un album encore une fois dépaysant pour Tintin ainsi que pour le lecteur, évidemment.
Hergé y reprend de nombreuses ficelles et situations qu'il avait utilisées précédemment : encore une histoire de condamné à mort, de vengeances, de courses poursuite, de méchants maladroits, de manipulation pour faire croire que Tintin est coupable. Le jeune homme à la houppe nous fait même le coup de l'auto qui tombe dans le virage (comme Rastapopoulos dans les cigares du pharaon). Au moins le lecteur ne sera pas surpris, mais on peut quand même trouver qu'Hergé innove peu dans cet album. A noter toutefois des Dupondt de plus en plus drôles, qui ajoutent à leurs maladresses habituelles des erreurs langagières parlant par exemple de valeur « intrinsecte » ou d'une « lettre anonyme dont l'auteur est inconnu » (même s'ils sont peu présents dans l'album).
Bref, L'oreille cassée est un album agréable mais que j'ai trouvé moins intéressant et réussi que Le lotus bleu ou les Cigares du pharaon. En tout cas, malgré un côté exotique assez plaisant, il ne m'a pas véritablement marqué, et il est probable que j'en garderai finalement assez de peu de traces dans ma mémoire.