Bon voilà quelques réflexions, en forme de fiche e lecture.
Titre : La Caravane
Série : Lucky Luke
Auteur : Morris et Goscinny
1ère publication : Spirou 1962-63.
Publication album : Dupuis 1964
Ouvrage d'étude utilisé : Réédition Dupuis à couverture cartonné sans modifications majeurs
Éléments de critique externe :
24° album de la saga, qui voit Lucky Luke devenir guide d'un convoi d'émigrant en chariot en route pour la Californie. Il succède à l'album « Les Dalton courent toujours » à la structure dramatique plus lâche (2 récits) et au fonctionnement d'ordre plus gag.
L'épisode est très largement inspiré du western de John Ford « wagonmaster » (en français « Le convoi des braves » bien que tourné en 1950 le film n'est diffusé en France que dans les années 60), l'album reprend certaine images du film comme celle du poulain (indice du temps passé) qui accompagne sa mère, mais lui emprunte aussi sa structure narrative.
Éléments d'analyse :
L'album utilise une narration linéaire correspondant au voyage décrit, la distribution met en scène une communauté et comprend un certains nombres de personnages caractéristiques :
– 1 héros.
– Quelques personnages principaux (Mr Boston le chef de la communauté).
– Des seconds rôles comiques (Ugly Barrow le convoyeur qui ne parle que par jurons imagés, le garnement Phinéas, le coiffeur français, La trompette Soufflerie Johns).
– Un duo comique composé de l'inventeur farfelu Zacharie Martins vite associé au croque mort,
– Des silhouettes bien campés très reconnaissable permettant de donné la vie au groupe et à donner de la profondeur aux arrières plans.
Éléments « Wagon master » « La caravane »
Communauté Mormons Pionniers
But du voyage Une vallée aux allures de terre promise La Californie
Guide 2 personnages Sandy Lucky Luke
Personnages à fonction de chef Wiggs Mr Boston
Sœur Elijah souffleuse de trompe Soufflerie Jones
Éléments comique agrégé à la communauté Le professeur marchand d'élixir L'inventeur
Rencontre avec les indiens
Notons toutefois que de notables différences existe entre les deux œuvres le film met en scène une communauté religieuse et les héros du film s'engagent pour des motivations amoureuses à la fin de l'histoire, ils intègrent la communauté. Rien de tel dans l'album Lucky Luke disparaît une fois l'aventure terminé et aucune femme ne tient un rôle particulier dans l'album même si elles sont présentes.
Le personnage de Lucky Luke est doté d'une grande humanité et fait pleinement parti du groupe, il n'est pas le cowboy solitaire.
– Il joue le soir au campement (concours de tir) P 12 2/3.
– Il danse à la fête de la fin du voyage (comme dans le film de J Ford) P 44 3/1.
– Accompli des gestes quotidiens (selle son cheval P 9 2/2, l'abreuve P 40 1/3).
– Accompli son travail (répétition des ordres) son action ne dépasse pas celle d'un bon guide et d'un bon chef. Ce n'est pas non plus un solitaire il anime des réunions avant chaque événement important (cercles autours du feu P 15 2/2 , P 28 1/1).
– Il sollicite l'aide des autres pour accomplir certaines taches P 32 4/2.
Autant le héros s'intègre à la communauté autant son alter égo équin Jolly Jumper se trouve rejeter du coté des animaux, s'il ne perd pas complètement son don de parole, ses commentaires sont du registre de l'aparté que son maitre ne paraît pas entendre.
Comme dans l'ensemble des albums la priorité est donné à la continuité du récit dans lequel les instants comiques s'intègrent et alterne avec des moments plus dramatique.
Graphiquement l'album reste conforme aux standards de « l'histoire blanche » l'ensemble des protagonistes sont blanc (on ne relève aucun noir ni jaune) à l'exception des indiens qui sont une fois de plus confiné dans un rôle comique.
Notons à cette égard que le film de J. Ford est bien plus respectueux des indiens qui apparaissent comme digne de confiance et vis à vis desquels il n'y a pas de jugement de valeur déployé.
Vision de la répartition sociale des sexes.
Le mode western permet la mise en scène d'une société patriarcale où les rôles sont nettement répartis selon les sexes.
Les hommes occupent des fonctions viriles.
– Ils attèlent les bêtes et conduisent les chariots.
– Ils sont seuls à détenir des armes.
Pl. 10 2/3 :
« Le camp est formé pour le nuit. Tandis que les femmes préparent la cuisine, les hommes font de la musique ou des concours de tir... »
Aucune femme ne conduit de chariot ou ne pratique le tir leurs fonctions semble exclusivement relever de l'intérieur du foyer et de l'élevage des enfants (l'institutrice est une femme). La préciosité efféminée du coiffeur et le gag récurent du chercheur d'or échouant sans cesse à réussir des crêpes flambées renforce la répartition sexuelle des taches, un métier même traditionnellement désigné comme masculin ne peut qu'apparaitre comme suspect d'être dévirilisé du fait qu'il se rattache au frivole et à l'apparence. Le chercheur d'or bien qu'occupant des fonctions d'intérieur au sein d'un couple dépourvu de femme est incapable de remplir correctement ses fonctions (Pl. 26, il faut sauter la cabane en voulant faire des crêpes flambés) car il n'est pas femme.
Confiné dans un rôle traditionnelle la femme n'apparait toutefois pas dévalorisée. La planche 12 montre Mme Peters poursuivant son mari avec un rouleau à pâtisserie, manière d'affirmer une autorité.
L'institutrice, Miss Littletown, mène une révolte des femmes de la caravane contre une ville corrompu.
Pl. 22 33/2 & Pl. 23 4/2 :
Miss Littletown : « Cette ville est un lieu de perdition ! Il faut les empêcher d'y aller ! Voici mon plan // EN AVANT ! Détruisons ces repaires du vice !... »
Garante des valeurs de la famille et du foyer la femme apparaît capable de les défendre y compris en s'opposant aux hommes qui peut avoir tendance à se conduire en enfant.
Schéma identique dans l'épisode des « Rivaux de Paintful Gulch » (1961) qui voit au final les deux mères de famille prendre le pouvoir au sein des familles pour imposer, sous l'influence de Lucky Luke, la paix entre les deux familles rivales. A la même époque la série Michel Vaillant met en scène la mère du héros qui dans le cadre de la demeure familiale régente l'ensemble de sa tribu.
La mise en scène d'une autorité féminine découlant de ses fonctions traditionnelles apparaît comme un rééquilibrage bricolé à une époque où la domination masculine tend à être remise en question. Le western apparaît également comme un univers utopique où les conflits, dont le foyer est un lieu , sont présenté comme apaisé et harmonieux. Les épisodes violents et dramatique étant présenté sur un ton comique.