La première intégrale de la Brigade Chimérique se donnait une mission simple : retracer la filiation entre la littérature feuilletonesque européene du début du XXème siècle et les Comics de super héros américains des années 40 et suivantes. Au passage, la Brigade Chimérique opérait un parallèle particulièrement réussi entre la fin d'une époque littéraire et la fin d'une époque politique, mettant en scène les héros oubliés et les villains à venir comme autant d'acteurs d'une époque marquée par la montée de tous les facismes les plus barbares.


De cette oeuvre à plusieurs niveaux de lectures impeccablement imbriqués, Ultime Renaissance ne garde RIEN.


Le postulat de base : Au XXIème siècle, les surhommes du passé ont été oubliés, et un mystérieux événement pousse une équipe de fonctionnaires français à se lancer sur la trace de leurs derniers représentants disséminés dans le monde. En substance, toute la tragédie d'Ultime renaissance tient en ces quelques mots. Si la littérature de feuilleton a bel et bien été oubliée du grand public, et remplacée au XXIème siècle par les sagas de films à gros budget, le postulat ne fait aucun sens d'un point de vue intradiégétique. Pire, à l'époque d'internet et des fake news, du complot, de la résurgence du fait religieux (y compris à des fins politiques), et des interminables saga de super-héros, la croyance et l'imaginaire (moteurs de la dynamique de l'univers) sont plus que jamais au coeur du débat politique et culturel. Suivant les règles établies dans les tomes originels, le monde devrait être rempli à ras-bord de manifestations surnaturelles toutes plus farfelues les unes que les autres.


Les auteurs se donnent-ils la peine d'expliquer cette amnésie collective par un tour de passe passe d'un Docteur Mabuse (grand Hypnotiseur de foules et pendant chimérique d'Adolf Hitler dans les premiers tomes) cherchant à faire oublier les atrocités de son régime pour que l'histoire ne se répète que mieux ? Non.


Pire, au lieu de décaler la perspective sur les vecteurs modernes de l'imaginaire, les auteurs foncent droit sur le cliché en copiant (à ce stade il n'y a pas d'autre mots) l'un des comics les plus vieillot du catalogue Marvel : les 4 fantastiques


(Chob et Xénobie étant strictement identiques à Galactus et au Surfeur d'Argent dans leur dynamiques et leurs ambitions respectives).


Reste la question de la représentativité. La Brigade Chimérique : Ultime renaissance fait l'effort louable de proposer à son lectorat un casting varié sur le plan de la race, du genre et de l'orientation sexuelle. Pour autant, Ultime Renaissance passe totalement à côté de l'occasion d'utiliser cette diversité pour délivrer un quelconque message, et se complait LOURDEMENT dans un "Tell, don't Show" qui confine au gênant.


Mention spéciale au personnage de Félifax, qui touche à la question de la transidentité, qui accomplit la prouesse de ne rien dire à propos des personnes transgenre et d'être une caricature de lesbienne (cheveux courts, gros muscles, grosse moto, grossière - sa grossiereté est justifiée par un syndrome de la Tourette LMAO MAIS PUTAIN C'EST NUL (et condescendant) !!!) tout en même temps.


Le personnage de Palmyre offrait aussi l'occasion de parler de la race dans la société et dans les media populaires (à l'heure de Black Panther, Shang Chi etc, cela ne semble plus si tabou) et ne devient finalement qu'un personnage token qui passera la plus large partie de son arc narratif à se plaindre de ne pas vouloir être considéré comme tel.


Bref, la Brigade Chimérique : Renaissance Ultime est un ratage absolu, sur tous les plans. Une intrigue fade peine à mettre en valeur des personnages clichés dont le propos tombe à plat. Ironiquement, si la Brigade Chimérique aurait pu avoir pour objectif de réfléchir sur la transformation des arts populaires en objets de consommations de masse, elle rate magistralement le coche en devenant à son tour un ouvrage de plus, sans éclat ni intérêt, sur les étagères des grandes librairies...

Manaan
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le 15 mars 2022

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