Pour les adeptes de Bible alternative...
Cela fait longtemps que je ne m’étais pas plongé dans un album de « Le Chat ». Autant j’en ai lu dans mon adolescence, autant je me suis éloigné de cet univers ces derniers années. Pour moi, cette série reste donc associée à la bibliothèque parentale. Mais la sortie du dernier tome m’a intrigué. Il s’intitule « La Bible selon Le Chat ». La philosophie et la répartie célèbres du personnage m’incitait à être optimiste quant à la drôlerie de son immersion dans la religion. Cet ouvrage, évidemment écrit par Philippe Geluck, se compose de deux bouquins dans un format à l’italienne intitulés sobrement « Livre premier » et « Livre second ». Chacun approche la centaine de pages.
Le premier livre annonce son programme sur sa première page : « Dans lequel Dieu va créer des tas de choses épatantes ». Le second également nous promet de belles aventures : « Dans lequel Dieu va créer l’homme et la femme avec l’aide de son ami le mouton ». Le moins que je puisse dire est que l’auteur annonce la couleur.
Chaque partie possède vraiment son atmosphère. La première débute avec un Dieu qui crée la lumière parce qu’il en a marre de se taper partout dans le noir. S’ensuit un enchaînement de créations plus loufoques les unes que les autres. Cet aspect est celui que je préfère dans cet album. Geluck arrive à générer une atmosphère absurde et cohérente en nous faisant suivre un Dieu frénétique. Dans l’ordre, le lecteur voit apparaître le ciel, la mer, la terre, le soleil, la lune, les poissons, les oiseaux ou les dinosaures… Evidemment toutes les étapes de fabrication ne sont pas sans embûches et j’ai bien rigolé des tâtonnements de Dieu dans ses créations. Le ton décalé de Geluck peut prendre ici toute son ampleur. Cela donne lieu à quelques bonnes vannes.
La seconde partie est moins délurée car le monde est déjà créé. L’arrivée de l’homme génère moins d’excès. Les gags autour de l’homme et de la femme sont plus prévisibles et donc moins hilarants. L’auteur semble moins inspiré dans ce livre-là. L’essentiel de la corde humoristique réside dans le personnage du mouton apparu dans la première moitié. Il devient le bras droit de Dieu. Les échanges entre les deux acolytes permettent à Geluck d’étaler son talent. Néanmoins, le fait que ce chapitre soit moins réussi laisse un sentiment mitigé en fin de lecture.
Le format de l’ouvrage fait que bien souvent une page correspondant à un gag construit sur une seule illustration. C’est la structure qui correspond le mieux à l’humour de l’auteur. Son sens de la phrase permet de trouver un terreau fertile. Geluck tourne assez bien en dérision les codes de la Bible. Je ne vous donnerai pas d’exemples pour ne pas vous en gâcher la découverte. Néanmoins, toutes les pages ne sont pas drôles et certaines servent uniquement de transition ou d’introduction. Cela fait que l’intensité humoristique de l’ensemble est inégale. C’est dommage car l’attention du lecteur a tendance à s’essouffler lors des temps morts. Je trouve que l’album manque de densité. Geluck tourne finalement toujours autour des mêmes mécaniques humoristiques. J’ai le sentiment que son talent devait lui permettre d’ajouter des cordes à son arc. En effet, la Bible possède suffisamment de personnages et d’histoires pour offrir une parodie plein de surprises.
Sur le plan graphique, j’aime beaucoup le personnage du Chat et du mouton. Ils sont réussis et collent parfaitement au style humoristique de l’ouvrage. Par contre, je ne suis pas conquis par les décors. Je les trouve trop brouillons. De plus, je ne suis pas fan de la représentation des humains. Je trouve qu’ils participent trop peu à créer une ambiance qui habite notre lecture.
Pour conclure, je trouve cet album intéressant. La thématique est un bon choix et donne lieu à des moments drôles et imprévisibles. Malgré tout, l’ensemble reste inégal et je n’y ai pas trouvé la densité humoristique que j’y cherchais. C’est un ouvrage qui peut se feuilleter avec plaisir mais qui ne marque pas une fois refermé. Néanmoins, l’exercice est original et ce n’est déjà pas si mal…